Que mange le gendarme (l’insecte) ?
Hemiptera, Heteroptera, Pyrrhocoridae, Pyrrhocoris apterus
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Le gendarme (l’insecte), ou Pyrrhocoris apterus pour les scientifiques, est une punaise qui possède de nombreuses appellations. On la surnomme suisse, cherche-midi, soldat, cordonnier ou pyrrhocore aptère. Les anglais l’appellent la punaise de feu ("fire bug"), d’après son nom latin. Dans la classification scientifique, cette espèce appartient à l’ordre des hémiptères, au sous-ordre des hétéroptères et à la famille des Pyrrhocoridae.
En biologie, les Pyrrhocoris apterus ont été très étudiés. Ces punaises sont en particulier utilisées comme modèle biologique pour l’étude des hormones qui régissent le développement et la croissance chez les insectes [1].
Cette petite punaise de couleur rouge et noire est très fréquente dans les parcs et jardins, où elle passe rarement inaperçue. En automne en particulier, ces punaises se regroupent sur les tas de bois, le long des murets et sur certains de leurs arbres et plantes préférés comme les tilleuls, les ormes ou les mauves (famille des malvacées).
D’où vient le surnom de "gendarme" de ces punaises ?
Pourquoi nos punaises portent-elles ce nom ? La raison pour laquelle les insectes de l’espèce Pyrrhocoris apterus sont désignés comme des "gendarmes" dans le langage courant remonte au 17ème siècle. En 1690, le roi Louis XIV créé en effet une garde militaire appartenant à la Maison militaire des rois de France. Cette garde est composée de gendarmes (les gendarmes de Berry) habillés d’un uniforme rouge et doré, complété d’un chapeau, de manchettes et de bottes noires. Les Chevau-légers que montent ces gendarmes sont également recouverts d’un drap rouge. Ces motifs et couleurs ont donc inspiré nos ancêtres qui ont se sont mis à appeler les Pyrrhocoris apterus des gendarmes.
Le nom de Suisse fait probablement référence aux soldats de la garde du Vatican.
Le nom de cherche-midi viendrait quant à lui du fait que ces punaises apprécient se regrouper au soleil, comme on le voit sur la photo ci-dessous (prise à Lyon) :
Que mangent les punaises gendarmes ?
Les gendarmes sont des insectes possédant une alimentation variée puisqu’ils sont nécrophages et phytophages. Ils consomment des cadavres d’insectes (comme les fourmis) et participent ainsi de manière utile à la dégradation de la matière organique. Ils se nourrissent également de graines. Leur régime alimentaire se compose en majeure partie des fruits des tilleuls (Tilia cordata, T. platyphyllos [2]) et parfois des graines de plantes de la famille des mauves (comme la guimauve officinale Althaea officinalis, la rose trémière Alcea rosea ou les Hibiscus) et du robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia) ainsi que de nectar de fleurs. Cette punaise ne cause donc généralement pas de dégâts aux jardins et ne devrait pas être considérée comme un insecte nuisible. Inutile donc de chercher à s’en débarrasser en achetant des insecticides onéreux et souvent très toxiques pour les humains, les animaux de compagnie et pour les autres insectes utiles au jardin.
Sur la photo ci-dessous on voit une punaise gendarme, prise en photo à Paris, en train de boire du nectar dans une fleur de bourrache :
Les gendarmes ne s’attaquent pas aux humains, contrairement à d’autres punaises comme les punaises de lit.
Les Pyrrhocoris apterus peuvent-elles voler ?
Le mot latin "apterus" ou aptère en français signifie "qui ne possède pas d’ailes". Ce n’est pas exactement vrai pour le gendarme. Bien que cet insecte soit incapable de voler, il possède une toute petite paire d’ailes vestigiales cachées sous ses hémiélytres. Les hémiélytres sont la première paire d’ailes des punaises et servent à protéger la deuxième paire d’ailes utilisées pour le vol, ainsi qu’à protéger l’abdomen. Sur les photos, on les distingue bien car elles sont colorées en rouge et chacune des hémiélytres possède deux points noirs.
Ces hémiélytres peuvent prendre deux formes chez les Pyrrhocoris apterus. Soit elles sont très courtes et on dit que l’insecte est "brachyptère", soit elles recouvrent presque tout l’abdomen et la punaise est qualifiée de "macroptère". Mais dans les deux cas, ces ailes ne sont pas suffisantes pour lui permettre de prendre son envol.
Sur la photo ci-dessous, on voit bien que même les hémiélytres sont très courtes :
Les punaises gendarmes de l’espèce Pyrrhocoris apterus sont-elles dangereuses ?
Comme l’indiquent généralement les couleurs vives et les motifs nets (aposématisme), ces punaises possèdent des glandes défensives capables de synthétiser différentes molécules toxiques [3]. Ces glandes se trouvent sur l’abdomen chez les larves et à la base des ailes chez les adultes. Elles produisent des composés complexes dont la fonction exacte est mal connue. Il est donc plus prudent de ne pas les toucher et de se laver les mains en cas de contact accidentel avec ces punaises.
Pourquoi ces insectes se regroupent-ils ?
Les pyrrhocores ne sont pas des insectes sociaux [4]. Ils se tolèrent cependant très bien les uns et les autres. Ils se regroupent soit parce qu’ils sont attirés par un endroit chaud au soleil, soit sur les plantes sur lesquelles ils se nourrissent. Comme ils sont très nombreux en automne, il n’est pas rare de les voir rassemblés en d’énormes tas.
Comment distinguer les insectes gendarmes mâles des femelles ?
La distinction n’est pas évidente, en les regardant avec attention de dessus et en s’aidant d’une loupe, il est cependant possible de différencier les punaises mâles et femelles. L’extrémité de l’abdomen des mâles est convexe alors que celui des femelles est concave. Sur l’illustration ci-dessous, on distingue cette différence subtile entre gendarmes mâles et femelles :
Quel est le cycle de vie des gendarmes ?
Avant l’hiver, les gendarmes cherchent à se cacher dans un endroit à l’abri du froid pour pouvoir hiberner. Ils rentrent alors occasionnellement dans les maisons et appartements, bien qu’ils préfèreraient probablement aller sous l’écorce d’un arbre. Si vous trouvez des gendarmes chez vous, récupérez les sur une feuille de papier et rendez-leur leur liberté en les relâchant dans le jardin.
Quand le soleil revient au début du printemps, les femelles pondent plusieurs oeufs qui éclosent et donnent naissance à de petites larves au corps rouge. Après quelques semaines et plusieurs stades larvaires successifs, les larves muent une dernière fois pour prendre leur forme adulte. Elles se reproduisent ensuite deux à deux en se tenant par l’extrémité de l’abdomen. Il leur reste alors quelques mois pour faire des réserves avant d’aller à leur tour se cacher pour passer l’hiver...
Photo de jeunes larves observées à Toulouse :
Comment reconnaître la punaise gendarme ?
On peut confondre le gendarme avec Scantius aegyptius qui vit dans le Sud de la France (mais avec un seul point noir sur les élytres au lieu de deux chez Pyrrhocoris apterus [5]) et avec Oxycarenus lavaterae qui se regroupent aussi sur les arbres dans le Sud (mais possèdent un thorax entièrement noir et des ailes bien développées) ou avec des punaises de la famille des Lygeidae comme la punaise écuyère Lygaeus equestris, les punaises du genre Spilostethus comme Spilostethus pandurus et Spilostethus saxatilis, ou encore avec Arocatus roeselii. Ces dernières possèdent cependant des motifs assez différents, et en particulier les taches ne sont pas aussi rondes que chez Pyrrhocoris apterus.
Une seule autre espèce du genre Pyrrhocoris est présente en France, il s’agit de Pyrrhocoris marginatus. Cette punaise est entièrement noire, il n’y a donc pas de risque de confusion.
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Notes et références
[1] Socha, R. (1993). Pyrrhocoris apterus (Heteroptera)-an experimental model species : a review. Eur. J. Entomol, 90(3), 241-286.
[2] Socha, R. (1988). Pale, an autosomal dominant mutation affecting body pigmentation and embryogenesis in Pyrrhocoris apterus (Heteroptera). Journal of Heredity, 79(2), 131-133.
[3] Farine, J. P., Bonnard, O., Brossut, R., & Le Quere, J. L. (1992). Chemistry of defensive secretions in nymphs and adults of fire bug, Pyrrhocoris apterus L.(Heteroptera, Pyrrhocoridae). Journal of chemical ecology, 18(10), 1673-1682.
[5] Différences entre Scantius aegyptius et Pyrrhocoris apterus sur le site insecte.org, fiche punaise.
Vos commentaires et questions:
Simplement pour vous signaler qu’en 1690, Louis XVI n’était pas né, mais qu’il s’agit bien de Louis XIV. une simple inversion dans les chiffres latins.
Merci beaucoup, je vais retourner dans mes livres d’histoire me rafraîchir un peu la mémoire.
Les couleurs vives signalent souvent un insecte venimeux ou toxique, mais dans le cas du pyrrhocore j’ai passé mon enfance à m’amuser à les faire courir sur mes mains sans jamais avoir de problème d’irritation ou de brûlure quelconque.
Je suppose que l’avertissement rouge et noir concerne plutôt les prédateurs tentés de manger l’insecte, un peu à la façon de la coccinelle, toxique et au goût répugnant réputé très dissuasif.
J’ai vu des gendarmes dévorer tout l’intérieur d’un oiseau mort.
Pourquoi les avoir nommés gendarmes ? Est-ce de l’humour ? En tout cas ce n’est pas sympa pour l’insecte de les comparer à des flics !