Le Bogong : un papillon de nuit migrateur d’Australie
Lepidoptera ; Noctuidae ; Agrotis infusa
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Chaque printemps, des milliards de Bogongs migrent à travers l’Australie, se déplaçant jusqu’à un millier de kilomètre [1] [2]. Ces papillons de nuit Australiens ne savent pas où ils vont. Nés dans le Sud de l’Australie où ils ont vécu leur vie de chenille et se sont transformés en papillons, ils n’ont jamais encore participé à ce voyage.
Qui sont les Bogongs ?
Les Bogongs, Agrotis infusa, sont des papillons de nuit emblématiques de l’Australie. Ils sont connus du grand public pour leurs migrations à travers le Sud-Est de l’Australie, et parce qu’ils étaient un plat important pour les peuples aborigènes avant la colonisation de l’Australie par les Européens.
Les peuples aborigènes du Sud de l’Australie étaient très liés aux Bogongs [3]. Les grottes et crevasses où les Bogongs dorment durant l’été étaient bien connues des peuples Aborigènes vivant aux alentours. Ceux-ci les utilisaient comme une source importante de protéines. Ils faisaient rôtir les papillons, très nutritifs, dans les cendres chaudes de leurs feux de bois. Les corps des Bogongs étaient ensuite écrasés pour former une sorte de steak de Bogongs, qui aurait un goût de noisette. Leur nom vient du langage Dhudhuroa bugung qui signifie brun.
Les chenilles des Bogongs, appelées "vers coupants" en anglais, sont considérées comme des nuisibles agricoles, causant parfois des dommages conséquents aux cultures de blé, choux, choux-fleurs, blettes, pois et pommes de terre [1]. Mais en décembre 2021, les Bogongs ont été inscrits sur la Liste rouge de l’UICN en tant qu’espèce en danger. Leur déclin est manifeste depuis les années 1980, et semble résulter du changement climatique, de l’utilisation prophylactique des insecticides, et de la pollution lumineuse qui attire ces papillons la nuit.
À quoi ressemblent les Bogongs ?
Les chenilles sont pâles au début, mais deviennent vertes avec des bandes et des taches pâles et sombres par la suite. Elles atteignent une longueur maximale de 50 cm.
Les Bogong adultes, eux, sont bruns, avec une bande plus sombre et deux taches claires sur chaque aile. Tous les Bogongs ne migrent pas, certains restent sédentaires lorsque les conditions sont clémentes [1]. Les formes migratoires et non migratoires sont légèrement différentes. Au stade migratoire, leurs ailes postérieures sont brunes, tandis qu’au stade non migratoires, ils ont des ailes postérieures plus claires. Les Bogong ont un corps long de 2,5 à 3,5 cm et une envergure allant de 4 à 5 cm pour un poids de 0,3 grammes.
Où vivent les Bogongs ?
Les Bogongs vivent dans la moitié Sud de l’Australie, de la côte Ouest à la côte Est et en Tasmanie. On les retrouve autour de grandes villes Australiennes comme Perth, Adélaïde, Melbourne, Sydney, Canberra et Brisbane, à la limite Nord de leur répartition habituelle. Ces papillons de nuit vivent dans les zones urbaines et les forêts ainsi que dans les Alpes Australiennes en été.
Pourquoi les Bogongs migrent-ils ?
Les Bogongs passent l’hiver dans le Sud-Est de l’Australie, où les températures hivernales sont plutôt clémentes. Au printemps, ils fuient l’arrivée des vagues de chaleur et de la sécheresse et se réfugient dans les Alpes Australiennes. Ces montagnes, bien loin d’arriver aux sommets des Alpes françaises, culminent avec le Mont Kosciuszko à 2228m d’altitude [4]. Elles forment en fait un grand plateau, juste assez haut pour offrir un peu de fraicheur aux Bogongs durant l’été Australien.
Comment les Bogongs s’orientent-ils ?
Comme certaines fourmis et bousiers, les Bogongs semblent utiliser les étoiles comme un compas pour s’orienter et corriger leur trajectoire vers leur lieu d’estivation [5]. Les Bogongs utilisent aussi les champs magnétiques terrestres. Elles possèdent des neurones spécialisés qui répondent aux changements d’orientation des étoiles dans le ciel. Pour étudier ce phénomène unique chez les invertébrés, des scientifiques ont d’ailleurs crée un simulateur de vol pour papillon de nuit, afin d’étudier comment ces papillons utilisent les étoiles pour s’orienter.
Quel est le cycle de vie des Bogongs ?
Les Bogongs, comme la plupart des papillons de nuit, pondent leurs oeufs dans le sol ou sur les plantes dont leurs chenilles se nourrissent. Chaque femelle pond jusqu’à 2000 oeufs [2]. Ils se nourrissent de nombreuses espèces de plantes à larges feuilles et préfèrent les jeunes pousses. Une fois les oeufs éclos, de petites chenilles en sortent et commencent à dévorer les feuilles de leurs plantes préférées. Elles ont six stades larvaires et muent donc plusieurs fois, grandissant à chaque fois qu’elles changent de peau [1]. Une fois arrivées à leur taille maximale, les chenilles s’enterrent, tissent un cocon et se transforment en pupes. Après plusieurs mois de développement, elles en sortent à l’état de papillons. Ces papillons migrent alors vers les Alpes Australiennes où ils se cachent dans des crevasses en larges groupes. On peut trouver des densités allant jusqu’à 16000 papillons par mètre carré [5]. Ils y passent l’été à dormir et à vivre de leurs réserves de graisses, puis migrent à nouveau pour pondre leurs oeufs avec que le froid hivernal n’engloutisse le plateau du Mont Kosciuszko.
Quels sont les prédateurs et parasites des Bogongs ?
Ces papillons de nuit se font surtout manger, lorsqu’ils migrent, par des oiseaux comme les corbeaux et pies [2]. On retrouve aussi le possum pygmée [6] et les chauves-souris parmi leurs prédateurs. Les Bogongs ont en plus des parasites, comme certains nématodes, de petits vers souvent parasites d’insectes.
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Notes et références
[1] Common, I. F. B. (1954). A study of the ecology of the adult bogong moth, Agrotis Infusa (Boisd)(Lepidoptera : Noctuidae), with special reference to its behaviour during migration and aestivation. Australian journal of zoology, 2(2), 223-263.
[2] Warrant, E., Frost, B., Green, K., Mouritsen, H., Dreyer, D., Adden, A., ... & Heinze, S. (2016). The Australian Bogong moth Agrotis infusa : a long-distance nocturnal navigator. Frontiers in behavioral neuroscience, 10, 77.
[3] Stephenson, B., David, B., Fresløv, J., Arnold, L. J., GunaiKurnai Land and Waters Aboriginal Corporation, Delannoy, J. J., ... & Hellstrom, J. (2020). 2000 Year-old Bogong moth (Agrotis infusa) Aboriginal food remains, Australia. Scientific reports, 10(1), 22151.
[4] Techniquement, le Mont Kosciuszko est le sommet de l’île principale d’Australie, mais le pic de Mawson sur l’île Heard s’élève à 2 745 mètres et est donc le vrai sommet du pays. Pour les voyageurs venus d’Europe, le Mont Kosciuszko est une ascension aussi facile que décevante : le sommet ne semble pas plus haut que le très haut plateau environnant, et les randonnées se font sur un grillage en métal rouillé visant à protéger la végétation. Jusque dans les années 1977, on pouvait d’ailleurs y accéder en 4x4. La montagne porte encore les marques des nombreuses jeep et pickups qui s’y sont rendus.
[5] Warrant, E., Dreyer, D., Adden, A., Chen, H., Frost, B., Mouritsen, H., ... & Heinze, S. (2024). Bogong moths use a stellar compass for long-distance navigation at night.
[6] Green, K., Broome, L., Heinze, D., & Johnston, S. (2001). Long distance transport of arsenic by migrating Bogong moths from agricultural lowlands to mountain ecosystems. Victorian Naturalist, 118(4), 112-116.