Publié le 18 mars 2025 et mis à jour le 24 mars 2025.
Le contrôle du varroa par piégeage sur couvain de faux-bourdon
Piégeage du varroa sur cadres d’abeilles mâles

Le contrôle du varroa par piégeage sur cadre de faux-bourdons est une méthode efficace au printemps et en été, qui permet de repousser l’utilisation de traitements acaricides complémentaires jusqu’en automne, après le retrait des hausses. Il doit être mis en place tôt au printemps, dès que les colonies ont quatre cadres de couvain ou plus, en plaçant un cadre piège (demi-cadre, ou cadre à alvéoles larges) au centre du couvain. Le cadre piège ne doit jamais être laissé longtemps pour éviter l’émergence des faux-bourdons et de varroas supplémentaires. Il est donc recommandé de le retirer tous les 12 à 14 jours, dès qu’il est operculé.
Le Varroa destructor, acarien parasite, se nourrit des larves d’abeilles durant son développement. Il peut se nourrir tant sur les larves d’abeilles ouvrières que sur celles des faux-bourdons (les abeilles mâles). Cependant, les larves de faux-bourdons peuvent supporter le développement de plus de varroas que les larves d’ouvrières. Les varroas préfèrent d’ailleurs les cellules de mâles, et y sont attirées 6 à 11 fois plus que par celles des ouvrières [1] [2].
Pourquoi les varroas préfèrent-ils les larves de mâles ?
Varroa destructor était, avant de s’en prendre à l’abeille Européenne de nos ruches, Apis mellifera, un parasite d’une abeille asiatique appelée Apis cerana. Chez cette abeille asiatique, les varroas ne se développent que sur le couvain d’abeilles mâles [3], il n’est donc pas surprenant que les varroas les préfèrent également chez l’abeille européenne.
Différents mécanismes permettent d’expliquer cette préférence. Lorsqu’une larve d’abeille s’apprête à operculer son alvéole, elle émet des odeurs particulières que les varroas peuvent identifier. Les varroas s’infiltrent alors dans ces cellules et se cachent derrières la larve. Le couvain de mâle émet ces odeurs et attire les varroas pendant plus longtemps, de 40 à 50 heures avant l’operculation, alors que les ouvrières n’attirent les varroas que pendant 15 à 30 heures [4]. Les larves de mâles produisent aussi ces composés chimiques attractifs pour les varroas en plus grande quantité [5].
Aussi, les ouvrières s’occupent du couvain de mâles deux fois plus souvent que de celui des ouvrières, probablement parce qu’ils sont plus gros et ont besoin de plus de nourriture. Cela donne d’avantage de chances aux varroas accrochés aux ouvrières nourrices de s’infiltrer dans une cellule de mâle [6]
Pourquoi les varroas se développent-ils mieux sur le couvain d’abeilles mâles ?
Les abeilles mâles ont un développement plus long que les ouvrières. Les abeilles ouvrières se développent en 21 jours contre 24 jours pour les faux-bourdons. Le développement des mâles est donc plus long de 3 jours, dont deux après l’operculation.
Pour comprendre pourquoi ces deux jours supplémentaires permettent aux varroas de se multiplier plus rapidement, il faut en savoir un peu plus sur la biologie de cet acarien. Une femelle varroa pond toujours d’abord un seul oeuf de mâle, au troisième jour après l’operculation. Elle pond ensuite un oeuf de femelle environ toutes les 30 heures, jusqu’à 4 oeufs de femelles sur du couvain d’ouvrière et jusqu’à 6 oeufs sur du couvain mâle [7]. Il faut 6,6 jours à un varroa mâle, et 5,8 jours à chaque oeuf de varroa femelle pour devenir adulte. Sur une larve d’abeille mâle operculée pendant 15 jours, cela permet à deux ou trois femelles varroa d’atteindre la maturité, sur une larve d’abeille ouvrière operculée pendant 13 jours, cela permet à une ou deux femelles varroa d’atteindre la maturité [8] [9].
La durée de développement est critique pour le varroa, car les larves de varroas femelles qui ne sont pas arrivées à maturité avant l’émergence de l’abeille hôte ne peuvent pas se reproduire immédiatement. Si elles n’ont pas fini leur développement, elles meurent, si elles ont fini leur croissance mais ne se sont pas accouplées, elles devront elles-mêmes pondre un oeuf de mâle avec lequel elles s’accoupleront [10]. Mais cela signifie que leur premier cycle reproducteur ne leur aura pas permis de produire de filles femelles, ce qui ralenti beaucoup la croissance de la population de varroas.
Comment piéger le varroa sur le couvain mâle, en pratique :
Une des options pour fabriquer un cadre piège de mâles est de se procurer dans le commerce des cadres de fondation gaufrés avec des alvéoles imprimées aux dimensions des cellules de mâles (6 à 7mm). S’ils sont en cire, il n’y à rien à faire à part laisser les abeilles bâtir le cadre. S’ils sont en plastique, il faut les enduire d’une cire couche de cire fondue. Cela se fait en réchauffant de la cire au bain-marie et en trempant le cadre ou en utilisant un rouleau à peinture (neuf) bien chaud (à faire tremper dans la cire pour le réchauffer) pour étaler la cire.

L’autre possibilité est d’utiliser un cadre normal, avec une cire gaufrée de fondation avec des alvéoles d’ouvrières sur la moitié supérieure. Au milieu, il faut insérer une barre en bois, et laisser la moitié basse vide, sans cire ni fil de fer. Les ouvrières y construiront naturellement des cellules pour mâles. Il est aussi possible d’utiliser des cadres de hausses s’ils ont des cellules larges (supérieures à 6,15mm de diamètre).

Il faut ensuite insérer un ou deux de ces cadres pièges au milieu du couvain de la colonie (par exemple, dans une ruche 10 cadres, en position 4 et 6). Une fois que les abeilles l’auront bâti, il faudra le retirer dès que les cellules de mâles seront operculées. Il est souvent impossible d’obtenir un cadre entièrement operculé, mais il vaut mieux le retirer un peu trop tôt que trop tard.
Pour le retirer, il faut vérifier que la reine ne s’y trouve pas, et la déplacer délicatement si elle y est. Il faut ensuite secouer ou brosser les abeilles adultes hors du cadre. Puis, pour un demi-cadre piège, il faut découper le couvain mâle avec un couteau ou un lève-cadre et détruire ce couvain. Pour un cadre piège entier, les mâles et varroas doivent être congelés, ou raclés avec la cire et détruits. La cire peut être fondue et conservée.
Il est conseillé de répéter cette opération dès Mars, lorsque les colonies ont au moins 4 cadres de couvain d’ouvrières, jusqu’en été. Il ne faut jamais manquer de ponctualité, si le couvain mâle éclot, des dizaines de varroas en sortiront.
Cela fonctionne-t-il vraiment ?
De manière générale, oui, surtout au printemps et au début de l’été. Mais ce n’est pas une solution parfaite.
Appliquer ce traitement du début du printemps jusqu’en été permet parfois de repousser l’utilisation de traitements chimiques (par exemple à l’acide formique) jusqu’à l’automne [1] [11]. En soi, le traitement n’est pas suffisant pour protéger les ruches toute l’année, mais il permet de traiter aux acaricides plus tard dans l’année, lorsque les ruches n’ont plus de hausses, et que le miel n’est donc plus contaminé. Il vaut mieux tout de même compter les varroas régulièrement par lavage à l’éthanol, au sucre glace, ou ceux tombés sur la planche de vol.
Pour compliquer les choses, il existe différentes méthodes plus ou moins complexes et plus ou moins efficaces. Ces méthodes diffèrent par le nombre de cadres pièges placés dans les ruches, et l’utilisation conjointe d’autres techniques.
Certains scientifiques suggèrent que seulement 462 cellules contenant des larves de faux-bourdons permettent de capturer 95% des acariens dans une colonie d’1kg d’abeilles [2], ce qui correspond à un carré de couvain de mâles d’environ 13cm par 13cm, sur un seul cadre.
Mais la plupart des scientifiques considèrent qu’un seul traitement est généralement insuffisant et utilisent souvent deux cadres à la fois [11] [12], ou répètent le piégeage régulièrement, avec différents protocoles détaillés ci-dessous :
Une étude conduite à Berne [13] a introduit des demi-cadres pièges dans des ruches. Les ruches avec cadres pièges ont été comparées à des ruches d’un groupe contrôle, sans aucun traitement. Les cadres pièges étaient régulièrement découpés pour retirer les cellules operculées de faux-bourdons. L’opération était répétée tant que les abeilles continuaient à élever des faux-bourdons, de mi-Mars à fin Septembre. Les auteurs ont compté 47 à 73% de varroas en moins dans les ruches où le couvain mâle avait été retiré. Ceci a permis une augmentation de 15% du miel récolté. Ils n’ont noté aucun effet négatif sur la population d’abeilles dans les ruches, et en ont profité pour récupérer les cires propres à chaque fois qu’ils découpaient le couvain.
Une autre étude avec une méthode plus complexe et probablement assez difficile à mettre en pratique rapporte une diminution de 93% des varroas. Cette méthode suggère d’insérer un nouveau cadre piège chaque semaine pendant six semaines, en laissant chaque cadre piège trois semaines, et en divisant la ruche à la quatrième semaine [14]. Il est cependant difficile d’imaginer la mise en place régulière de cette solution très contraignante, qui nécessite des opérations fréquentes et un grand nombre de cadres piège.
Enfin, une autre technique proposée est de placer deux ruches côte à côte, en leur permettant de partager une hausse de couvain mâle placée au milieu des deux ruches, au dessus de la grille à reine [15]. Cette technique nécessite aussi de nombreuses modifications (il faut fabriquer des demis-toits pour chaque ruche, ce qui créé des risques d’infiltration d’eau) et changements de pratiques apicoles et est donc difficilement réalisable. Le document original est en plus introuvable, et il faut maintenant se reposer sur les explications de divers blogs en anglais.
Le piégeage sur couvain de faux-bourdons affaiblit-il la colonie ?
Piéger les varroas sur des cadres de faux-bourdons signifie qu’un ou un demi cadre de couvain est élevé, nourri et soigné par les abeilles pendant trois semaines avant d’être détruit. Les larves de mâles étant détruites, ce cadre ne fournira donc rien à la colonie et les mâles ne seront jamais utilisés pour la reproduction. Le cadre piège prend aussi de la place dans la ruche parmi les cadres de couvain. Cela peut-il avoir un impact négatif sur les colonies, les épuiser ou les affamer ? La plupart des études ne trouvent aucun effet néfaste du piégeage sur cadre de couvain mâle sur les colonies d’abeilles [1] [16] [12]. Les effets rapportés sont généralement positifs, en raison de la diminution de la population de varroas dans les ruches. D’autres auteurs mentionnent même la possibilité d’utiliser le couvain de faux-bourdons pour obtenir des protéines, par exemple pour l’élevage de poules et autres volailles [16].
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Notes et références
[1] Charrière, J. D., Imdorf, A., Bachofen, B., & Tschan, A. (2003). The removal of capped drone brood : an effective means of reducing the infestation of varroa in honey bee colonies. Bee World, 84(3), 117-124.
[2] Boot, W. J., Schoenmaker, J., Calis, J. N. M., & Beetsma, J. (1995). Invasion of Varroa jacobsoni into drone brood cells of the honey bee, Apis mellifera. Apidologie, 26(2), 109-118.
[3] Rosenkranz, P., Tewarson, N. C., Rachinsky, A., Strambi, A., Strambi, C., & Engels, W. (1993). Juvenile hormone titer and reproduction of Varroa jacobsoni in capped brood stages of Apis cerana indica in comparison to Apis mellifera ligustica. Apidologie, 24(4), 375-382.
[4] Boot, W. J., Calis, J. N., & Beetsma, J. (1992). Differential periods of Varroa mite invasion into worker and drone cells of honey bees. Experimental & applied acarology, 16, 295-301.
[5] Aurori, C. M., Giurgiu, A. I., Conlon, B. H., Kastally, C., Dezmirean, D. S., Routtu, J., & Aurori, A. (2021). Juvenile hormone pathway in honey bee larvae : A source of possible signal molecules for the reproductive behavior of Varroa destructor. Ecology and Evolution, 11(2), 1057-1068.
[6] Calderone, N. W., & Kuenen, L. P. S. (2003). Differential tending of worker and drone larvae of the honey bee, Apis mellifera, during the 60 hours prior to cell capping. Apidologie, 34(6), 543-552.
[7] Traynor, K. S., Mondet, F., de Miranda, J. R., Techer, M., Kowallik, V., Oddie, M. A., ... & McAfee, A. (2020). Varroa destructor : A complex parasite, crippling honey bees worldwide. Trends in parasitology, 36(7), 592-606.
[8] Underwood, R & López-Uribe, M. 2022. Methods to Control Varroa Mites : An Integrated Pest Management Approach. PennState University Extension. Consulté le 18 Mars 2025
[9] Rosenkranz, P., Aumeier, P., & Ziegelmann, B. (2010). Biology and control of Varroa destructor. Journal of invertebrate pathology, 103, S96-S119.
[10] Häußermann, C. K., Giacobino, A., Munz, R., Ziegelmann, B., Palacio, M. A., & Rosenkranz, P. (2020). Reproductive parameters of female Varroa destructor and the impact of mating in worker brood of Apis mellifera. Apidologie, 51, 342-355.
[11] Wantuch, H. A., & Tarpy, D. R. (2009). Removal of drone brood from Apis mellifera (Hymenoptera : Apidae) colonies to control Varroa destructor (Acari : Varroidae) and retain adult drones. Journal of economic entomology, 102(6), 2033-2040.
[12] Calderone, N. W. (2005). Evaluation of drone brood removal for management of Varroa destructor (Acari : Varroidae) in colonies of Apis mellifera (Hymenoptera : Apidae) in the northeastern United States. Journal of Economic Entomology, 98(3), 645-650.
[13] Charrière, J. D., Imdorf, A., Bachofen, B., & Tschan, A. (1998). Le retrait du couvain de mâles operculé : une mesure efficace pour diminuer l’infestation de varroas dans les colonies. Revue Suisse d’apiculture, 95(3), 71-79.
[14] Calis, J. N. M., Boot, W. J., Beetsma, J., Van Den Eijnde, J. H. P. M., De Ruijter, A., & Van Der Steen, J. J. M. (1999). Effective biotechnical control of Varroa : applying knowledge on brood cell invasion to trap honey bee parasites in drone brood. Journal of Apicultural Research, 38(1-2), 49-61.
[15] van Engelsdorp, D., Gebauer, S., & Underwood, R. (2009). A modified two-queen system :“tower” colonies allowing for easy drone brood removal for varroa mite control. Science of Bee Culture, 1(1), 1-4.
[16] Whitehead, H. R. (2017). Varroa mite management among small-scale beekeepers : Characterizing factors that affect IPM adoption, and exploring drone brood removal as an IPM tool (Master’s thesis, The Ohio State University).