Curculio elephas, le charançon ou balanin de la châtaigne

Coleoptera ; Curculionidae ; Curculio elephas


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Le charançon de la châtaigne, ou balanin du châtaignier, possède un rostre gigantesque. Son nom latin de Curculio elephas, littéralement charançon éléphant, le décrit plutôt bien : chez les femelles, le rostre est aussi long que le reste du corps.

Curculio elephas, vu de dessus, macrophotographie sur fond blanc
Balanin de la châtaigne

Mais quel est l’intérêt de posséder une telle trompe pour un si petit insecte ? Les femelles qui sortent de terre au mois d’août ou au début de l’automne se retrouvent confrontées à un problème. Leurs larves, ces horribles vers blancs de la châtaigne qui pourrissent vos récoltes automnales, doivent être capable d’accéder aux châtaignes pour se nourrir. Et vos doigts en savent quelque chose, atteindre une châtaigne dans sa bogue couverte de piquants n’est pas une chose facile. C’est là que l’immense rostre des femelles entre en jeux : une fois un espace trouvé entre deux piquants, la femelle plante son rostre dans la bogue et se met à tourner sur elle-même. Telle une perceuse de précision, le rostre du balanin traverse la bogue, ouvrant ainsi un accès privilégié à la châtaigne en formation. Le balanin femelle déploie ensuite son ovipositeur (un organe de ponte allongé qui lui permet d’atteindre le trou qu’elle vient de creuser dans la bogue) et dépose un oeuf sur la châtaigne, avant de s’en aller creuser d’autres bogues.

Les femelles pourraient ainsi pondre une quarantaine d’oeufs au cours de leur vie. Mais il faut faire vite pour les larves du balanin de la châtaigne, l’automne approche ! Au bout d’un peu plus d’un mois, quand les larves des charançons ont grandi et que les châtaignes sont tombées au sol, nos vers blancs percent un trou de sortie (celui de leur mère a entre-temps été rebouché par la plante) et s’enfoncent dans le sol à l’abri du froid. Ils se construisent une petite logette de débris végétaux où ils se transformeront en nymphes en attendant le retour des beaux jours.

Curculio elephas, femelle photographiée de profil sur fond blanc, en train de boire.
Balanin de la châtaigne

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Imaginez une année terrible pour les châtaignes : une canicule qui empêche les châtaigniers de former leurs fruits, suivie d’un automne où les grêlons sont gros comme des pastèques (en particulier dans la région de Marseille) : les oiseaux affamés vont se ruer sur les quelques châtaignes et dévorer au passage les quelques larves de balanins. Patatras ! la population de balanins s’écroule et l’espèce disparaît. Mais non, cela n’arrivera pas et vous récolterez toujours des châtaignes véreuses. Pourquoi ? Car le balanin a planifié une stratégie pour éviter ce genre de catastrophes.

Photo sur fond blanc du rostre d'une femelle Curculio elephas.
Balanin de la châtaigne

Plutôt que de sortir de sa logette après l’hiver, le balanin tire à pile-ou-face. A pile il sortira de la logette et tentera sa chance l’année même. Mais s’il obtient face, il tirera à nouveau une pièce au printemps suivant. Ainsi, même si quelques charançons de la châtaigne sortent dehors une mauvaise année, ceux qui auront attendus pourront retenter leur chance l’année suivante ! Les émergences du balanin peuvent ainsi s’étaler sur 4 années pour des balanins provenant d’une même cohorte (c’est à dire pondus la même année) [1]. Cette stratégie, appelée "bet-hedging" n’est en réalité pas vraiment exceptionnelle et vous la connaissez tous. Elle correspond en effet à une application très littérale de l’expression "ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier".


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Notes et références

[1Menu, F, & Debouzie, D. (1993). Coin-flipping plasticity and prolonged diapause in insects : example of the chestnut weevil Curculio elephas (Coleoptera : Curculionidae). Oecologia, 93(3), 367-373.



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