Les Strepsiptères, des insectes parasites extrêmement discrets

Ordre des Strepsiptera, insectes parasites d’abeilles et de guêpes

Les strepsiptères ou Strepsiptera sont un ordre d’insectes extrêmement rares dans les collections des entomologistes. Ils ne sont pourtant pas si rares dans la nature : présents dans de nombreux pays, c’est leur taille minuscule et leur mode de vie très discret qui n’aide pas vraiment à les observer. Les adultes sont parfois appelés stylops. Ces insectes ont une morphologie et un cycle de vie très différent de celui de la plupart des insectes.

À quoi ressemblent les strepsiptères ?

Les Strepsiptères ont des adaptations anatomiques uniques et sont très faciles à différencier des autres insectes. Les mâles Strepsiptères sont souvent comparés aux mouches dans leur apparence, avec des ailes antérieures modifiées en haltères. Leurs yeux sont composés de quelques dizaines de gros yeux qui leur donne une apparence caractéristique en forme de grappe. Contrairement aux autres insectes, ce sont bien des yeux capables de former des images et non des facettes ne formant qu’un pixel unique qui sont regroupés ensemble de chaque côté de la tête des strepsiptères [1]. Les femelles Strepsiptères sont dépourvues d’ailes, de pattes et d’yeux et une morphologie adaptée à une vie sédentaire à l’intérieur du corps de leur hôte.

Mâle strepsiptère, insecte de l'ordre des Strepsiptera. Dessin par Halvard Hatlen, domaine public, modifié par myrmecofourmis.fr.
Dessin d’un insecte Strepsiptère mâle

Le cycle de vie des strepsiptères

Ces insectes endoparasites s’infiltrent dans une variété d’hôtes comprenant des abeilles, des guêpes, des fourmis, des cicadelles, des sauterelles, des poissons d’argent et des cafards [2]. Ils sont même utilisés en tant qu’agent de lutte biologique contre des sauterelles défoliatrices du palmier en Papouasie Nouvelle Guinée [3]. En France, on les trouve principalement dans l’abdomen des guêpes polistes. Les Strepsiptères ont un cycle de vie parasitaire complexe. Le cycle est plus facile à comprendre en démarrant au stade des jeunes larves mobiles. Ces jeunes larves tout juste sorties du corps de leur mère sont présentes un peu partout dans l’environnement, sur des fleurs, au sol ; ou parfois directement dans les nids des guêpes et abeilles hôtes [2]. Celles-ci recherchent un insecte hôte, et sont capables d’effectuer de petits bonds pour l’atteindre. Une fois qu’elles ont trouvé un hôte, les larves pénètrent l’abdomen, en se faufilant entre deux segments abdominaux. En pénétrant dans un hôte, les larves subissent une hypermétamorphose, se transformant en une forme moins mobile et dépourvue de pattes et forçant l’hôte à créer une structure protectrice à l’intérieur de laquelle elles peuvent se nourrir et grandir. Les larves se nourrissent alors de l’hémolymphe de l’hôte [4] et de ses corps gras [5]. Cette manipulation parasitaire entraîne des changements physiologiques chez l’hôte, notamment parfois la stérilité.

Pupe d'insecte endoparasite du genre Strepsiptera entre les segments du dessus de l'abdomen d'un poliste (guêpe à papier).
Pupe de strepsiptère dans l’abdomen d’une guêpe à papier

Une fois leur développement terminé, les mâles strepsiptères adultes émergent du corps de l’hôte, tandis que les femelles restent à l’intérieur, occupant une partie significative du volume abdominal de l’hôte. Les mâles sont souvent incapables de se nourrir et cherchent immédiatement des femelles avec qui s’accoupler car ils ne vivent parfois que quelques heures. Les femelles vierges émettent des phéromones pour attirer les mâles. La reproduction se fait par insémination traumatique : comme chez les punaises de lit, le mâle perce la cuticule de la femelle pendant la reproduction [6]. Les œufs de Strepsiptera éclosent à l’intérieur de la femelle, et les jeunes larves [7] se déplacent librement à l’intérieur de leur mère [8]. Les larves dévorent leur mère de l’intérieur [9]. Chaque femelle produit des milliers de larves. Les larves émergent par une ouverture située sur la tête de la femelle, qui dépasse à l’extérieur du corps de l’hôte. Les milliers de larves qui éclosent cherchent activement de nouveaux hôtes à infester et le cycle recommence.

Vidéo de l’accouplement de Strepsiptères :

Origines évolutives

D’après les données génétiques disponibles, il semble que les Strepsiptères aient divergé des mouches il y a environ 300 à 350 millions d’années. Jusqu’à il y a quelques années, on pensait que ces insectes étaient à l’origine proche de l’ordre des coléoptères et de la famille des méloés, en raison des difficultés à établir la phylogénie de lignées si anciennes [10]. Leur présence dans le registre fossile est relativement récente : les premiers fossiles de strepsiptères ont été datés à environ 100 millions d’années [11], pendant le Crétacé moyen. Cette absence de preuves fossiles durant les premiers 200 à 250 millions d’années est inhabituel et possiblement dû à leur mode de vie discret et à leur petite taille. Près de 600 espèces ont été décrites à ce jour dans onze familles.

Où trouve-t-on les strepsiptères ?

Ces insectes ont été répertoriés sur tous les continents [12] mais semblent plus communs en Europe de l’Ouest et sur la côte Est de l’Amérique du Nord. Étant donné leur mode de vie très cryptique, il est cependant difficile de dire s’ils ont simplement été peu observés ailleurs uniquement parce qu’ils y sont plus difficiles à détecter ou non. Leur présence dans les régions où ils ont été le plus détectés est liée aux polistes ou guêpes à papier qui semblent être, de loin, leur hôte le plus courant.

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Notes et références

[1Buschbeck, E. K., Ehmer, B., & Hoy, R. R. (2003). The unusual visual system of the Strepsiptera : external eye and neuropils. Journal of comparative Physiology A, 189, 617-630.

[2Kathirithamby, J. (2009). Host-parasitoid associations in Strepsiptera. Annual Review of Entomology, 54, 227-249.

[3Kathirithamby, J. & Caudwell, R. (2003). Strepsiptera (Insecta) as biological control agents. In 1st International Symposium on Biological Control of Arthropods : January 14-18, 2002 (p. 331). USDA Forest Service, Forest Health Technology Enterprise Team.

[4L’hémolymphe est le "sang" des insectes

[5Fraval, A. 2007. Les strepsiptères. Insectes, 147(4), 13-16.

[6Peinert, M., Wipfler, B., Jetschke, G., Kleinteich, T., Gorb, S. N., Beutel, R. G., & Pohl, H. (2016). Traumatic insemination and female counter-adaptation in Strepsiptera (Insecta). Scientific Reports, 6(1), 25052.

[7Les jeunes larves, à ce stade, sont appelées planidium.

[8Cook, J. L. (2014). Review of the biology of parasitic insects in the order Strepsiptera. Comparative Parasitology, 81(2), 134-151.

[9Ce processus unique est appelé viviparité hématocèle.

[10Whiting, M. F. (1998). Long-branch distraction and the Strepsiptera. Systematic Biology, 47(1), 134-138.

[11Pohl, H., & Beutel, R. G. (2008). The evolution of Strepsiptera (Hexapoda). Zoology, 111(4), 318-338.

[12Données iNaturalist au 5 Février 2024.



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