Le réchauffement climatique menace les abeilles en France

Comment les changements globaux vont affecter les apiculteurs

Les apiculteurs sont en difficulté. Ce n’est pas nouveau, leurs abeilles souffrent des pesticides tout d’abord, car les insecticides utilisés des champs collectés par les abeilles peuvent affecter les colonies même à de très faibles concentrations [1]. Les abeilles subissent aussi les effets des parasites et maladies invasives. Il y a le Varroa destructor et ses virus, le petit coléoptère de la ruche, la fausse-teigne et la loque américaine. Et puis le manque de fleur à cause des monocultures et de l’usage extensif des herbicides dans les champs. Comme si ce n’était pas assez, le réchauffement climatique est en train de bouleverser le travail des apiculteurs. Les abeilles et les apiculteurs sont en première ligne.

Le réchauffement climatique est très coûteux pour les abeilles

Les abeilles forment des sociétés complexes qui régulent la température, le CO2 et l’humidité dans les ruches pour optimiser le fonctionnement de la colonie, en particulier le développement de leurs larves. Les colonies d’abeilles sociales Européennes contrôlent le climat de la ruche avec une précision absolument remarquable. Elles sont bien meilleure que votre système d’air conditionné. Les colonies d’abeilles en bonne santé peuvent maintenir la temperature autour du couvain à un constant 34,5C qu’il fasse plus chaud ou plus froid dehors. Celles en mauvaise santé descendent souvent dans des températures trop basses, en dessous de 33 degrés, qui peuvent tuer le couvain ou réduire les performances des abeilles une fois adultes [2].

Seulement voilà, les abeilles Européennes ont évolué dans des environnements généralement tempérés à méditerranéens. Elles sont généralement absentes des zones tropicales et désertiques. Et quand elles y sont, elles ne s’en sortent pas très bien. Les vagues de chaleur, la canicule, les sécheresses aussi longues que nous avons eu ces dernières années en France, en Belgique, en Suisse et au Canada, elles n’y sont en fait pas du tout habituées. Réguler la température dans ces conditions est difficile. Les abeilles réduisent la température des ruches quand il fait chaud grâce à l’évapotranspiration. Elles récoltent de l’eau (à la place d’aller chercher du nectar ou du pollen, car elles ne peuvent pas tout faire à la fois), la ramènent au nid et l’évapore en battant des ailes pour refroidir les surfaces mouillées.

Cela est coûteux pour les abeilles. Elles récoltent moins de nourriture parce qu’elles doivent trouver de l’eau et ventiler la ruche. Bien sur, trouver de l’eau en période de canicule est généralement encore plus difficile et donc elles perdent encore plus de temps.

Le réchauffement climatique va affecter les abeilles de nombreuses manières

Cet effet du réchauffement climatique, les apiculteurs le sentent déjà. Dans une étude scientifique qui a récolté les témoignages de 885 apiculteurs dans toute l’Europe, les apiculteurs expliquent être inquiets pour le futur. Les apiculteurs les plus à risque sont les professionnels du Sud de l’Europe qui ont des ruches dans des endroits pauvres en nectar ou dans des forêts [3].

Un des apiculteurs interrogé par les scientifiques, qui élève ses abeilles en Grèce, explique que « Ce qui était auparavant une année normale est maintenant considéré être une très bonne année, et ce qui était auparavant une très mauvaise saison est maintenant la norme ». Un apiculteur français du marché de Paris décris la même situation « Quand je compare la situation d’aujourd’hui avec celle de l’époque où j’aidais mon père en tant qu’apiculteur, c’est une différence de jour et de nuit. ».

Parmi les craintes des apiculteurs liées au réchauffement climatique, il y a les hivers trop doux pour tuer les parasites de l’abeille. En hiver, lorsque la température chute, les abeilles n’élèvent plus de larves et baissent la température de la ruche. Cela réduit les populations de parasites du couvain comme le Varroa destructor. En dehors de la ruche, le gel tue probablement aussi d’autres parasites comme le petit coléoptère de la ruche ou la fausse-teigne.

Les apiculteurs plus au Sud de l’Europe eux ont peur des sécheresse, qui coupent la production de nectar en été. Les plantes ont besoin d’eau pour produire du nectar et de nombreuses fleurs. En particulier, les plantes vivaces qui ne meurent pas en hiver peuvent attendre de meilleures conditions pour fleurir. Certains apiculteurs indiquent que cela mène à une production irrégulière et plus faible de miel. Les apiculteurs ayant de l’expérience, une bonne éducation en apiculture [4], et pouvant s’adapter à cette situation parviendront peut-être à sauver les meubles mais la route sera difficile.

Dans le sud, les pertes apicoles liées au réchauffement climatique dont déjà là

Les apiculteurs du Sud de l’Europe ayant répondu au questionnaire des scientifiques ont indiqué en grande majorité être déjà affectés ou fortement affectés par le réchauffement climatique dans plus de 80% des cas. Un pourcentage similaire indique avoir déjà du ajuster leurs pratiques pour s’adapter aux changements. Les apiculteurs professionnels et qui ont passé le plus de temps à faire de l’apiculture sont ceux qui rapportent le plus les effets du changement climatique. Ils indiquent en particulier leurs inquiétudes regardant la survie des colonies pendant l’hiver, la réduction des services de pollinisation des cultures, et la perte de production de miel. En effet, les apiculteurs lourdement impactés par le changement climatique rapportent une perte de 3,4kg de miel par ruche en moyenne en comparaison avec les apiculteurs moins affectés (14,9 kg par ruche par an en moyenne pour les premiers contre 18,3 kg par ruche par an en moyenne pour les seconds, en 2019 ou 2020). Une perte importante, de plusieurs dizaines de milliers d’euros parfois en fonction du nombre de ruches, lorsqu’un kilogramme de miel se vend à environs 20 euros.


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Notes et références

[1Colin, T., Monchanin, C., Lihoreau, M., & Barron, A. B. (2020). Pesticide dosing must be guided by ecological principles. Nature Ecology & Evolution, 4(12), 1575-1577.

[2Tautz, J., Maier, S., Groh, C., Rössler, W., & Brockmann, A. (2003). Behavioral performance in adult honey bees is influenced by the temperature experienced during their pupal development. Proceedings of the National Academy of Sciences, 100(12), 7343-7347.

[3Van Espen, M., Williams, J. H., Alves, F., Hung, Y., de Graaf, D. C., & Verbeke, W. (2023). Beekeeping in Europe facing climate change : A mixed methods study on perceived impacts and the need to adapt according to stakeholders and beekeepers. Science of The Total Environment, 164255.

[4Jacques, A., Laurent, M., Epilobee Consortium, Ribière-Chabert, M., Saussac, M., Bougeard, S., ... & Chauzat, M. P. (2017). A pan-European epidemiological study reveals honey bee colony survival depends on beekeeper education and disease control. PLoS one, 12(3), e0172591.



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