Le Couvain Pétrifié ou Aspergillose : Une maladie fongique des abeilles

Aspergillus flavus et Aspergillus fumigatus, des champignons responsables du couvain pétrifié

Le couvain pétrifié, parfois appellée aspergillose de l’abeille ou aspergillomycose, est une maladie affectant les adultes et larves d’abeilles. Elle est causée par plusieurs types de champignons y compris Aspergillus nomius, Aspergillus flavus et Aspergillus fumigatus [1] [2] [3]. Ces champignons se trouvent couramment dans le sol à travers le monde, il en existe plus de 250 espèces dont une dizaine se retrouvent dans les ruches. Les aspergilloses sont considérées comme des pathogènes opportunistes qui se développent sur des hôtes en faible santé et peuvent affecter les animaux et les humains [4] [5].

Le couvain pétrifié est considéré comme une maladie très rare de l’abeille. Cependant, étant la présence très fréquente de ces champignons sur le bois des ruches, il est possible que les abeilles nettoient rapidement les larves atteintes et que le convain pétrifié passe régulièrement inaperçu [2].

Comment se propage le champignon du couvain pétrifié ?

Des études ont montré que les Aspergillus sont très courants dans les ruchers où ils se trouvent sur les matériaux en décomposition (principalement le bois) dans les ruches [2] [3]. Ils affectent généralement les larves, mais les abeilles adultes sont également très susceptibles à l’infection par A. flavus lorsqu’elles ingèrent des spores [2]. Ils se développent à des températures allant de 7°C à 40°C, avec une plage optimale entre 33°C et 37°C [4], des températures proche de celle des nids d’abeilles. Les abeilles adultes touchées par le couvain pétrifié sont infectées lorsqu’elles ingèrent des spores, ou possiblement à l’état larvaire à travers leur peau ou cuticule. Les abeilles malades présentent des changements comportementaux tels que l’agitation, la faiblesse, la paralysie, et des altérations morphologiques telles qu’un abdomen distendu.

Le couvain pétrifié se propage aux larves par transmission orale entre des adultes contaminés lors du nettoyage de la ruche et des larves. L’infection affecte à la fois les couvains operculés et non operculés, apparaissant initialement comme des larves blanches et duveteuses, pour ensuite devenir jaunes ou brun verdâtre, se momifier et durcir.

Les défenses au niveau de la colonie jouent un rôle essentiel dans la lutte contre l’aspergillose. Les abeilles retirent régulièrement les larves malades de leur colonie, ce comportement hygiénique qui constitue une défense importante contre les maladies des larves. La présence de propolis sur les surfaces des ruche est aussi une barrière probable contre l’établissement de maladies et de champignons [2], et il peut donc être préférable de la laisser en place.

Comment prévenir et traiter la maladie ?

Il n’existe aucun traitement spécifique pour éradiquer la maladie, mais certaines mesures préventives peuvent aider à la gérer. Il est recommandé de choisir un emplacement approprié pour l’apiculture, d’éviter les zones humides et de garantir une exposition adéquate de la ruche au soleil ce qui permet de sécher le bois régulièrement. De plus, maintenir l’hygiène de la ruche en prévenant l’infiltration d’eau et en désinfectant régulièrement l’équipement apicole peut réduire le risque d’infection. L’introduction ou le contact avec la terre ou le sol et les éléments de la ruche est fortement déconseillée. De mauvaises pratiques circulant sur internet et encourageant l’introduction de sol dans l’espoir d’ajouter dans les ruches des acariens prédateurs du varroa sont susceptibles de causer des infections de couvain pétrifié, et ont été démontrées comme étant inefficaces, voire dangereuses pour les abeilles.

En cas de détection de couvain pétrifié, il est nécessaire de porter un masque respiratoire avant toute chose pour éviter une contamination, et de préférence d’utiliser des gants jetables. Les vareuses et outils doivent être soigneusement lavés. Les apiculteurs et apicultrices immunodéprimées doivent demander à une autre personne de s’occuper de la ruche pour éviter le risque de contamination.

Les infections sont rares, mais si elles sont importantes, les abeilles peuvent être déplacées dans une nouvelle ruche et les cadres et l’équipement contaminé détruits. Il faut veiller à ce que les conditions d’hygiène générales de la nouvelle ruche soient supérieures à celle de l’ancienne (bois neufs non pourris ou humides en particulier).

Comment différencier le couvain pétrifié du couvain plâtré et des autres maladies des abeilles ?

Peu d’informations fiables sont disponibles sur l’apparence du couvain pétrifié. Différentes études scientifiques rapportent les symptômes suivants, mais sans attacher de photos.

Les larves infectées par le couvain pétrifié perdent leur aspect brillant habituel, puis meurent pour la plupart au stade prénymphal dans cellules operculées. Cependant certaines meurent avant operculation et les abeilles retirent normalement les opercules des prénymphes mortes, les rendant souvent visibles. Les larves deviennent ensuite d’un blanc terne et duveteux, comme pour le couvain plâtré, avant de se durcir et de rétrécir en l’espace de quelques heures, devenant des "momies" très dures après encore quelques jours. Cela permet de les différencier facilement de la loque européenne et de la loque américaine ou du virus du couvain sacciforme, qui rendent les larves non duveteuses et molles.

Il faut cependant attendre le stade suivant pour différencier le couvain pétrifié du couvain plâtré. La couleur des momies infectées par le couvain pétrifié passe du blanc au verdâtre au lieu du bleu-gris ou noir comme on le voit dans le couvain plâtré [6]. Le champignon forme d’abord un collier à l’arrière de la tête des larves [4], au lieu de l’extrémité de la larve chez le couvain plâtré. Les momies du couvain pétrifié sont dures et ressemblent à de petites pierres, contrairement aux momies du couvain plâtré qui ont une texture semblable à une éponge [7]. Le couvain pétrifié peut parfois être diagnostiqué par ces symptômes, mais sa culture en laboratoire et un examen microscopique sont nécessaires pour confirmer l’identification [7] (contactez votre syndicat apicole si nécessaire).

Le couvain pétrifié est beaucoup moins courant que le couvain plâtré en Europe, mais il est important de le différencier en raison des risques pour la santé humaine. Il est susceptible d’être trouvé dans tous les pays francophones de l’hémisphère nord, et donc bien sûr la France, le Canada, la Suisse, le Luxembourg et la Belgique. Ce champignon semble plus fréquent en Afrique du Nord, en Algérie, au Maroc, en Egypte et au Moyen-Orient, où il fait régulièrement l’objet d’études scientifiques [3].


Partager cet article pour soutenir Myrmecofourmis.fr:


Articles liés

Notes et références

[1Cette dernière espèce, Aspergillus fumigatus, est la moins dangereuses et ne semble pas tuer les larves d’abeilles.

[2Foley, K., Fazio, G., Jensen, A. B., & Hughes, W. O. (2014). The distribution of Aspergillus spp. opportunistic parasites in hives and their pathogenicity to honey bees. Veterinary Microbiology, 169(3-4), 203-210.

[3Shoreit, M. N., & Bagy, M. M. K. (1995). Mycoflora associated with stonebrood disease in honeybee colonies in Egypt. Microbiological research, 150(2), 207-211.

[4Seyedmousavi, S., Guillot, J., Arné, P., De Hoog, G. S., Mouton, J. W., Melchers, W. J., & Verweij, P. E. (2015). Aspergillus and aspergilloses in wild and domestic animals : a global health concern with parallels to human disease. Medical mycology, 53(8), 765-797.

[5Varga, J., & Samson, R. A. (Eds.). (2008). Aspergillus in the genomic era. Wageningen Academic Publishers.

[6Rural Industries Research and Development Corporation. 2014. Australian Beekeeping Guide. 136p.

[7Jensen, A. B., Aronstein, K., Flores, J. M., Vojvodic, S., Palacio, M. A., & Spivak, M. (2013). Standard methods for fungal brood disease research. Journal of apicultural research, 52(1), 1-20.



Poser une question:

Votre message
Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.