Publié le 14 août 2014 et mis à jour le 30 mars 2024.
Brachylecithum mosquensis : quand un ver prend le contrôle d’une fourmi
Trematoda, Brachylecithum mosquensis ; Hymenoptera, Formicinae, Camponotus lateralis
Les trématodes ont une vie bien compliquée : pour se développer correctement, ces vers parasites doivent passer par plusieurs hôtes successifs. Et le petit Brachylecithum mosquensis n’échappe pas à la règle. Ce minuscule ver passe les premiers jours de sa vie dans un escargot, et ne devient adulte qu’une fois qu’il a réussit à s’infiltrer dans un oiseau [1].
L’escargot en question, Allogona ptychophora est un escargot terrestre qui produit de petites bulles de baves dont se nourrissent, entre autres, certaines fourmis du genre Camponotus. Les larves du trématode, appelées cercaires, sont massivement présentes dans ces bulles de baves.

Les fourmis (normalement C.herculeanus and C.pennsylvanicus [2] ; ici sur les photos une C.lateralis probablement parasitée par ce même ver trématode) ingèrent donc plusieurs petits cercaires qui se retrouvent dans leurs jabots (l’estomac des fourmis) puis rejoignent l’hémocoele (la cavité interne des insectes, servant à faire circuler les nutriments via l’hémolymphe). La plupart de ces cercaires s’enkystent : ils se construisent une sorte de coquille rigide lorsqu’ils sont dans le gastre. Mais quelques uns d’entre eux, au lieu de s’enkyster, rejoingnent le ganglion supraesophagien ou autrement dit, le tout petit cerveau de la fourmi [3].

Une fois qu’une des larves de trématode a rejoint le cerveau, la fourmi se comporte bizarrement : elle quitte les endroits sombres pour aller s’immobiliser en plein soleil, bien en vue. De plus, son abdomen s’étire, laissant apparaître les membranes qui joignent les différents segments du gastre [4]. Ces membranes, habituellement transparentes, deviennent en plus blanches et opaques [5] !

Pour un oiseau, renoncer à une proie immobile et aussi visible n’est pas envisageable. La fourmi est donc capturée par un oiseau et le ver parasite est transmis à l’oiseau, son hôte définitif. Le ver devient alors adulte et se reproduit, sa descendance migre ensuite vers le système digestif de l’oiseau. Le cycle se complète enfin lorsque les escargots ingèrent les fientes des oiseaux parasités, dont ils se nourrissent habituellement [6].

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Notes et références
[1] Combes, C. (2001). Les associations du vivant : l’art d’être parasite. Flammarion.
[2] Carney, W. P. (1970). Brachylecithum mosquensis : infections in vertebrate, molluscan and arthropod hosts. Transactions of the American Microscopical Society, 233-250.
[3] Schmid-Hempel, P. (1998). Parasites in social insects. Princeton University Press.
[4] L’abdomen est chez les fourmis composé du pétiole et éventuellement du postpétiole, et du gastre. Le pétiole sert à faire la liaison entre le gastre et le thorax, alors que le gastre contient la plupart des organes digestifs et des glandes à venin.
[5] Passera, L. (1975). fourmis hotes provisoires ou intermediaires des helminthes. Annee Biol.
[6] Carney, W. P. (1969). Behavioral and morphological changes in carpenter ants harboring dicrocoeliid metacercariae. American Midland Naturalist, 605-611.