Publié le 12 juin 2023 et mis à jour le 17 juin 2025.

Le petit coléoptère de la ruche : biologie et contrôle

Aethina tumida


Le petit coléoptère de la ruche (Aethina tumida) est un parasite invasif redouté des apiculteurs. Originaire d’Afrique, il est désormais présent en Australie, en Amérique du Nord et en Asie du Sud-Est. En Europe, il a été détecté en Italie et pourrait se propager en France. Ses larves dévorent le couvain, le miel et le pollen, causant la destruction des colonies d’abeilles. Il est crucial de savoir le reconnaître, de mettre en place des méthodes de prévention efficaces (pièges, réduction de l’espace, contrôle de l’humidité) et de maintenir un matériel apicole impeccable. Découvrez toutes les solutions de lutte et de surveillance.


Le petit coléoptère de la ruche, Aethina tumida (Nitidulidae), est un parasite de l’abeille originaire d’Afrique. Dans leurs pays d’origine, les petits coléoptères de la ruche vivent dans des colonies d’abeilles de sous-espèces Africaines et ne posent pas vraiment de problèmes [1]. On retrouve ce parasite des abeilles en Australie, en Afrique, en Amérique du Nord dont au Canada et dans l’Asie du Sud-Est. Il n’est pour l’instant connu en France que de l’île de la Réunion. S’il arrivait en France métropolitaine, le petit coléoptère de la ruche serait capable d’endommager les colonies d’abeilles des différentes sous-espèces européennes. Le petit coléoptère de la ruche a été détecté en Europe dans le Sud de l’Italie et pourrait se répendre en France. C’est une menace potentielle importante pour l’apiculture française et Européenne de manière générale. S’il était détecté en France, les autorités mèneraient probablement une politique d’éradication (élimination des ruches contaminées pour contrôler les foyers).

Voici ce que l’on sait de la biologie et du contrôle du petit coléoptère de la ruche.

Comment reconnaître le petit coléoptère de la ruche ?

Le petit coléoptère de la ruche est un petit coléoptère noir (ou plus rarement brun) dont la taille varie mais qui mesure toujours moins d’un centimètre. Ces insectes sont lisses et difficiles à saisir, ce qui les protège contre les attaques des abeilles. Il y a peu de doutes possibles en Europe, étant donné qu’il s’agit d’un des seuls coléoptères à s’aventurer dans les ruches, mais il peut ressembler à certains coléoptères communs dans les composts. Les larves, elles, sont blanches et ressemblent à de gros asticots.

Vues ventrale (à gauche) et dorsale (à droite) du petit coléoptère de la ruche, un coléoptère noir lisse et plat, sur fond noir.
Aethina tumida, le petit coléoptère de la ruche
USGS Bee Inventory and Monitoring Lab, Beltsville, Maryland, USA

Il est possible de le confondre, hors des ruches, avec d’autres petits coléoptères noirs en particulier dans les composts, mais ceux-ci ont généralement une forme différente ou des taches brunes ou rougeâtres sur les élytres [2] [3].

Quel est le cycle de vie du petit coléoptère de la ruche ?

Les adultes peuvent voler et se déplacent à la recherche de ruches ou de produits de la ruche abandonnés par des abeilles ou laissés sans surveillance par un apiculteur. Les coléoptères femelles pondent des œufs dans les crevasses qu’elles trouvent souvent dans le bois des ruches. Les colonies d’abeilles en bonne santé semblent souvent capables de retirer les œufs et les larves rapidement. Cependant, les colonies d’abeilles plus faibles laissent les larves de petits coléoptères de la ruche se développer. Une fois qu’elles ont atteint le dernier stade larvaire, les larves quittent le nid d’abeille et se laissent tomber au sol. Là, elles s’enterrent et se transforment en pupes dans le sol. Après quelques jours à quelques semaines en fonction de la température, les adultes émergent et se mettent à la recherche de ruches.

Si les adultes ne trouvent pas de colonie d’abeille à parasiter, ils peuvent survivre sur des « hôtes alternatifs » comme d’autres espèces d’abeilles ou de bourdons, ou d’autres sources de nourriture comme des fruits [4]. Ceci a malheureusement peu été étudié jusqu’à présent et on ignore donc si des ressources alternatives près de ruches pourrait permettre au petit coléoptère des ruches de survivre et de former de large population qui envahissent ensuite les ruches à proximité [5].

Les adultes passent l’hiver dans les ruches, cachés au chaud parmi les abeilles [6].

Un cadre de ruche en cire recouvert de larves de petits coléoptères de la ruche, qui ressemblent à des asticots blancs immondes. L'aspect gluant du cadre montre que les larves ont commencé à se nourrir du miel.
Larves de petits coléoptères de la ruche dans une colonie d’abeilles infestées
James D. Ellis, University of Florida / © Bugwood.org / CC-BY-3.0-US

Pourquoi le petit coléoptère de la ruche est-il un problème ?

Les larves du petit coléoptère de la ruche percent la cire des abeilles et mangent les réserves de miel et de pollen ainsi que le couvain des abeilles. Se faisant, elles détruisent la structure du nid et causent souvent la fermentation du nectar, pollen et couvain. En cas de fortes infestations, les rayons des cadres peuvent se détacher et leur contenu liquéfié coule hors de la ruche. Le petit coléoptère de la ruche semble transporter avec lui une levure symbiotique, Kodamaea ohmeri, souvent retrouvée dans les ruches très infestées [7].

Même des infestations moins sévères peuvent avoir des effets délétères étant donné que les larves de ces coléoptères mangent les larves d’abeilles et les ressources de la ruche. Dans certains cas, des infestions moyennes peuvent pousser les abeilles à quitter la ruche pour tenter de former un nouveau nid ailleurs.
Les adultes eux posent peu de problèmes, ce sont surtout les larves qui affectent les colonies d’abeilles. Les adultes survivent plusieurs mois dans les colonies d’abeilles. Pour se nourrir, ils prétendent être des abeilles et reçoivent de la nourriture de la part des autres abeilles par trophallaxie [8].

Les abeilles se défendent-elles face au petit coléoptère de la ruche ?

Les abeilles Européennes ont du mal à détecter le petit coléoptère de la ruche. D’ailleurs, les petits coléoptères des ruches se cachent souvent dans les anfractuosités de la ruche. Cependant, lorsqu’elles le reconnaissent, les abeilles tentent de mordre et de piquer les petits coléoptères des ruches. Cela est difficile car la carapace du petit coléoptère de la ruche est lisse et épaisse et que les coléoptères se replient un peu comme des tortues et se laissent même tomber pour échapper aux abeilles.

Les abeilles qui parviennent à saisir les coléoptères peuvent les transporter hors de la ruche. Parfois les abeilles parviennent à bloquer les petits coléoptères dans un coin de la ruche [9] [10]. Ceux-ci sont alors placés sous la surveillance d’abeilles gardiennes qui peuvent les surveiller pendant jusqu’à 57 jours pendant que d’autres abeilles les recouvrent de propolis pour les momifier vivants.

Comment prévenir les infestations de petits coléoptères de la ruche ?

Il existe différentes méthodes pour limiter le nombre de petits coléoptères des ruches [11] [12].
 réduire l’entrée des ruches, ou utiliser des entrées de ruches spécialisées : le petit coléoptère de la ruche rentre dans les colonies d’abeilles par la porte d’entrée et les creux entre les éléments de la ruche. Il se faufile entre les abeilles gardiennes. En réduisant la taille de l’entrée des ruches la tâche des abeilles gardiennes est beaucoup plus facile. Il existe aussi des entrées en plastique avec un petit rebord permettant aux abeilles de rentrer mais rendant la tâche difficile aux coléoptères.
 réduire l’espace vide dans les ruches. Tant que les abeilles sont nombreuses, elles peuvent généralement garder le contrôle de la ruche. S’il y a peu d’abeilles et beaucoup de cadres avec des réserves de nourriture, il est probable que le petit coléoptère de la ruche parvienne à pondre des œufs et que ses larves prennent le dessus sur la colonie. Les apiculteurs peuvent réduire l’espace inutilisé en utilisant des cadres isolants qui réduisent le volume des ruches.
 réduire l’humidité dans la ruche : le petit coléoptère des ruches apprécie l’humidité. Réduire l’humidité dans les ruches peut aider à rendre les conditions moins agréables pour ce parasite. Les ruches peuvent être équipées d’une planche de vol grillagée pour aider les abeilles à évacuer l’humidité. S’assurer que la ruche est en légère pente vers le trou de vol peut aussi aider à prévenir l’accumulation d’eau sur la planche de vol.
 capturer ou bloquer la pupation des larves. En plaçant une grille sous le trou de vol, les larves de parasites des abeilles qui quittent la ruche peuvent être capturés et éliminés avant qu’ils ne puissent s’enterrer dans le sol et devenir adultes.

Comment contrôler les infestations de petits coléoptères de la ruche ?

En plus de ces méthodes, un certain nombre de pièges sont utilisés en apiculture pour contrôler les petits coléoptères de la ruche.
 Les appâts au Fipronil. Ceux-ci consistent généralement de traitements contenants un appât (type "TopBait Plus") que les abeilles ne peuvent pas atteindre mais qui tue les petits coléoptères des ruches, ou de carton imprégné de Fipronil (type "Apithor"). Le Fipronil est un insecticide toxique pour les abeilles lorsqu’elles le collectent dans le nectar et le pollen ou les eaux de ruissellement des cultures. Mais lorsque ces pièges sont utilisés correctement ils ne semblent pas contaminer les abeilles ni les produits de la ruche.
 Les pièges mécaniques à huile ou poudre. Ce sont de simples petites gouttières remplies d’huile ou de terre de diatomée. Les gouttières sont couvertes d’un toît avec des fentes permettant aux petits coléoptères mais pas aux abeilles de rentrer. Les petits coléoptères de la ruche s’y noient dans l’huile ou meurent déssechés par l’action abrasive de la terre de diatomée. Ces pièges peuvent être incovénients car il faut les vider et les reremplir régulièrement, si leur contenu est renversé il peut tuer les abeilles.
 Les pièges collants. D’autres cachettes avec des appâts non empoisonnés mais entourés de scotch double-face peuvent aussi être utilisées. Ils doivent être inspectés et vidés régulièrement.
 Les pièges fibreux. Des matériaux fibreux peuvent aussi être introduits dans la ruche. Ceci peuvent être des anciennes moquettes ou des lingettes en micro-fibre à usage unique. Les pattes des coléoptères s’y accrochent facilement et ceux-ci peuvent se retrouver coincés. Cependant, cela peut résulter en la dispersion de fibres de plastique dans les ruches.
 Les planches de vol grillagées avec bac à huile. Des planches de vol grillagées peuvent être installées pour causer la chute des petits coléoptères (cela marche aussi en partie contre la fausse teigne et le varroa). Elles sont équippées de bacs huilés ou recouverts de graisse pour piéger les coléoptères, souvent une grande quantité d’huile est nécessaire pour les piéger. Ces bacs doivent être vidés et nettoyer régulièrement. Il faut les inspecter après la pluie pour ne pas garder d’humidité sous la ruche.

Enfin, il est essentiel de s’assurer que tout le matériel apicole est gardé propre et que les réserves de miel ou de pollen gardés hors des ruches sont hors d’atteinte du petit coléoptère des ruches. À petite échelle, les cadres de miel ou de pollen peuvent par exemple être placés dans un congélateur, ce qui les protègera aussi des fausses teignes de la ruche.

Photo d’en-tête : petit coléoptère de la ruche sur un cadre de miel. Photo Denis Anderson, CSIRO CC3.


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Notes et références

[1Hepburn, H. R., & Radloff, S. E. (1998). Honeybees of Africa.

[2Pour les critères précis utilisables en cas de doute, les petits coléoptères de la ruche possèdent une massue antennaire faite de trois segments au bout de leurs antennes, des cavités procoxal transverse, un métacoxa caréné, et un quatrième tarse court.

[3Habeck, D. H. (2002). 77. Nitidulidae Latreille 1802. American beetles, 2, 311-315.

[4Ellis Jr, J. D., Neumann, P., Hepburn, R., & Elzen, P. J. (2002). Longevity and reproductive success of Aethina tumida (Coleoptera : Nitidulidae) fed different natural diets. Journal of economic entomology, 95(5), 902-907.

[5Neumann, P., & Elzen, P. J. (2004). The biology of the small hive beetle (Aethina tumida, Coleoptera : Nitidulidae) : Gaps in our knowledge of an invasive species. Apidologie, 35(3), 229-247.

[6Hood, W. M. (2000). Overview of the small hive beetle, Aethina tumida, in North America. Bee World, 81(3), 129-137.

[7Amos, B. A., Leemon, D. L., Hayes, R. A., Cribb, B. W., & Furlong, M. J. (2018). Associations between the small hive beetle and the yeast Kodamaea ohmeri throughout the host life cycle. Journal of economic entomology, 111(4), 1501-1508.

[8Ellis, J.D., Pirk, C.W.W., Hepburn, H.R., Khastberger, G., Elzen, P.J. (2002d) Small hive beetles survive in honeybee prisons by behavioural mimicry. Naturwissenschaften 89, 326–328

[9Elzen, P. J., Baxter, J. R., Neuman, P., Solbrig, A. J., Pirk, C. W. W., Hoffman, W., & Hepburn, H. R. (2000). Observation on the Small Hive Beetle in South Africa. American Bee Journal, 140(4), 304-304.

[10Swart, J. D., Johannsmeier, M. F., Tribe, G. D., & Kryger, P. (2001). Diseases and pests of honeybees. Beekeeping in South Africa, 3rd edition, revised, Plant Protection Research Institute Handbook, (14), 198-222.

[11Hood, W. M. 2011. Handbook of small hive beetle IPM. Clemson Cooperative Extension, Clemson University, Clemson, SC, USA. Bulletin 160.

[12Hood, W. M., and G. A. Miller. 2003. Trapping small hive beetles (Coleoptera : Nitidulidae) inside colonies of honey bees (Hymenoptera : Apidae). Am. Bee J. 143 : 405–409.



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