Les abeilles utilisent ces 6 molécules pour détecter le varroa

Comportement hygiénique sensible au Varroa destructor chez les abeilles

Le Varroa destructor est un acarien parasite de l’abeille, qui se nourrit principalement des larves d’abeilles et transmet des virus. Il était endémique chez l’abeille asiatique Apis cerana, qui peut contrôler elle-même ce parasite, mais s’est répandu dans les colonies d’Apis mellifera, l’abeille mellifère de nos ruches, dans les années 1970 et 1980. Les abeilles mellifères n’ayant pas coévolué avec le varroa ne sont pas naturellement capables de se défendre contre ce parasite.

Les méthodes de contrôle actuelles reposent sur l’utilisation de produits acaricides, qui ont tous des effets néfastes sur les abeilles [1] et dont certains se retrouvent dans le miel et la cire [2]. De nombreuses recherches sont conduites par les scientifiques du monde entier pour trouver des alternatives non-chimiques à ces traitements. Malheureusement, on sait que certaines méthodes sont jusqu’à présent peu efficaces, comme le traitement au sucre-glace, tandis que d’autres semblent n’avoir aucun effet comme le "Bee-Gym" ou pourraient même mettre en danger les abeilles, comme l’acarien Stratiolaelaps scimitus.

Une des grandes avenues de la recherche dans le contrôle non-chimique contre le varroa est la sélection d’abeilles résistante aux varroas. Un des traits sélectionné chez ces abeilles et celui des comportements hygiéniques en réponse au varroa [3]. L’idée n’est pas nouvelle, mais maintenir ces traits dans nos populations d’abeilles est difficile. Pour faciliter cela, les scientifiques essaient de comprendre les mécanismes qui permettent aux abeilles de détecter les larves et pupes d’abeilles infestées par des varroas et de les retirer.

Une équipe de scientifiques est parvenue à identifier six molécules qui permettent à certaines abeilles de détecter la présence de varroas [4] dans des cellules contenant des pupes d’abeilles. Leur premier résultat est que ces abeilles ne semblent pas être capables de détecter l’odeur des varroas mères qui rentrent dans les cellules des abeilles pour y pondre leurs oeufs. Elles peuvent cependant détecter les jeunes varroas qui sont nés de ces oeufs.

Les chercheuses et chercheurs ont ensuite comparé les molécules présentes dans des cellules contenant ou non des varroas et ont trouvé 6 molécules présentes seulement dans les cellules infestées de varroas. Ces molécules sont, retenez votre souffle : tricosan-2-one (1 ; TrCO), pentacosan-2-one (2 ; PCO), tetracosyl acetate (3 ; TCA), heptacosan-2-one (4 ; HPCO), hexacosyl acetate (5 ; HCA) et le nonacosan-2-one (6 ; NCO). En plus d’être présentes presque dans toutes les cellules contenant de jeunes varroas, la concentration de ces molécules augmente lorsqu’il y a plus de varroas dans les cellules.

Pour confirmer que ces molécules permettent bien aux abeilles de détecter la présence de varroas, les scientifiques ont ensuite injecté un mélange de combinaisons et de concentrations de ces molécules dans des cellules d’abeilles operculées. Lorsque ces 6 molécules sont toutes combinées et en forte concentration, les abeilles désoperculent les cellules dans environs la moitié des cas.

La même équipe a ensuite conduit une dernière expérience, pour apprendre aux abeilles à "tirer la langue" lorsqu’elles sentent ces molécules. Ce test, appelé test du reflex d’extension du proboscis (la langue des abeilles), consiste à donner du sucre à une abeille lorsqu’elle sent une certaine odeur. Lors de ce test, seules les abeilles issues de colonies avec des comportements hygiéniques en réponse aux varroas, et pas celles de colonies d’abeilles "normales", sont parvenues à apprendre ces odeurs.

Ce résultat est très important, car ce test simple et rapide permet maintenant d’identifier des abeilles qui ont des traits de résistance au varroa. Cela veut dire que ces abeilles peuvent être bien plus facilement sélectionnées pour créer des lignées ou des races d’abeilles capables d’éliminer le varroa de leurs ruches. Il reste bien sûr de nombreuses difficultés pour sélectionner des lignées stables d’abeilles résistances aux varroas à des prix abordables pour les apiculteurs, mais face au varroa, toute avancée est la bienvenue.

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Notes et références

[1Tihelka, E. (2018). Effects of synthetic and organic acaricides on honey bee health : a review.

[2Mullin, C. A., Frazier, M., Frazier, J. L., Ashcraft, S., Simonds, R., VanEngelsdorp, D., & Pettis, J. S. (2010). High levels of miticides and agrochemicals in North American apiaries : implications for honey bee health. PloS one, 5(3), e9754.

[3En anglais, cela est appelé "Varroa-sensitive hygiene" ce qui peut être littéralement traduit en "hygiène sensible au varroa" ou comportements hygiéniques sensibles au varroas.

[4Mondet, F., Blanchard, S., Barthes, N., Beslay, D., Bordier, C., Costagliola, G., ... & Le Conte, Y. (2021). Chemical detection triggers honey bee defense against a destructive parasitic threat. Nature Chemical Biology, 17(5), 524-530.



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