Des fourmis des bords de rivières utilisent leurs larves comme bouées

Hymenoptera ; Formicidae ; Formicinae ; Formica selysi

Pour les fourmis, vivre au bord de l’eau est une aubaine. Les insectes et animaux morts s’échouent par centaines sur les plages et il suffit donc de les ramasser pour profiter de cette importante source de protéines. Les plages de galets et les ripisylve ensablées sont donc des lieux qu’ont priviligié certaines espèces de fourmis pour s’installer. C’est le cas par exemple de Manica rubida, des Cardiocondyla ou de l’espèce Formica selysi.

Une fourmi ouvrière de Formica selysi à l'entrée de son nid creusé dans le sable alluvial d'une rivière de montagne.
Formica selysi

Mais les bords de nos rivières ne se colonisent pas sans prendre quelques risques, et notamment celui de se faire inonder. Si les petites Cardiocondyla peuvent rendre leur nid étanche et s’abriter dans des bulles d’air, les Formica selysi préfèrent former des radeaux avec leurs corps. Pour flotter sur l’eau, elles s’aggripent les unes aux autres, en se tenant fermement par leurs tarses et par leurs mandibules, afin de profiter de la force créée par la tension superficielle de l’eau. Mais la stratégie du radeau les expose à de nombreux risques de prédation et de séparation du radeau en petits bouts, chaque petit bout pouvant dériver loin de sa colonie... Vous l’aurez donc compris : sur un radeau, tous les emplacements ne se valent pas.

Dans ce cas, comment décider qui prend le risque d’être au bord du radeau ? Ou de se trouver à sa base, et de supporter le poids de ses consoeurs au risque de se noyer ou d’être la proie du premier saumon passant par ici ? Chaque fourmi étant un peu différente des autres fourmis de sa propre fourmilière, il est possible que celles ayant une forme ou une taille facilitant leur flottaison se trouvent dans les positions les plus risquées [1]. Ou alors, comme souvent chez les insectes sociaux, les individus les plus âgés et abimés, plus proches de leur fin de vie que les autres, pourraient être ceux qui prennent le plus de risques.

Une fourmi ouvrière de Formica selysi monte la garde à l'entrée de la fourmilière, sur une plage des Alpes.
Formica selysi, fourmi des bords de rivière

C’est une troisième solution qui a été choisie par les Formica selysi : leurs larves flottent mieux que les ouvrières, elles utilisent donc ces dernières comme bouées de sauvetage [2] ! Lorsque le nid est inondé, les fourmis sortent avec leurs larves, et forment un radeau. D’autres ouvrières ramènent les larves sous le radeau en les tenant à l’aide de leurs mandibules. Pendant ce temps, la reine [3] s’installent au centre du radeau, là où le risque de se faire dévorer par un poisson ou emporté par les turbulences est moindre.

Lorsque l’inondation est terminée, il suffit aux fourmis de creuser un nid de fortune dans le sable de la première plage sur laquelle l’eau les a déposées... jusqu’à la prochaine crue !


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Notes et références

[1Adams, B. J., Hooper-Bùi, L. M., & Strecker, R. M. (2011). Raft formation by the red imported fire ant, Solenopsis invicta (Formation d’un radeau par la fourmi de feu invasive, Solenopsis invicta). Journal of Insect Science, 11(1), 171.

[2Purcell, J., Avril, A., Jaffuel, G., Bates, S., & Chapuisat, M. (2014). Ant Brood Function as Life Preservers during Floods (Le couvain des fourmis comme bouée de sauvetage durant les inondations). PloS one, 9(2), e89211.

[3Ou "les reines", Formica selysi étant une espèce dite polygyne, il peut y avoir plusieurs reines par colonies.



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