Le contrôle du varroa au sucre-glace

Comment contrôler Varroa destructor avec du sucre glace dans les ruches ?

Les acaricides utilisés contre le Varroa destructor, un petit acarien parasite de l’abeille, ont tous des effets négatifs sur les abeilles elles-mêmes. Pour cette raison, les apiculteurs et chercheurs essaient de trouver d’autres méthodes pour déloger ou tuer les varroas. Une de ces nouvelles méthodes est l’application de sucre-glace directement sur les abeilles dans la ruche. Cette utilisation du sucre-glace découle de la pratique visant à compter des varroas dans un échantillon d’abeilles en les roulant dans le sucre-glace [1]. Mais le traitement au sucre-glace vise à appliquer cette méthode à une colonie entière, dans le but de débarrasser les abeilles de leurs varroas.

Comment l’application de sucre-glace permettrait-elle de contrôler le varroa ?

L’action exacte du sucre-glace sur les varroas n’est pas entièrement comprise, mais les apiculteurs et scientifiques suspectent trois modes d’action :

  • L’augmentation des comportements hygiéniques et de nettoyage : il est possible que les abeilles, couvertes de poudre sucrée, décident de passer plus de temps à se nettoyer et à nettoyer les surfaces couvertes de sucre. Se faisant, elles pourraient accidentellement déloger le varroa ou le détecter plus facilement lorsqu’elles se nettoient les unes les autres, et retirer les varroas de leurs corps.
  • Les poudres pourraient empêcher les varroas de s’attacher solidement aux poils des abeilles : les varroas ont des griffes au bout des pattes qui leurs permettent de se fixer sur le corps des abeilles. Ils bougent régulièrement, et si une poudre se trouve entre leurs pattes et le corps des abeilles, il est possible qu’ils ne soient pas solidement fixés aux abeilles. Cela pourrait les faire tomber plus facilement au fil du temps.
  • Les poudres pourraient bloquer les voies respiratoires et les orifices des varroas : les varroas, comme les abeilles, respirent par un système de trachées qui conduisent l’air jusqu’à leurs cellules. Si une poudre, comme du sucre-glace, s’y accumule, il est possible que les varroas (comme les abeilles) aient des difficultés à respirer.

Le traitement contre le varroa au sucre-glace est-il efficace ?

Les résultats sont pour le moins mitigés. On retrouve une variété d’études et de techniques qui rendent les comparaisons et l’interprétation des résultats difficiles. Certains traitements sont faits en isolant les abeilles de leurs ruches, d’autres sur des colonies actives, et d’autres en laboratoire avec es abeilles anesthésiées ou sur de petits groupes d’abeilles. Forcément, les études faites sur des ruches actives sont les plus informatives car elles étudient les véritables conditions auxquelles les apiculteurs font face.

Voici un résumé des différentes études sur le sujet et de leurs résultats :

  • Une étude de 2001 a saupoudré des ruches avec 10 à 20 grammes de sucre en poudre à 3, 7 ou 14 jours d’intervalle pendant un mois [2]. Cette étude n’a trouvé aucun effet, bon ou mauvais, du traitement au sucre-glace sur la taille des colonies.
  • Une étude de 2005 a essayé une méthode où toutes les abeilles d’une colonies sont déplacées hors de la ruche dans une boîte avec un grillage fin. Les abeilles sont ensuite saupoudrées, à travers le grillage, avec 225 grammes de sucre-glace [3]. Les chercheurs ont trouvé que ce traitement faisait tomber environs 75% des varroas. Malheureusement cette méthode nécessite beaucoup plus de travail pour les apiculteurs et semble donc peu pratiques pour les grands ruchers.
  • Une étude de 2011 a comparé différentes poudres pour le traitement des varroas [4]. Pour ces recherche, 250 abeilles ont été placées dans des bocaux et traitées avec différentes poudres (sucre glace, sucre en poudre, poudre à bébés,...). Cette étude a montré que le sucre en poudre était le plus efficace de toutes les poudres testées, mais qu’elle causait aussi le plus de mortalité chez les abeilles dans des bocaux. En raison de la méthodologie utilisée, il est très difficile d’extrapoler ces résultats pour devenir ce qui se passerait en condition réelle, où les abeilles ne sont pas isolées dans des bocaux...
  • Une étude de 2015 a traité des ruches toutes les deux semaines pendant 11 mois avec 120 grammes de sucre glace, toutes les deux semaines, en saupoudrant le dessus des cadres du corps de ruche et en balayant le sucre pour le faire tomber entre les cadres [5]. Cette étude n’a trouvé, au bout du compte, aucun effet sur les populations de varroas. Le nombre d’abeilles ouvrières, ou le nombre de larves n’étaient pas différents non plus, n’indiquant ni d’effets positifs, ni d’effets négatifs de ce traitement.

Il semble donc que, malgré des effets positifs en conditions de laboratoire ou sur des abeilles isolées de leurs ruches, saupoudrer du sucre-glace sur des abeilles dans leurs ruches ne fonctionne pas encore. Peut-être que la présence des cadres ou du couvain affecte l’efficacité de ce traitement dans les ruches. Cette méthode semble tout de même avoir le potentiel de fonctionner à l’avenir si quelqu’un découvre un moyen efficace de l’appliquer dans les ruches. Et des méthodes déjà pratiquées par certains apiculteurs, consistant à saupoudrer les abeilles sur chaque cadre en les retirant un par un, n’ont pas encore été testées.

Le traitement au sucre-glace est-il dangereux pour les abeilles ?

Comme nous l’avons vu ci-dessus, les différents traitements au sucre-glace ne semblent pas avoir d’effets majeurs sur la taille des colonies d’abeilles. Il est cependant important de noter que le sucre glace peut entraîner le retrait du couvain. L’étude la plus approfondie sur le sujet date de 2005 [6]. Dans cette étude, des chercheurs ont traité directement des cellules de couvain au sucre glace. Ils ont observé que la présence de sucre glace dans les cellules augmentait le retrait des oeufs, et, lorsqu’il y avait beaucoup de sucre, des larves plus âgées aussi.

Une étude a aussi inspecté les trachées des abeilles après un traitement au sucre glace, et n’a pas trouvé de sucre glace dans les trachées des abeilles, ce qui indiquerait que le sucre ne bloque pas la respiration des abeilles [7].

D’autres poudres sont-elles efficaces pour le traitement du varroa ?

Il existe de nombreuses poudres dans le commerce. Certaines études ont testé la farine de blé, le sucre en poudre, la farine de maïs, le talc, ou encore le bicarbonate de soude. Il est possible qu’il existe des poudres n’ayant pas encore été testées et qui soient plus efficaces, moins dangereuses pour les abeilles ou qui puissent être appliquées plus facilement. Mais jusqu’à maintenant, le sucre-glace semble être la poudre la plus efficace [8].

Bien sûr, les poudres organiques, non-toxiques pour les humains et pouvant être digérées par les abeilles sont les plus avantageuses. On retrouve par exemple de nouvelles études essayant de remplacer le sucre-glace pour de la farine de soja grillée [9]. Mais il faudra plus d’études sur le sujet avant de connaître leur efficacité comme traitements anti-varroas et leur dangerosité pour les abeilles.


Partager cet article pour soutenir Myrmecofourmis.fr:


Articles liés

Notes et références

[1Macedo, P. A., Wu, J., & Ellis, M. D. (2002). Using inert dusts to detect and assess varroa infestations in honey bee colonies. Journal of apicultural research, 41(1-2), 3-7.

[2Fakhimzadeh, K. (2001). The effects of powdered sugar varroa control treatments on Apis mellifera colony development. Journal of Apicultural Research, 40(3-4), 105-109.

[3Aliano, N. P., & Ellis, M. D. (2005). A strategy for using powdered sugar to reduce varroa populations in honey bee colonies. Journal of Apicultural Research, 44(2), 54-57.

[4Fakhimzadeh, K., Ellis, J. D., & Hayes, J. W. (2011). Physical control of varroa mites (Varroa destructor) : The effects of various dust materials on varroa mite fall from adult honey bees (Apis mellifera) in vitro. Journal of Apicultural Research, 50(3), 203-211.

[5Ellis, A. M., Hayes, G. W., & Ellis, J. D. (2009). The efficacy of dusting honey bee colonies with powdered sugar to reduce varroa mite populations. Journal of apicultural research, 48(1), 72-76.

[6Aliano, N. P., & Ellis, M. D. (2005). Only large amounts of powdered sugar applied directly to brood cells harms immature honey bees. Journal of apicultural research, 44(1), 33-35.

[7Fakhimzadeh, K. (2001). Effectiveness of confectioner sugar dusting to knock down Varroa destructor from adult honey bees in laboratory trials. Apidologie, 32(2), 139-148.

[8Macedo, P. A., Wu, J., & Ellis, M. D. (2002). Using inert dusts to detect and assess varroa infestations in honey bee colonies. Journal of apicultural research, 41(1-2), 3-7.

[9Ogihara, M. H., Stoic, M., Morimoto, N., Yoshiyama, M., & Kimura, K. (2020). A convenient method for detection of Varroa destructor (Acari : Varroidae) using roasted soybean flour. Applied entomology and zoology, 55, 429-433.



Poser une question:

Votre message
Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.