Le petit coléoptère de la ruche : biologie et contrôle

Aethina tumida

Le petit coléoptère de la ruche, Aethina tumida (Nitidulidae), est un parasite de l’abeille originaire d’Afrique. Dans leurs pays d’origine, les petits coléoptères de la ruche vivent dans des colonies d’abeilles de sous-espèces Africaines et ne posent pas vraiment de problèmes [1]. En France par contre, le petit coléoptère de la ruche est capable d’endommager les colonies d’abeilles des différentes sous-espèces européennes.
Voici ce que l’on sait de sa biologie et de son contrôle.

Comment reconnaître le petit coléoptère de la ruche ?

Le petit coléoptère de la ruche est un petit coléoptère noir (ou plus rarement brun) dont la taille varie mais qui mesure toujours moins d’un centimètre. Ils sont lisses et difficiles à saisir, ce qui les protège des attaques des abeilles. Il y a peu de doutes possibles en Europe, étant donné qu’il s’agit d’un des seuls coléoptères à s’aventurer dans les ruches. Comme les autres coléoptères de la famille des Nitidulidae, les petits coléoptères de la ruche possèdent une massue antennaire faite de trois segments au bout de leurs antennes, des cavités procoxal transverse, un métacoxa caréné, et un quatrième tarse court [2]. Ok ce n’est pas utile à savoir dans la vie de tous les jours, mais dans tous les cas c’est un petit coléoptère noire et lisse qui vit dans les ruches et aux alentours. Les larves, elles, sont blanches et ressemblent à de gros asticots.

Vues ventrale (à gauche) et dorsale (à droite) du petit coléoptère de la ruche, un coléoptère noir lisse et plat, sur fond noir.
Aethina tumida, le petit coléoptère de la ruche
USGS Bee Inventory and Monitoring Lab, Beltsville, Maryland, USA

Quel est le cycle de vie du petit coléoptère de la ruche ?

Les adultes peuvent voler et se déplacent à la recherche de ruches ou de produits de la ruche abandonnés par des abeilles ou laissés sans surveillance par un apiculteur. Les coléoptères femelles pondent des œufs dans les crevasses qu’elles trouvent souvent dans le bois des ruches. Les colonies d’abeilles en bonne santé semblent souvent capables de retirer les œufs et les larves rapidement. Cependant, les colonies d’abeilles plus faibles laissent les larves de petits coléoptères de la ruche se développer. Une fois qu’elles ont atteint le dernier stade larvaire, les larves quittent le nid d’abeille et se laissent tomber au sol. Là, elles s’enterrent et se transforment en pupes dans le sol. Après quelques jours à quelques semaines en fonction de la température, les adultes émergent et se mettent à la recherche de ruches.
Si les adultes ne trouvent pas de colonie d’abeille à parasiter, ils peuvent survivre sur des « hôtes alternatifs » comme d’autres espèces d’abeilles ou de bourdons, ou d’autres sources de nourriture comme des fruits [3]. Ceci a malheureusement peu été étudié jusqu’à présent et on ignore donc si des ressources alternatives près de ruches pourrait permettre au petit coléoptère des ruches de survivre et de former de large population qui envahissent ensuite les ruches à proximité [4].
Les adultes passent l’hiver dans les ruches, cachés au chaud parmi les abeilles [5].

Un cadre de ruche en cire recouvert de larves de petits coléoptères de la ruche, qui ressemblent à des asticots blancs immondes. L'aspect gluant du cadre montre que les larves ont commencé à se nourrir du miel.
Larves de petits coléoptères de la ruche dans une colonie d’abeilles infestées
James D. Ellis, University of Florida / © Bugwood.org / CC-BY-3.0-US

Pourquoi le petit coléoptère de la ruche est-il un problème ?

Les larves du petit coléoptère de la ruche percent la cire des abeilles et mangent les réserves de miel et de pollen ainsi que le couvain des abeilles. Se faisant, elles détruisent la structure du nid et causent souvent la fermentation du nectar, pollen et couvain. En cas de fortes infestations, les rayons des cadres peuvent se détacher et leur contenu liquéfié coule hors de la ruche. Le petit coléoptère de la ruche semble transporter avec lui une levure symbiotique, Kodamaea ohmeri, souvent retrouvée dans les ruches très infestées [6].
Même des infestations moins sévères peuvent avoir des effets délétères étant donné que les larves de ces coléoptères mangent les larves d’abeilles et les ressources de la ruche. Dans certains cas, des infestions moyennes peuvent pousser les abeilles à quitter la ruche pour tenter de former un nouveau nid ailleurs.
Les adultes eux posent peu de problèmes, ce sont surtout les larves qui affectent les colonies d’abeilles. Les adultes survivent plusieurs mois dans les colonies d’abeilles. Pour se nourrir, ils prétendent être des abeilles et reçoivent de la nourriture de la part des autres abeilles par trophallaxie [7].

Les abeilles se défendent-elles face au petit coléoptère de la ruche ?

Les abeilles Européennes ont du mal à détecter le petit coléoptère de la ruche. D’ailleurs, les petits coléoptères des ruches se cachent souvent dans les anfractuosités de la ruche. Cependant, lorsqu’elles le reconnaissent, les abeilles tentent de mordre et de piquer les petits coléoptères des ruches. Cela est difficile car la carapace du petit coléoptère de la ruche est lisse et épaisse et que les coléoptères se replient un peu comme des tortues et se laissent même tomber pour échapper aux abeilles.
Les abeilles qui parviennent à saisir les coléoptères peuvent les transporter hors de la ruche.
Parfois les abeilles parviennent à bloquer les petits coléoptères dans un coin de la ruche [8] [9]. Ceux-ci sont alors placés sous la surveillance d’abeilles gardiennes qui peuvent les surveiller pendant jusqu’à 57 jours pendant que d’autres abeilles les recouvrent de propolis pour les momifier vivants.

Comment contrôler le petit coléoptère de la ruche ?

Il existe différentes méthodes pour limiter le nombre de petits coléoptères des ruches [10] [11].
 réduire l’entrée des ruches, ou utiliser des entrées de ruches spécialisées : le petit coléoptère de la ruche rentre dans les colonies d’abeilles par la porte d’entrée. Il se faufile entre les abeilles gardiennes. En réduisant la taille de l’entrée des ruches la tâche des abeilles gardiennes est beaucoup plus facile. Il existe aussi des entrées en plastique avec un petit rebord qui permet aux abeilles de rentrer mais rend la tâche difficile aux coléoptères.
 réduire l’espace vide dans les ruches. Tant que les abeilles sont nombreuses, elles peuvent généralement garder le contrôle de la ruche. S’il y a peu d’abeilles et beaucoup de cadres avec des réserves de nourriture, il est probable que le petit coléoptère de la ruche parvienne à pondre des œufs et que ses larves prennent le dessus sur la colonie. Les apiculteurs peuvent réduire l’espace inutilisé en utilisant des cadres isolants qui réduisent le volume des ruches.
 réduire l’humidité dans la ruche : le petit coléoptère des ruches apprécie l’humidité. Réduire l’humidité dans les ruches peut aider à rendre les conditions moins agréables pour ce parasite. Les ruches peuvent être équipées d’une planche de vol grillagée pour aider les abeilles à évacuer l’humidité. S’assurer que la ruche est en légère pente vers le trou de vol peut aussi aider à prévenir l’accumulation d’eau sur la planche de vol.
 capturer ou bloquer la pupation des larves. En plaçant une grille sous le trou de vol, les larves de parasites des abeilles qui quittent la ruche peuvent être capturés et éliminés avant qu’ils ne puissent s’enterrer dans le sol et devenir adultes.

En plus de ces méthodes, un certain nombre de pièges sont utilisés en apiculture pour contrôler les petits coléoptères de la ruche. Ceux-ci consistent généralement de traitements contenants un appât que les abeilles ne peuvent pas atteindre mais qui tue les petits coléoptères des ruches, ou de simples petites gouttières remplies d’huile ou de terre de diatomée. D’autres cachettes avec des appâts non empoisonnés mais entourés de scotch double-face peuvent aussi être utilisées. Le petit coléoptère de la ruche étant plus petit que les abeilles, il est facile de limiter l’accès aux abeilles. Des matériaux fibreux peuvent aussi être introduits dans la ruche. Les pattes des coléoptères s’y accrochent facilement et ceux-ci peuvent se retrouver coincés.

Enfin, il est essentiel de s’assurer que tous le matériel apicole est gardé propre et que les réserves de miel ou de pollen gardés hors des ruches sont hors d’atteinte du petit coléoptère des ruches. À petite échelle, les cadres de miel ou de pollen peuvent par exemple être placés dans un congélateur, ce qui les protègera aussi des fausses teignes de la ruche.

Photo d’en-tête : petit coléoptère de la ruche sur un cadre de miel. Photo Denis Anderson, CSIRO CC3.


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Notes et références

[1Hepburn, H. R., & Radloff, S. E. (1998). Honeybees of Africa.

[2Habeck, D. H. (2002). 77. Nitidulidae Latreille 1802. American beetles, 2, 311-315.

[3Ellis Jr, J. D., Neumann, P., Hepburn, R., & Elzen, P. J. (2002). Longevity and reproductive success of Aethina tumida (Coleoptera : Nitidulidae) fed different natural diets. Journal of economic entomology, 95(5), 902-907.

[4Neumann, P., & Elzen, P. J. (2004). The biology of the small hive beetle (Aethina tumida, Coleoptera : Nitidulidae) : Gaps in our knowledge of an invasive species. Apidologie, 35(3), 229-247.

[5Hood, W. M. (2000). Overview of the small hive beetle, Aethina tumida, in North America. Bee World, 81(3), 129-137.

[6Amos, B. A., Leemon, D. L., Hayes, R. A., Cribb, B. W., & Furlong, M. J. (2018). Associations between the small hive beetle and the yeast Kodamaea ohmeri throughout the host life cycle. Journal of economic entomology, 111(4), 1501-1508.

[7Ellis, J.D., Pirk, C.W.W., Hepburn, H.R., Khastberger, G., Elzen, P.J. (2002d) Small hive beetles survive in honeybee prisons by behavioural mimicry. Naturwissenschaften 89, 326–328

[8Elzen, P. J., Baxter, J. R., Neuman, P., Solbrig, A. J., Pirk, C. W. W., Hoffman, W., & Hepburn, H. R. (2000). Observation on the Small Hive Beetle in South Africa. American Bee Journal, 140(4), 304-304.

[9Swart, J. D., Johannsmeier, M. F., Tribe, G. D., & Kryger, P. (2001). Diseases and pests of honeybees. Beekeeping in South Africa, 3rd edition, revised, Plant Protection Research Institute Handbook, (14), 198-222.

[10Hood, W. M. 2011. Handbook of small hive beetle IPM. Clemson Cooperative Extension, Clemson University, Clemson, SC, USA. Bulletin 160.

[11Hood, W. M., and G. A. Miller. 2003. Trapping small hive beetles (Coleoptera : Nitidulidae) inside colonies of honey bees (Hymenoptera : Apidae). Am. Bee J. 143 : 405–409.



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