La ranâtre, Ranatra linearis, une grande punaise aquatique
Insecta, Hemiptera, Nepidae, Ranatrinae, Ranatra linearis

La ranatre (Ranatra linearis) est une punaise aquatique de la famille des Nepidae, comme la nèpe. Il n’y a en France qu’une seule espèce du genre Ranatra. D’après le site de l’INPN, elle serait présente principalement dans la moitié Nord de la France. On la rencontre au bords des lacs, des bassins artificiels, des étangs de pêche si la végétation est assez dense pour qu’elle puisse se cacher, dans les mares et les flaques d’eau stagnante.
Photographie d’une ranatre (Rantra linearis) photographiée sur un fond blanc, trouvée dans un étang de Seine-et-Marne (Île-de-France) :
Cette punaise possède un corps entièrement brun clair d’environs 35mm de long, auxquels il faut ajouter les plusieurs centimètres du siphon respiratoire et des pattes avant. Comme chez la nèpe, le siphon respiratoire permet la respiration de la ranatre lorsqu’elle est sous l’eau, avec un fonctionnement similaire à celui du tuba. La ranatre est très bien camouflée avec son corps en forme de brindille, et elle tombe en catalepsie (elle "fait la morte") dès qu’elle est dérangée. Elle replie alors ses pattes avant ensemble à l’avant de son corps, et ses autres pattes à la perpendiculaire sous son corps. Il faut attendre plusieurs minutes pour que la ranatre redevienne active.
Photographie d’une ranatre en état de catalepsie :
Sous leurs hémiélytres, les ranatres cachent des ailes fonctionnelles qui leur permettent de s’envoler pour chercher un partenaire ou un point d’eau plus accueillant. Lorsqu’elles s’envolent, elles dévoilent le dessus de leur abdomen qui est coloré de rouge vif [1]. Les ranatres possèdent également des pattes de type ravisseuses, comme les mantes ou le mantispe de Styrie. Après avoir capturé une proie avec ses pattes, la ranatre la ramène vers elle ou elle perce la peau ou la cuticule de la proie à l’aide de son puissant et large rostre. Elle aspire ensuite le contenu de sa proie pour se nourrir.
Photo d’une ranatre dans un aquarium pédagogique pour l’observation des insectes aquatiques. On voit que la punaise laisse son siphon respiratoire à la surface de l’eau, ce qui lui permet de rester cachée sous l’eau sans bouger en attendant une proie, tout en étant capable de respirer :
Les ranatres adultes passent probablement l’hiver cachées dans les feuilles mortes ou sous les feuilles des plantes de bords d’eau [2]. Les ranâtres se reproduisent au printemps, entre Mars et Mai. Les oeufs sont pondus dans des feuilles de plantes aquatiques ou dans la vase, ils sont généralement immergés mais possèdent deux cônes respiratoires qui sortent à la surface de l’eau et permettent la respiration de l’embryon pendant le développement [3]. Les cônes respiratoires sont au nombre de deux chez les ranâtres, ce qui permet de différencier leurs oeufs de ceux des nèpes qui en ont généralement au moins quatre. Ces cônes sont poreux, avec de petits capillaires assurant la circulation de l’air [4].
Photo des pattes ravisseuses d’une ranâtre :
La ranâtre (Ranatra linearis) est très souvent parasitée par d’étranges larves en forme de boules rouges, oranges ou jaunes ratachée par un petit pédicelle. Il s’agit de larves d’acariens aquatiques appartenant probablement au genre Hydrachna et à l’espèce Hydrachna gallica [5]. Ces larves d’acariens sont dépourvues de pattes et sont fixées par leur tête. Comme les tiques chez les humains, elles prélèvent le "sang" des insectes, appelé hémolymphe (il ne contient pas d’oxygène, seulement des nutriments). Lorsque le développement de ces larves parasites est terminé, elles muent une dernière fois, laissant la partie avant de leur exuvie fixé à la ranâtre. Les acariens aquatiques (ou hydracariens) du genre Hydrachna possèdent des pattes à l’état adulte, et ils s’en servent pour nager dans l’eau et se déplacer. On les trouve, comme les ranâtres, dans les eaux calmes où ils semblent virevolter au hasard dans l’eau.
Photo macro avec un gros plan sur des acariens aquatiques parasites à différents stades de leur développement :
Certaines de ces larves d’acariens parasites sont également fixées sous les pattes, au niveau du thorax. On voit bien sur les différentes photos qu’elles sont dépourvues de pattes et fixées sur la ranâtre uniquement à l’aide de leurs têtes :
Une ranâtre (Ranatra linearis) recouverte d’exuvies d’acariens parasites ayant terminé leur développement (Photo B. Segerer avec son aimable autorisation) :
Références
[2] Packauskas, R. J., & McPherson, J. E. (1986). Life history and laboratory rearing of Ranatra fusca (Hemiptera : Nepidae) with descriptions of immature stages. Annals of the Entomological Society of America, 79(4), 566-571.
[3] Oeufs de ranâtres sur le site aramel.free.fr
[4] Hinton, H. E. (1961). The structure and function of the egg-shell in the Nepidae (Hemiptera). Journal of Insect Physiology, 7(3), 224-257.
[5] Zawal, A., Çamur-Elipek, B., Fent, M., Kırgız, T., & Dzierzgowska, K. (2013). First observations in Turkish Thrace on water mite larvae parasitism of Ranatra linearis by Hydrachna gallica (Acari : Hydrachnidia). Acta Parasitologica, 58(1), 57-63.