La pollinisation par vibration : comment les abeilles pollinisent les tomates
Pollinisation vibratile des plantes à anthères en tubes
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Certaines fleurs, comme les tomates, cachent leur pollen dans des tubes au lieu de faciliter l’accès aux abeilles et autres insectes pollinisateurs. Pour récupérer ce pollen, les abeilles doivent faire vibrer la fleur, ce qui améliore probablement la pollinisation de ces fleurs. Toutes les abeilles ne font pas vibrer les fleurs, l’abeille domestique qui vit dans nos ruches est par exemple incapable de faire vibrer les fleurs. Cependant la pollinisation vibratile ("buzz pollination" en anglais) est très fréquentes chez les abeilles sauvages ou solitaires. Plus de la moitié des espèces d’abeilles sauvages peuvent faire vibrer les fleurs [1].
Pourquoi la pollinisation vibratile est importante ?
De nombreuses plantes de nos champs et jardins potagers doivent obligatoirement ou préférentiellement être pollinisées par des abeilles capables de faire vibrer leurs fleurs. C’est le cas en particulier des fruits et légumes des plantes de la famille des Solanacées. Cela comprends entre autres les pommes de terre, tomates, poivrons, aubergines et piments. En dehors de la famille des Solanacées, on retrouve aussi les kiwi, la canneberge et les bleuets. En tout, 21 familles de plantes comprennent des espèces avec des fleurs similaires à celles des tomates, et qui nécessitent donc de la pollinisation vibratile [2]. Environs vingt mille espèces de plantes nécessitant de la pollinisation vibratile ont été recensées jusqu’à présent [3].
Certaines de ces fleurs peuvent tout de même être pollinisées par l’abeille domestique ou d’autres insectes pollinisateurs incapables de vibrer. Mais la production, en terme nombre de fruits ou de leur taille, augmente de manière importante lorsque ces fleurs sont pollinisées par pollinisation vibratile [1]. Sur la vidéo ci-dessous, on voit clairement des abeilles à bandes bleues du genre Amegilla faire vibrer des fleurs de tomates :
Comment les abeilles utilisent les vibrations pour extraire le pollen
Pour extraire le pollen des fleurs par pollinisation vibratile, les abeilles recourbent leur abdomen autour des anthères (les parties mâles des fleurs qui contiennent le pollen). Les abeilles produisent ensuite des vibrations en contractant rapidement leurs muscles de leur thorax. Ces vibrations, généralement à haute fréquence, sont produites à de courts intervalles que l’on peut entendre sous forme de bourdonnements aigus. Différentes espèces d’abeilles produisent différentes vibrations, et certaines abeilles peuvent même contrôler leur fréquence pour optimiser la collection du pollen en fonction des fleurs [4].
Les abeilles utilisent ces vibrations pour accéder au pollen enfermé à l’intérieur de structures florales spécifiques appelées anthères poricidales. Contrairement aux anthères traditionnels qui s’ouvrent en long ou large pour libérer le pollen, les anthères poricidales n’expulsent le pollen que par de petits pores à leurs extrémités. Les vibrations secouent efficacement le pollen de ces anthères, le faisant tomber. Il est alors collecté par les abeilles qui ont souvent des poils sur leurs pattes et sous l’abdomen. Dans de nombreux cas, la pollinisation par vibration est la seule méthode efficace pour libérer le pollen de telles anthères spécialisées.
Le pollen tombe généralement sur le corps de ces abeilles à différents endroits. C’est pour cela que beaucoup d’espèces d’abeilles sont très poilues, pour pouvoir attraper le plus de grains de pollen possible. En visitant d’autres fleurs, elles laisseront toujours un peu de pollen sur les pistils collants de ces fleurs. Elles utilisent ensuite des structures en forme de peignes présentes sur leurs pattes pour rassembler les grains de pollen restant. Ce pollen, une fois rassemblé, est donné aux larves ou stocké par les abeilles.
Quel est l’avantage de la pollinisation vibratile pour les plantes ?
La pollinisation vibratile a probablement évolué pour limiter les pertes de pollen pour les plantes [2]. En effet, certaines abeilles gardent le pollen accrochées à leurs pattes de manière un peu trop efficace. Par exemple, l’abeille domestique Apis mellifera est capable de compacter le pollen sur les corbeilles de ses pattes arrières qui sont équipées de longs poils. Les abeilles domestiques ne perdent donc que que très peu de pollen lorsqu’elles visitent des fleurs, ce qui signifie que très peu de grains de pollen finissent sur les pistils des autres fleurs. Pire encore, d’autres insectes dévorent le pollen directement sur les fleurs et ne bougent souvent pas d’une fleur une fois qu’ils en ont trouvé une. Ces insectes, souvent des coléoptères, ne contribuent que peu ou pas du tout à la pollinisation, et empêchent les autres abeilles de collecter ce pollen.
Pour les plantes, enfermer le pollen dans des tubes et le rendre difficile d’accès semble aider à conserver le pollen pour s’assurer qu’il soit dispensé efficacement et ne finissent pas juste dans la bouche d’un insecte mangeur de pollen.
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Notes et références
[1] Cooley, H., & Vallejo-Marín, M. (2021). Buzz-pollinated crops : a global review and meta-analysis of the effects of supplemental bee pollination in tomato. Journal of Economic Entomology, 114(2), 505-519.
[2] De Luca, P. A., & Vallejo-Marín, M. (2013). What’s the ‘buzz’about ? The ecology and evolutionary significance of buzz-pollination. Current opinion in plant biology, 16(4), 429-435.
[3] Pritchard, D. J., & Vallejo-Marín, M. (2020). Buzz pollination. Current Biology, 30(15), R858-R860.
[4] Vallejo-Marín, M. (2022). How and why do bees buzz ? Implications for buzz pollination. Journal of Experimental Botany, 73(4), 1080-1092.