Publié le 20 mai 2023 et mis à jour le 10 janvier 2024.
De quoi se nourrit Varroa destructor ? du foie des abeilles, pas de leur sang
Et pourquoi il est utile de savoir de quoi Varroa destructor se nourrit ?

Varroa destructor est un acarien parasite de l’abeille qui affaiblit les abeilles et transmet de nombreux virus au sein des colonies et entre colonies. Déterminer comment et de quoi se nourrit Varroa destructor est important pour contrôler ses populations dans les ruches.
De quoi se nourrit Varroa destructor, l’acarien parasite de l’abeille ?
Pendant de nombreuses années, les scientifiques pensaient que Varroa destructor se nourrissait de l’hémolymphe (le "sang" des insectes) des larves d’abeilles puis des abeilles adultes [1]. Cela a influencé de nombreuses études scientifiques qui essayaient de déterminer comment un minuscule acarien pouvait causer autant de dégâts aux abeilles en prélevant si peu d’hémolymphe.
Pour Dr. Samuel Ramsey, lorsqu’il était encore étudiant à l’Université du Maryland aux États-Unis, il n’était pas réaliste de penser que l’acarien se nourrissait du sang des abeilles pour plusieurs raisons. Premièrement, un parasite buvant de grandes quantité de "sang" liquide produit généralement des excréments liquides principalement remplis d’eau. C’est le cas de nombreux parasites du humains comme les mouches tsétsé qui filtrent et évacuent très rapidement l’eau du sang des humains pour ne pas exploser. Les varroas, eux, laissent des déchets solides dans les cellules des abeilles, ce qui n’est donc pas compatible avec un régime alimentaire basé sur du sang ou de l’hémolymphe.
Deuxièmement, les varroas ont beaucoup de "guanine" dans leurs excréments. La guanine est une molécule retrouvée en grande quantité chez les animaux qui ont un régime très riche en protéines et très faible en eau. L’hémolymphe des abeilles est faible en guanine et riche en eau donc si les varroas s’en nourrissaient ils ne produiraient que très peu de guanine. Ils mangent donc autre chose.
Une partie de l’abeille qui au contraire de l’hémolymphe contient beaucoup de protéines et très peu d’eau est le foie. Ou plutôt ce que les scientifiques appellent chez les abeilles le "tissu adipeux", qui fonctionne chez les abeilles comme le foie des humains. C’est un organe important chargé de détoxifier le corps de l’abeille lorsqu’elle est exposée à des toxines comme les insecticides par exemple.
Pour déterminer si les varroas se nourrissaient du foie des abeilles, Dr. Ramsey et son équipe on d’abord regardé si les varroas s’attachaient aux abeilles à des endroits proches du tissu adipeux. Ils ont trouvé que la majorité des varroas s’attachaient sous les côtés de l’abdomen des abeilles, là où les tissus adipeux sont présents. Une plus faible proportion de varroas semblent aussi s’attacher sur le thorax des abeilles lorsque les conditions dans la ruche ne sont pas propices au développement des varroas, mais ceux-ci semblent ne pas se nourrir et essaient en fait de trouver une abeille d’une autre ruche.

Pour confirmer leur découverte, les scientifiques ont nourrit deux groupes d’abeilles avec des colorants fluorescents. Le premier groupe d’abeille ont reçu un sirop de sucre avec un colorant jaune qui ne colore que leur hémolymphe. Le deuxième groupe d’abeilles a reçu un colorant rouge qui ne colore que le tissu adipeux des abeilles. Après avoir vérifié que les abeilles buvaient bien leur sirop, les scientifiques ont collecté les varroas de ces abeilles et les ont éclairés avec une lampe à UVs qui révèle les couleurs fluorescents. Les varroas ont alors produit une couleur rouge fluorescente, montrant bien qu’ils s’étaient nourris de tissus adipeux et non de l’hémolymphe des abeilles.

Dr. Ramsey a alors congelés avec de l’azote liquide une abeille parasitée avec un varroa [2] (photo d’en-tête). L’azote liquide congèle extrêmement rapidement et l’abeille et se varroa n’ont pas eu le temps de bouger une patte avant d’être complètement congelés. Dr. Ramsey et son équipe ont alors coupé transversalement l’abeille et le varroa à l’endroit où le "rostre" du Varroa (sa bouche en forme de paille qu’il utilise pour sucer le tissu adipeux de l’abeille). En regardant au microscope, les scientifiques ont confirmé que là où se trouvait le varroa il n’y avait presque plus de tissu adipeux. Le varroa se nourrit donc bien du tissu adipeux de l’abeille et non pas de son "sang" ou hémolymphe.
Pourquoi est-ce important de savoir de quoi Varroa destructor se nourrit ?
Le fait que les varroas se nourrissent du tissu adipeux des abeilles et non de leur hémolymphe a plusieurs conséquences importantes.
Premièrement, cela explique pourquoi les abeilles qui ont été attaquées par des varroas lorsqu’elles se développaient ont un système immunitaire plus faible, sont plus maigres et fragiles et ont des déformations. Le tissu adipeux des larves d’abeilles est très important lors de la métamorphose des larves en abeilles adultes. En enlevant du tissu adipeux, le varroa perturbe cette étape critique du développement des abeilles. Le tissu adipeux est important pour la détoxification, et sans ce tissu les abeilles sont plus sensibles aux toxines et maladies.
Deuxièmement, cela permet d’expliquer les interactions entre insecticides et varroas. En présence de varroas certains insecticides semblent affecter les abeilles encore plus, et cela pourrait être du au fait que les abeilles sont moins capable de détoxifier ces insecticides, car elles ont moins de tissu adipeux.
Enfin, cela pourrait permettre de développer des acaricides plus efficaces contre Varroa destructor. Maintenant que l’on sait ce dont le varroa se nourrit, il est peut-être possible de développer des traitements plus spécifiques et efficaces contre cet acarien parasite de l’abeille.
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Notes et références
[1] Ramsey, S. D., Ochoa, R., Bauchan, G., Gulbronson, C., Mowery, J. D., Cohen, A., ... & vanEngelsdorp, D. (2019). Varroa destructor feeds primarily on honey bee fat body tissue and not hemolymph. Proceedings of the National Academy of Sciences, 116(5), 1792-1801.
[2] Ramsey, S., Gulbronson, C. J., Mowery, J., Ochoa, R., & Bauchan, G. (2018). A multi-microscopy approach to discover the feeding site and host tissue consumed by Varroa destructor on host honey bees. Microscopy and Microanalysis, 24(S1), 1258-1259.