Publié le 2 mars 2025 et mis à jour le 8 mars 2025.

Les Embioptères : ordre des Embioptera ou tisseurs de toile


L’ordre des Embioptera, aussi appelés embioptères ou tisseurs de toile (en anglais "webspinner"), regroupe des insectes principalement tropicaux et subtropicaux au mode de vie complexe. Seulement 400 espèces ont été décrites dont seulement quelques espèces en Europe. Les embioptères vivent en groupes dans des galeries de soie qu’ils tissent à partir de glandes situées sur leurs pattes avant et dont les tarses sont enflés. Les colonies sont généralement composées de femelles apparentées et de leur progéniture. Les mâles adultes sont ailés et peuvent se disperser en vol, tandis que les femelles restent près du site d’éclosion.


Combien d’espèces d’Embioptères existe-t-il en France et dans le monde ?

Plus de 400 espèces d’embioptères sont décrites, principalement dans les régions tropicales, mais le nombre d’espèces réel est probablement bien plus élevé, au delà d’un millier d’espèces [1]. Malgré ce faible nombre d’espèces pour un ordre d’insectes, la complexité du cycle de vie et la diversité de comportements des Embioptères est importante.

En France on retrouve trois espèces méditerranéennes dont Haploembia solieri qui a été introduite aux États-Unis et au Japon [2], Haploembia palaui et Oligotoma nigra [3].

Leur phylogénie est relativement mal connue : l’ordre des Embioptera était auparavant désigné sous les noms d’Embiodea ou Embiidina et une analyse de 2012 combinant des données morphologiques et génétiques suggère que les embioptères sont proches des phasmes et mantes [1].

Un insecte de l'ordre Embioptera ou Embioptère, vu de face en macro sur fond blanc.
Embioptère tisseur de toile

Comment reconnaître les embioptères ?

Le critère le plus facile pour distinguer cet ordre d’insectes sont leurs pattes avant qui sont hypertrophiées, ou plus précisément un de leur tarse est enflé et arrondi, adapté à la production de soie. Les galeries des Embioptères sont difficiles à reconnaître, car elles ressemblent fortement à celles des araignées tissant des toiles dans le sol. Il est souvent nécessaire de trouver les embioptères pour confirmer qu’il ne s’agisse pas d’araignées.

En raison de leur mode de vie qui consiste à se protéger dans des galeries étroites, les embioptères ont un corps allongé, flexible et mou, adapté à la vie dans leurs tunnels de soie. Ils ne peuvent pas y faire demi-tour, et doivent donc s’assurer de ne pas coincer leurs ailes ou leurs antennes dans les soies. Leur taille varie de 15 à 30 mm. Leur tête porte des mandibules adaptées à la mastication, des yeux composés de forme ovale ou en forme de haricot (la base des antennes créent un angle mort) et de longues antennes souples. Ils n’ont pas d’ocelles. Les mâles adultes possèdent deux paires d’ailes, mais les femelles et les larves n’en ont pas. Les segments abdominaux terminaux portent une paire de cerques sensoriels, asymétriques chez les mâles, qui leur permet de naviguer à reculons. Les ailes des mâles sont très flexibles également et peuvent se replier lorsqu’ils reculent pour éviter qu’ils ne les coincent dans les toiles. Les ailes se gonflent et se rigidifient sous la pression de l’hémolymphe (sang des insectes) lorsque les mâles veulent voler. Au repos la pression de l’hémolymphe dans les ailes reste basse pour qu’elles s’assouplissent et se plient sans qu’elles ne s’abiment [4].

Un Embioptère d'Australie vu de profil.
Embioptère d’Australie

Quel est le cycle de vie des embioptères ?

Les embioptères sont des insectes sociaux primitifs qui vivent en colonies. Les femelles s’occupent parfois des œufs et des jeunes [5] au moins en protégent les oeufs et en tissant des galeries. D’ailleurs, tous les individus coopèrent pour tisser la soie et renforcer les galeries.

Les femelles de la plupart des espèces pondent un seul lot d’œufs dans la galerie existante ou fondent une nouvelle colonie à proximité de l’ancienne. Il existe au sein même de ce groupe une très grande diversité de comportements de pontes et de soins maternels [6]. Les œufs sont souvent fixés aux galeries par de la soie ou de la salive, ou enterrés dans des crevasses sous un amas de soie [7]. La ponte est surveillée par la femelle, qui adopte des comportements agressifs et émet des vibrations pour éloigner les intrus, y compris les autres membres de la colonie. Les œufs éclosent en nymphes ressemblant aux adultes. Certaines espèces pondent deux fois par an avec deux mois d’intervalles et les femelles vivent assez longtemps pour vivre avec leurs petits-enfants (chez O. nigra) [6].

Metoligotoma brevispina femelle avec des oeufs. On voit un insecte brun et blanc dans une galerie de soie sur un amas d'oeufs.
Embioptère protégeant des oeufs
J.S.Edgerly

Après plusieurs mues, les nymphes atteignent le stade adulte. Les mâles quittent rapidement la colonie pour s’accoupler, puis meurent généralement assez rapidement. Chez certaines espèces cependant, les mâles ont de larges têtes avec des mandibules bien développées, ce qui suggère qu’ils pourraient vivre plus longtemps après l’accouplement pour empêcher d’autres mâles de s’accoupler avec la même femelle [6]. Après l’accouplement, les femelles peuvent quitter la colonie pour en fonder une nouvelle à proximité ou pour rechercher une source de nourriture permettant d’étendre les galeries. Leur dispersion est limitée par leur incapacité à voler.

Quelques espèces du genre Haploembia sont bisexuelles (dans ce contexte cela signifie à la fois mâle et femelle) et parthénogénétiques et peuvent donc produire une descendance sans fécondation [8].

La production de soie et fabrication des galeries

Les embioptères produisent une soie fine à l’aide de glandes séricigènes situées dans les tarses des pattes antérieures. Contrairement à d’autres insectes producteurs de soie qui n’ont qu’une paire de glandes, certaines espèces d’embioptères possèdent jusqu’à 230 glandes réparties entre les deux pattes [6].

Les embioptères tissent des galeries en soie dans des galeries sous l’écorce des arbres, les rochers ou dans le sol et la litière végétale [6]. Certaines espèces camouflent ces structures avec des débris végétaux. Les galeries assurent la protection contre la dessiccation et les prédateurs.

La soie produite par les embioptères intéresse de près de nombreux scientifiques car elle est incroyablement résistante et remarquablement hydrophobe [9] [10]

Très gros plan macro sur la patte avant d'un embioptère, dont le tarse est très large et permet la production de soie. Macrophotographie sur fond blanc.
Gros plan sur le tarse séricigène d’un Embioptère

Que mangent les embioptères ?

Les nymphes et les femelles adultes consomment des matières végétales en décomposition, de l’écorce, des mousses, des algues et des lichens [6] [11]. Elles sont généralistes et peuvent être maintenues en élevage avec des feuilles de laitue et de chêne sèches. Les mâles adultes ne se nourrissent pas et meurent après l’accouplement.

Nous remercions chaleureusement J. S. Edgerly pour son expertise et la photo d’une femelle Embioptère avec ses oeufs.


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Notes et références

[1Miller, K. B., Hayashi, C., Whiting, M. F., Svenson, G. J., & Edgerly, J. S. (2012). The phylogeny and classification of Embioptera (Insecta). Systematic Entomology, 37(3), 550-570.

[2Nozaki, T., Nakahama, N., Suehiro, W., & Namba, Y. (2018). First record of the web spinner Haploembia solieri (Rambur, 1842)(Embioptera : Oligotomidae) in Japan. BioInvasions Records, 7(2), 211-214.

[3D’après iNaturalist, consulté le 01/03/2025.

[4Ross, E. S. (2000). Origin, relationships and integumental anatomy of the insect order Embiidina. Occasional Papers of the California Academy of Sciences, 149, 1.

[5Edgerly-Rooks, J. (1997). Life beneath silk walls : a review of the primitively social Embiidina.

[6Morinaga, G., Soghigian, J., & Edgerly, J. S. (2023). Macroecology and potential drivers of diversity in webspinner maternal care (Order Embioptera). Insect Systematics and Diversity, 7(1), 1.

[7Edgerly, J. S. (2018). Biodiversity of Embiodea. Insect biodiversity : science and society, 2, 219-244.

[8Vershinina, A. O., & Kuznetsova, V. G. (2016). Parthenogenesis in Hexapoda : Entognatha and non‐holometabolous insects. Journal of Zoological Systematics and Evolutionary Research, 54(4), 257-268.

[9Osborn Popp, T. M., Addison, J. B., Jordan, J. S., Damle, V. G., Rykaczewski, K., Chang, S. L., ... & Yarger, J. L. (2016). Surface and wetting properties of embiopteran (webspinner) nanofiber silk. Langmuir, 32(18), 4681-4687.

[10Deep Look. 2020. "L’étrange insecte tisseur de toile tisse une maison cossue" (en anglais). Youtube.

[11Edgerly, J. S., & Rooks, E. C. (2004). Lichens, sun, and fire : a search for an embiid-environment connection in Australia (Order Embiidina : Australembiidae and Notoligotomidae). Environmental Entomology, 33(4), 907-920.



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