Certains insectes ont 5 yeux et ils communiquent entre eux

Les yeux composés de facettes et l’œil simple ou "ocelle" chez les insectes

Demandez combien d’yeux a un insecte, et quelqu’un vous répondra que les insectes ont deux yeux. Mais en réalité, la plupart des insectes ont cinq yeux. Deux d’entre eux sont généralement de très grands yeux faits de multiples facettes, qui permettent de percevoir la lumière et le mouvement. Ils sont appelés yeux composés. Ce qui est moins connu, c’est qu’en plus des deux yeux composés, ils possèdent souvent trois petits yeux simples, faits d’une unique facette [1]. Ces yeux sont appelés des "ocelles" et sont généralement disposés en triangle au dessus de la tête. On en voit deux, presque transparents, sur la tête de la fourmi en photo d’en-tête. Et trois au milieu de la tête de cette guêpe symphyte un peu plus bas.

Le rôle des ocelles a été peu étudié. Il faut dire que parvenir à étudier les minuscules yeux des insectes est un véritable défi. Quelques indices existent qui semblent indiquer que les ocelles sont liées à la navigation dans des conditions difficiles : la plupart des insectes qui ont des ocelles sont des insectes volants ou nocturnes, qui se repèrent la nuit dans le désert à l’aide des étoiles. Certains scientifiques ont aussi montré que la vision des yeux composées dépend de celle des ocelles. Si les ocelles sont bloquées artificiellement avec de la peinture, le signal des neurones qui transportent l’information visuelle des yeux composés jusqu’au cerveau de l’insecte diminue [2]. Pour simplifier, les ocelles semblent amplifier ou conditionner la vision des yeux composés.

Une guêpe symphyte d'Australie avec deux grands yeux noirs composés de centaines de facettes et trois yeux simples appelés ocelles. La guêpe est vue de face, elle a une tête noire avec un clypeus jaune et des mandibules et antennes oranges. Sa tête est matte mais ses yeux et ocelles sont brillants. Vue de face, photo macro.
Guêpe avec deux yeux composés et trois grandes ocelles

Peut-être parce qu’à cause de leur taille les ocelles paraissent moins importantes, ou peut-être parce qu’étudier ces minuscules ocelles est difficile, jamais les scientifiques ne s’étaient demandés si les yeux composés amplifiaient aussi la vision des ocelles. Après tout, pourquoi les petits yeux devraient-ils aider les plus grands mais pas l’inverse ? Mais une équipe de chercheuses et chercheurs Australiens s’est finalement penché sur la question [3]. Leur avantage : la présence en Australie d’énormes fourmis dotées de très grandes ocelles, appelées fourmis bouledogues (photo d’en-tête).

Grâce à la taille de ces fourmis, cette équipe a pu insérer de minuscules électrodes près des ocelles. Les chercheuses et chercheurs ont ensuite mesuré le signal des ocelles lorsqu’ils cachaient ou non les yeux composés. Les scientifiques ont en même temps placé les fourmis géantes dans une sorte de cinéma miniature, où des images avec différents niveaux de contraste étaient diffusées.

Leurs résultats montrent que les yeux composés permettent eux aussi d’améliorer la vision des ocelles. En effet, les fourmis étaient capables de mieux détecter le contraste avec leurs ocelles lorsque les yeux composés n’étaient pas bloqués. Si ces résultats n’expliquent pas encore exactement à quoi servent les ocelles, ils permettent de confirmer que ces petits yeux sont probablement plus importants qu’il n’y paraît.

Et peut-être que ces recherches permettront un jour aux ingénieurs de s’inspirer de la nature pour améliorer capteurs et appareils photos ? En attendant le mystère des ocelles s’éclaircit déjà un petit peu.


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Notes et références

[1Mizunami, M. (1995). Information processing in the insect ocellar system : comparative approaches to the evolution of visual processing and neural circuits. Adv. In Insect Phys. 25, 151-152.

[2Rence, B. G., Lisy, M. T., Garves, B. R. and Quinlan, B. J. (1988). The role of ocelli in circadian singing rhythms of crickets. Physiol. Entomol. 13, 201-212.

[3Penmetcha, B., Ogawa, Y., Ryan, L. A., Hart, N. S., & Narendra, A. (2021). Ocellar spatial vision in Myrmecia ants. Journal of Experimental Biology. 224 (20) : jeb242948.



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