Publié le 24 février 2025 et mis à jour le 1er mars 2025.
Les abeilles sans dard, Mélipones ou Meliponini
Aussi appelées abeilles sans aiguillons ou méliponides

Il existe environs 300 espèces d’abeilles sociales appelées mélipones ou abeilles sans aiguillons et vivant dans les zones tropicales et subtropicales d’Amérique latine, Afrique, Asie et Australie. Leurs colonies se développent lentement et forment des nids aux structures complexe. Leur miel, liquide et acidulé, est souvent très recherché. Elles pollinisent des cultures comme la tomate, le café, l’avocat et la noix de coco. L’apiculture de ces abeilles sans dard, ou méliponiculture, connaît un essor grâce à l’intérêt croissant du public. Voici un aperçu de leur biologie fascinante et de leur élevage.
Toutes les abeilles sociales ne ressemblent pas à l’abeille sociale Européenne Apis mellifera. Sous les tropiques, on retrouve de plus petites abeilles toutes aussi sociales. Comme les abeilles du genre Apis, elles appartiennent à la famille des Apidae, et forment ce que l’on appelle en taxonomie une "tribu", celle des Meliponini. Elles sont aussi appelées abeilles sans dard, abeilles mélipones, abeilles méliponides, ou abeilles sans aiguillons (de l’anglais Stingless Bees).
Les mélipones n’ont-elles vraiment pas de dard ? Et comment se défendent-elles ?
Le nom d’abeilles sans dard vient du fait que leur aiguillon est trop petit pour percer la peau humaine. Elles peuvent cependant mordre. Ces abeilles ont de nombreux parasites et prédateurs, y compris plusieurs espèces de mouches, de guêpes, ainsi que le petit coléoptère de la ruche. Elles peuvent même être attaquées par d’autres colonies de mélipones [1].
Pour s’en protéger, elles réduisent l’entrée de leurs nids en y collant de la résine et de la propolis. Certaines espèces construisent de longues entrées en tubes, et d’autres ferment même leur nid la nuit avec de la propolis.
La plupart des mélipones ont des ouvrières qui gardent l’entrée de leur nid. Au moins une espèce possède une sous-caste d’abeilles soldates : l’abeille sans dard Tetragonisca angustula, possède deux groupes de gardiennes. Les unes volent à proximité du nid, tandis que les autres gardent directement le tube d’entrée du nid [2]. Ces deux types de gardiennes sont plus lourdes que les ouvrières butineuses et présentent une morphologie distincte avec une tête plus petites et des pattes plus développées. Ces gardiennes parviennent à se battre plus longtemps avec leurs parasites.
Où vivent les abeilles mélipones sans dards et combien d’espèces y-a-t-il ?
On retrouve les abeilles mélipones sous ou à proximité des tropiques. Elles sont présentes en Amérique latine (Mexique), en Amérique du Sud (du nord du continent jusque dans la partie Nord de l’Argentine), en Afrique centrale et Madagascar, en Asie du Sud de l’Inde à la Papouasie, et dans le nord et l’Est de l’Australie.
On rencontre environ 350 espèces de Meliponini dans le monde, dont plus de deux cents en Amérique latine et Amérique du Sud, une cinquantaine en Asie, une quarantaine en Afrique et seulement une quinzaine d’espèces en Australie (bien que la taxonomie soit encore débattue) [3]. Il existe une seule espèce de mélipones sur le territoire français et elle se trouve en Guadeloupe. Il s’agit de la Mélipone de Guadeloupe, aussi appelée abeille créole ou Po’ Ban Melipona variegatipes. Cette abeille est aussi présente à Montserrat (territoire d’Outre Mer britannique proche de la Guadeloupe).
Comment sont organisés les nids des abeilles mélipones ?
Il existe une certaine diversité dans la structure de leurs nids, mais généralement les rayons de couvain (oeufs, larves et pupes) des nids de mélipones sont circulaires et horizontaux, formant une hélice. Les nids sont organisés avec ces rayons circulaires de couvain au centre, et de plus grosses alvéoles construites généralement plus aléatoirement sur les côtés.
Ces abeilles fabriquent leurs structures avec de la propolis, souvent faite d’un mélange de résine collectée sur les arbres et de particules du sol, de cire qu’elles produisent elles-mêmes, et d’autres particules comme de la cendre ou de l’argile. Ce mélange permet probablement d’augmenter le volume de la propolis à moindre coût, la résine étant souvent difficile à collecter [4].
Il existe une grande diversité de ruches artificielles, en fonction de l’espèce, des conditions locales, et des matériaux disponibles dans les pays où ces abeilles sont présentes. En Asie, elles sont parfois élevées dans des noix de coco évidées, alors qu’en Amérique du Sud et en Australie, elles sont souvent élevées dans des ruches rectangulaires à plusieurs niveaux. Un ou deux niveaux sont souvent laissés pour le couvain, le deuxième niveau étant parfois séparé pour multiplier les colonies. Le troisième niveau est le plus souvent gardé pour la collecte du miel. En raison de la forte valeur du miel, de leur élevage facile (aucun soin n’est nécessaire la plupart du temps pour les personnes ne cherchant pas à collecter le miel) et de leur incapacité à piquer, ces abeilles suscitent un vif intérêt du public. Cela a encouragé le développement de nombreux types de ruches artificielles parfois fortement isolées pour protéger ces abeilles sensibles aux vagues de chaleur [5].
Quelles sont les cultures et arbres fruitiers pollinisés par les abeilles mélipones ?
Les abeilles mélipones pollinisent une grande variété de cultures et de vergers dans leurs zones d’origine, y compris les chayotes, noix de coco, noix de Macadamia, les mangues, le café, les avocats, les framboises, les tomates, les poivrons et les concombres [6] [7]. Ces abeilles étant cependant plus petites et actives seulement à des températures chaudes, elles ne sont généralement pas considérées comme des espèces viables pour polliniser les cultures et vergers hors zones tropicales ou sub-tropicales [8]. Elles ne peuvent donc pas être utilisées pour polliniser les cultures printanières et encore moins celles qui nécessitent souvent de la pollinisation croisée comme les amandes ou les cerises.
Certaines espèces d’abeilles sans dard du genre Melipona sont cependant capables d’effectuer de la pollinisation vibratile [9]. Ce comportement, aussi présent chez les abeilles à bandes bleues et les bourdons, permet aux abeilles de faire vibrer les anthères (sacs à pollen) en forme de tubes de certaines fleurs pour libérer plus de pollen. C’est le cas de nombreuses fleurs de la famille des Solanacées comme les tomates, poivrons et aubergines. Pour ces fleurs, la pollinisation par vibration est généralement plus efficace que la pollinisation sans vibration effectuée par d’autres espèces d’insectes comme l’abeille sociale Apis mellifera [10].
Comment les colonies d’abeilles mélipones se multiplient-elles ?
La reproduction des colonies de Meliponini est variable et encore relativement méconnue pour un grand nombre d’espèces. De manière générale, les Meliponini n’essaiment pas comme les abeilles sociales mellifères du genre Apis. À la place, elles établissent graduellement une autre colonie. Elles trouvent une cavité, généralement un tronc d’arbre vide avec une petite entrée. Elles nettoient la cavité et y construisent une ébauche de nid dans laquelle elles construisent des cellules en propolis et y stockent même des réserves de miel et de pollen. Une nouvelle reine produite dans la colonie mère s’accouple puis s’installent dans le nouveau nid, avec un group d’ouvrières de la colonie d’origine (de 500 à 1000 ouvrières chez Tetragonisca angustula) [11].
La production artificielle de nid en apiculture ou "méliponiculture" est lente et difficile [12]. Chaque colonie est généralement divisée une seule fois par an ou tous les deux ans. Il existe différentes méthodes, dont la division directe des nids durant la période de reproduction naturelle de ces abeilles. Les ruches faites de deux étages sont séparées en deux. Une des deux moitiés contient la reine d’origine, tandis que l’autre peut contenir une reine vierge déjà présente [13] ou devra produire une nouvelle reine qui devra s’accoupler. D’autres méthodes plus passives consistent à fournir des cavités à proximité de nids existants pour espérer qu’une nouvelle colonie s’y installe, ou à forcer le passage des ouvrières dans une nouvelle ruche vide avant qu’elles puissent sortir à l’extérieur. Ceci les encourage à y former une ébauche de nid, qui peut ensuite être séparée de la colonie mère.
La lenteur de ces procédés et les risques encourus (introduction de parasites et prédateurs comme les fourmis, endommagement des nids, morts de la reine, absence de remérage) ont encouragé la recherche dans la production de reines et de microcolonies, cependant la fécondation artificielle ou contrôlée est encore considérée comme très difficile [14].
À quoi ressemble le miel de mélipones, quel est son goût ?
Le goût des miels produits par les mélipones varie localement en fonction des plantes présentes, mais il est souvent considéré comme plus acidulé avec un PH compris entre 3,1 et 6,5 [15] [16], et il est parfois légèrement fermenté. Il est fréquent de stocker ce miel dans le frigo pour éviter qu’il ne fermente trop et ne se dégrade car il contient entre 20 et 42% d’eau (on recommande généralement de ne pas dépasser 20% pour le miel d’Apis mellifera pour éviter la fermentation) [16]. On sait assez peu des miels de mélipones, mais le gouvernement Australien a récemment légalisé la vente de ce produit à forte valeur commerciale.
Quelles sont les principales menaces sur les populations d’abeilles mélipones ?
Le réchauffement climatique est la menace principale, car de nombreuses espèces de ces abeilles sont très sensibles aux vagues de chaleur de plus en plus fréquentes, longues et chaudes dans leurs aires de répartition [12]. Pour les espèces forestières (la plupart le sont), la déforestation est un autre problème majeur, car ces abeilles ne trouvent pas assez de nourriture pour subvenir à leurs besoins dans les zones déforestées ou fragmentées [17]
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Notes et références
[1] Gloag, R., Heard, T. A., Beekman, M., & Oldroyd, B. P. (2008). Nest defence in a stingless bee : What causes fighting swarms in Trigona carbonaria (Hymenoptera, Meliponini) ?. Insectes Sociaux, 55, 387-391.
[2] Grüter, C., Menezes, C., Imperatriz-Fonseca, V. L., & Ratnieks, F. L. (2012). A morphologically specialized soldier caste improves colony defense in a neotropical eusocial bee. Proceedings of the National Academy of Sciences, 109(4), 1182-1186.
[3] Données iNaturalist consultées le 24 Février 2025.
[4] Regnier, L., Salatino, M. L. F., & Salatino, A. (2024). Parameters of the gross composition of propolis from Brazilian Meliponini. Journal of Apicultural Research, 63(5), 1019-1027.
[5] Greco, M., Spooner-Hart, R., & Holford, P. (2010). A stingless bee hive design for a broader climate range. Journal of Apicultural Research, 49(3), 290-292.
[6] Slaa, E. J., Chaves, L. A. S., Malagodi-Braga, K. S., & Hofstede, F. E. (2006). Stingless bees in applied pollination : practice and perspectives. Apidologie, 37(2), 293-315.
[7] Heard, T. A. (1999). The role of stingless bees in crop pollination. Annual review of entomology, 44(1), 183-206.
[8] Meléndez Ramírez, V., Ayala, R., & Delfín González, H. (2018). Crop pollination by stingless bees. Pot-pollen in stingless bee melittology, 139-153.
[9] Buchmann S.L. (1983) Buzz pollination in angiosperms, in : Jones C.E., Little R.J. (Eds.), Handbook of experimental pollination biology, Van Nostrand Reinhold Company, N.Y., pp. 73113.
[10] Santos, S. D., Bego, L. R., & Roselino, A. C. (2004). Pollination in tomatoes, Lycopersicon esculentum, by Melipona quadrifasciata anthidioides and Apis mellifera (Hymenoptera, Apinae). In Proc. 8th IBRA Int. Conf. Trop. Bees and VI Encontro sobre Abelhas.
[11] Van Veen, J. W., & Sommeijer, M. J. (2000). Colony reproduction in Tetragonisca angustula (Apidae, Meliponini). Insectes sociaux, 47, 70-75.
[12] Cortopassi-Laurino, M., Imperatriz-Fonseca, V. L., Roubik, D. W., Dollin, A., Heard, T., Aguilar, I., ... & Nogueira-Neto, P. (2006). Global meliponiculture : challenges and opportunities. Apidologie, 37(2), 275-292.
[13] Imperatriz-Fonseca, V. L., & Zucchi, R. (1995). Virgin queens in stingless bee (Apidae, Meliponinae) colonies : a review. Apidologie, 26(3), 231-244.
[14] Bueno, F. G. B., Hajjar, R., Colin, T., Buchmann, G., Latty, T., & Gloag, R. (2023). Virgin queen behaviour and controlled mating in the stingless bee Tetragonula carbonaria (Meliponini). Insectes Sociaux, 70(1), 17-27.
[15] Mello dos Santos, M., Khan, N., Lim, L. Y., & Locher, C. (2024). Antioxidant Activity, Physicochemical and Sensory Properties of Stingless Bee Honey from Australia. Foods, 13(11), 1657.
[16] Souza, B., Roubik, D., Barth, O., Heard, T., Enríquez, E., Carvalho, C., ... & Vit, P. (2006). Composition of stingless bee honey : setting quality standards. Interciencia, 31(12), 867-875.