Publié le 19 octobre 2024 et mis à jour le 20 octobre 2024.
Le virus de la paralysie chronique de l’abeille ou mal de Mai
La maladie qui rend les abeilles noires

Les abeilles sont sujettes à de nombreuses maladies dont certaines sont causées par des virus. La paralysie chronique de l’abeille, aussi appelée mal de Mai, mal des forêts ou maladie noire est causée par le virus CBPV pour "Chronic Bee Paralysis Virus". Voici ce qu’il faut savoir de ce mal qui contribue aux pertes annuelles de nos colonies d’abeilles, et sur les gestes à avoir pour ralentir sa propagation.
Le virus de la paralysie chronique des abeilles est un virus à ARN simple brin appelé CBPV pour Chronic Bee Paralysis Virus. Il affecte les abeilles sociales adultes de l’espèce Apis mellifera, celles de nos ruches, et provoque une paralysie chronique chez l’abeille. Il cause une maladie connue sous le nom de mal de Mai, mal des forêts ou maladie noire qui peut se propager au sein de la colonie. Les abeilles infectées meurent rapidement et ne peuvent souvent pas voler. Le CBPV est l’un des nombreux facteurs pouvant contribuer à l’effondrement des colonies d’abeilles.
Comment se transmet la maladie de Mai entre les abeilles ?
Le CBPV peut se transmettre par les excréments laissés sur le sol de la ruche [1]. Il peut également se propager par contact direct entre les abeilles [2]. Le virus a été détecté dans les varroas [3], mais il n’est pas certain que ces derniers transmettent le CBPV [4]. Ces parasites courants dans les ruches sont cependant bien connus pour leur rôle dans la dissémination d’autres virus comme celui des ailes déformées.
Où trouve-t-on le virus dans l’abeille ?
Une fois dans le corps de l’abeille, le CBPV se réplique principalement dans la tête [5]. Les dommages causés par le virus sur certaines parties du cerveau entraînent la perte de la capacité de vol et des comportements erratiques ou de tremblement chez les abeilles infectées.
Bien que le CBPV infecte principalement les abeilles adultes, il a aussi été détecté dans les larves d’abeilles, bien que celles-ci présentent généralement des charges virales plus faibles, et les pertes de couvain dues à l’infection sont rares ou inexistantes [5].

Quelles sont les symptômes du CBPV chez l’abeille ?
Les abeilles infectées présentent de nombreux symptômes, ce qui facilite souvent le diagnostique, mais il semble que certaines abeilles puissent cependant être asymptomatiques [6]. Chez les abeilles symptomatiques, il existe deux grands groupes de symptômes pour ce même virus. Soit les abeilles ont souvent un abdomen gonflé, des ailes faibles ou tremblantes, et se regroupent près de l’entrée de la ruche en raison de leur incapacité à voler [7], soit elles perdent leurs poils, ce qui leur donne un aspect noir et brillant, et sont capables de voler pendant quelques jours avant de mourir.

Peut-on traiter la maladie de Mai chez les abeilles ?
Il n’existe actuellement aucun traitement connu contre le CBPV. Les symptômes peuvent apparaître tardivement, après la contamination d’une partie de la colonie. Étant donné la possible contamination par voie fécale, installer des planchers ou fonds de ruches grillagés, les nettoyer, changer l’équipement potentiellement contaminé ou sale, et surélever l’arrière de la ruche pourraient aider à réduire les contaminations.
La maladie est aussi connue sous le nom de mal de Mai car elle est souvent observées au printemps ou au début de l’été. Cette période est celle où les colonies sont généralement les plus peuplées, et la promiscuité accrue entre les abeilles pourrait aussi favoriser la transmission du virus au sein de la ruche. Il est donc possible que diviser la colonie ou ajouter une hausse puisse aider à réduire la contamination au sein d’une colonie.
La maladie est aussi parfois connue sous le nom de mal des forêts, mais l’association entre les forêts et ce virus n’a, à ma connaissance, jamais été démontrée. Le CBPV est observable dans la plupart des ruchers et pays du monde, il est donc peu probable que cette association ne soit autre que le hasard. Peut-être que la période de l’année où les ruches sont fortement peuplées coïncide dans certains régions avec la transhumance en région boisée, et ne s’explique toujours que par la population très dense dans les ruches.
Enfin, comme pour toutes les maladies qui touchent l’abeille, éloigner les ruches infectées des autres et réduire la taille du trou de vol pour limiter la dérive des ouvrières et le pillage peut aider à réduire les contaminations entre ruches. Cela fait partie des bonnes pratiques que tout apiculteur doit mettre en place pour garantir une bonne hygiène entre les colonies. Et les abeilles préfèrent toujours les entrées réduites [8], en tous cas au minimum de ce que nécessite leur trafique.
Certains apiculteurs recommandent de fournir de l’eau aux abeilles infectées. Cela ne semble pas résulter d’une quelconque étude scientifique, et je n’ai pas pu identifier l’origine de cette recommendation dans le cadre spécifique du CBPV. Il est donc peu probable que l’eau soit un traitement contre le CBPV, mais fournir de l’eau aux abeilles est tout de même généralement une bonne idée, en particulier quand les températures extérieures augmentent à la fin du printemps.
Une étude de l’ANSES indique aussi une possible association entre trappes à pollen et CBPV mais le niveau de réplication insuffisant de cette étude (3 ruches avec trappes et 2 ruches sans) ne permet pas de supporter leurs conclusions qui pourraient être le fruit du hasard [9]. Si un effet des trappes à pollen était avéré dans de prochaines études, cet effet pourrait être dû aux blessures causées par les trappes à pollen, au blocage de l’entrée qui réduit l’hygiène des abeilles (difficulté à évacuer les cadavres), ou à l’augmentation de la promiscuité à l’entrée en raison du dérangement que les trappes à pollen causent aux abeilles. Le virus est cependant très souvent observé en l’absence de pièges à pollen.
Trouve-t-on le CBPV chez d’autres insectes ?
Les virus sont assez peu étudiés chez les insectes. Cependant, on sait que le virus se réplique également dans au moins deux espèces de fourmis, Camponotus vagus et Formica rufa [2]. Ces fourmis contractent probablement le CBPV en consommant des abeilles en décomposition ou en collectant du miel contaminé dans des ruches abandonnées ou faibles. Bien que le virus ne provoque pas de symptômes visibles chez ces fourmis, elles pourraient servir de réservoir et permettre la réplication et la propagation du virus.
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Notes et références
[1] Ribière, M., Lallemand, P., Iscache, A. L., Schurr, F., Celle, O., Blanchard, P., ... & Faucon, J. P. (2007). Spread of infectious chronic bee paralysis virus by honeybee (Apis mellifera L.) feces. Applied and environmental microbiology, 73(23), 7711-7716.
[2] Bailey, L., Ball, B. V., & Perry, J. N. (1983). Honeybee paralysis : its natural spread and its diminished incidence in England and Wales. Journal of Apicultural Research, 22(3), 191-195.
[3] Celle, O., Blanchard, P., Olivier, V., Schurr, F., Cougoule, N., Faucon, J. P., & Ribière, M. (2008). Detection of Chronic bee paralysis virus (CBPV) genome and its replicative RNA form in various hosts and possible ways of spread. Virus research, 133(2), 280-284.
[4] Tentcheva, D., Gauthier, L., Zappulla, N., Dainat, B., Cousserans, F., Colin, M. E., & Bergoin, M. (2004). Prevalence and seasonal variations of six bee viruses in Apis mellifera L. and Varroa destructor mite populations in France. Applied and environmental microbiology, 70(12), 7185-7191.
[5] Blanchard, P., Ribière, M., Celle, O., Lallemand, P., Schurr, F., Olivier, V., ... & Faucon, J. P. (2007). Evaluation of a real-time two-step RT-PCR assay for quantitation of Chronic bee paralysis virus (CBPV) genome in experimentally-infected bee tissues and in life stages of a symptomatic colony. Journal of Virological Methods, 141(1), 7-13.
[6] Ribière, M., Chaouch, S., Lallemand, P., Schurr, F., Faucon, J. P., & Aubert, M. (2004). Asymptomatic contamination of adult honey bee by the chronic bee paralysis virus (CBPV). Viral load relative quantification assay by real time-PCR. In Proceeding of the first european conference of apidology, EurBee, Udine, Italy (pp. 94-95).
[7] Ribière, M., Olivier, V., & Blanchard, P. (2010). Chronic bee paralysis : a disease and a virus like no other ?. Journal of invertebrate pathology, 103, S120-S131.
[8] Seeley, Thomas D., and Roger A. Morse. "Nest site selection by the honey bee, Apis mellifera." Insectes Sociaux 25.4 (1978) : 323-337.
[9] Dubois, E., Reis, C., Schurr, F., Cougoule, N., & Ribière-Chabert, M. (2018). Effect of pollen traps on the relapse of chronic bee paralysis virus in honeybee (Apis mellifera) colonies. Apidologie, 49, 235-242.