Guide : Interrompre la ponte des abeilles pour lutter contre le Varroa

Apiculture, abeilles et Varroa, méthodes non chimiques de lutte contre le Varroa

Varroa destructor est un acarien parasite de l’abeille, invasif en Europe et venu d’Asie maintenant communément appelé "varroa" par les apiculteurs. Voici un guide pour les apiculteurs expliquant quelles sont les différentes techniques pour contrôler le varroa en interrompant la ponte ou en retirant des cadres de couvain.

Le varroa se nourrit des corps gras des larves d’abeilles. Ces corps gras contiennent de l’énergie et détoxifient leur organisme, ce qui aide les larves d’abeilles à bien se développer. Quand le varroa mange ces corps gras, il prend donc l’énergie des larves et affecte leur santé. En plus, le varroa transmet de nombreux virus qui sont parfois mortels pour les abeilles. Pour cette raison, les apiculteurs doivent généralement contrôler le varroa à l’aide de pesticides appelés acaricides. Ces produits ont aussi des effets négatifs sur les abeilles et de nombreux chercheurs et apiculteurs essaient de trouver des alternatives à ces produits coûteux.

Récemment, des recherches conduites en Europe par une équipe internationale de chercheurs et d’apiculteurs [1] suggèrent qu’empêcher les reines de pondre pendant quelques temps ou retirer une partie des larves d’abeilles au printemps ou en été pourrait aider à lutter contre le varroa en utilisant moins de pesticides.

Si il n’y a plus de larves d’abeilles, la population de varroa ne peut plus grandir car il n’y a plus de nourriture. L’idée des scientifiques est que certes, en stoppant temporairement la ponte de la reine, le développement de la ruche va aussi être affecté, mais les varroas le seront encore plus.

Il est même possible de piéger les femelles varroas adultes avec certaines de ces techniques. Les larves d’abeilles se développent très vite, car les abeilles les maintiennent au chaud. Un œuf d’ouvrière met trois à quatre jours à éclore, au neuvième jour la larve ferme la cellule dans laquelle elle se trouve et se transforme en nymphe puis devient une abeille au bout de 21 jours (les oeufs, larves et nymphes sont parfois appelés "couvain"). Les larves de mâles abeilles se développent un peu plus lentement et mettent 24 à 25 jours à éclore. Les varroas femelles rentrent dans les cellules au bout du 5ème jour (ou 7eme jour pour les larves de mâles d’abeilles) puis pondent leurs oeufs après que la larve d’abeille ait fermé la cellule [2]. Cela veut dire que les varroas femelles se retrouvent toutes piégées dans les cellules des larves d’abeilles, avec leurs oeufs, pour plusieurs jours.

Voici 4 méthodes différentes pour piéger le varroa sur des cadres, ou faire dégringoler leur population en empêchant la reine de pondre pendant quelques jours.

Méthode 1 : enlever toutes les larves d’abeilles

Cette méthode simple nécessite que l’apiculteur enlève tous les cadres contenant du couvain d’abeilles à l’exception d’un unique cadre contenant des larves. Le cadre contenant des larves est laissé 9 jours puis retiré, il est utilisé comme piège puisque c’est le seul cadre sur lequel les femelles varroas vont être attirées pour pondre leurs oeufs. Ce cadre contient alors beaucoup de varroa et il doit être congelé pour les tuer. Cette méthode est simple et ne nécessite pas de traitement chimique ni de trouver la reine, mais nécessite d’enlever tout le couvain de la ruche. Le couvain retiré peut être détruit et congelé ou placé dans une autre ruche où il pourra éclore et sera adopté par cette colonie d’abeilles. Cette deuxième ruche sera alors contaminé par les varroas de la première colonie mais pourra être traitée contre le varroa plus tard, avec une autre méthode.

Méthode 2 : utiliser plusieurs cadres de couvain piège pour capturer les varroas

Cette méthode est plus compliquée mais sauvegarde plus de couvain. Au premier jour, la reine est placée dans une grande "cage" qui contient un seul cadre de cire. La reine ne pond que sur ce cadre pendant 9 jours. Les larves de tous les autres cadres de la ruche ferment leurs cellules progressivement. Au bout de 9 jours, seul le cadre sur lequel la reine a été piégée a encore des larves avec des cellules ouvertes dans lesquelles les varroas femelles peuvent aller pondre des oeufs. Et donc, tous les nouveaux oeufs de varroas se trouvent uniquement sur ce cadre. Mais de nouveaux varroas peuvent continuer à éclore des autres cadres laissés dans la ruche. L’apiculteur ou l’apicultrice doit donc recommencer l’opération et déplace la reine sur un autre cadre au bout de 9 jours, tout en laissant le premier cadre 9 jours de plus afin que les derniers oeufs d’abeilles se transforment en larve et que les larvent enferment les femelles Varroa et leurs oeufs avec celles. L’apiculteur retire alors ce premier cadre "piège" qui a capturé tous les oeufs au bout de 18 jours. L’apiculteur ou l’apicultrice répète cette opération trois fois en tout, en piégeant la reine sur un nouveau cadre a chaque fois, qui est laissé 18 jours puis retiré et congelé pour tuer le varroa.

C’est un peu difficile à suivre, alors voilà les étapes en résumé :
Jour 1 : la reine est placée et enfermée sur le cadre piège 1.
Jour 9 : la reine est placée et enfermée sur le cadre piège 2.
Jour 18 : la reine est placée et enfermée sur le cadre piège 3 ; le cadre piège 1 est retiré de la ruche (et généralement congelé pour tuer les varroas et leurs oeufs, ce qui tue malheureusement aussi les larves d’abeilles)
Jour 27 : la reine est libérée pour de bon ! et le cadre piège 2 est retiré et congelé.
Jour 35 : le cadre piège 3 est retiré et congelé, fin de l’opération.

Au bout de 27 jours, la reine est libérée, elle recommence à pondre, et presque toutes les femelles varroas et leurs oeufs ont été capturés. Pendant que la reine était piégée, les abeilles ont continué à amasser de la nourriture pour leurs larves et contient généralement plusieurs cadres de pollen et la colonie d’abeille peut recommencer à se développer très rapidement.

Le marquage des reines est recommandé pour la mise en place de cette méthode qui demande une capture fréquente de la reine.

Méthode 3 : encager la reine pour bloquer la ponte et traiter à l’acide oxalique pour contrôler le varroa

Les premières et deuxièmes méthodes demandent beaucoup d’efforts aux apiculteurs et apicultrices, et ouvrir la ruche et manipuler la reine aussi souvent peut être risqué pour la colonie. Certains préfère alors simplement placer la reine dans une petite cage avec des ouvertures suffisamment grandes pour que les abeilles puissent toujours la nourrir et la nettoyer. Pour cela, la reine est placée dans cette petite cage pendant 25 jours, ce qui signifie qu’il n’y a plus de larves d’abeilles pendant environs 17 jours et que les varroas ne peuvent plus pondre durant ce temps. Après 25 jours, toutes les abeilles auront éclot et il n’y aura plus aucune cellule fermée, les varroas ne pourront donc plus non plus se cacher dans des cellules fermées, et seront tous exposés aux traitements chimiques de la ruche. Au bout de 25 jours donc, la reine peut être relâchée, et un traitement à l’acide oxalique est effectué (5mL à 4.2% par cadre occupé par les abeilles). Cet acide naturellement présent dans les betteraves, la rhubarbe et l’oseille est utilisé en apiculture car il est déjà naturellement présent dans le nectar de nombreuses plantes et donc dans le miel, et ne semble pas laisser de résidus dans la ruche [3]. Le traitement tue la plupart des varroas présents dans la ruche. Il n’y a pas de couvain, ce qui signifie que les varroas ne peuvent pas se cacher dans des cellules operculées et sont donc tous exposés à l’acide formique. La reine est libérée, les abeilles ont accumulé du pollen et n’ont plus de varroas et la colonie d’abeille peut donc recommencer à grandir.

Placer la reine dans une cage n’est pas sans risque, les reines peuvent être perdues ou abîmées. Il faut donc être prudent lors de ces manipulations, et souvent prévoir des reines de remplacement en cas de pertes.

Méthode 4 : utiliser un seul cadre de couvain piège, encager la reine et traiter à l’acide oxalique pour contrôler le varroa

Cette méthode est un mélange des méthodes 2 et 3. La reine est enfermée sur un cadre pendant 20 jours. Après 20 jours, le cadre est retiré, il contient une grande partie des varroas de la ruche mais pas tous car il reste d’autres cadres dans la ruche avec des cellules contenant du varroa, et notamment des cellules d’abeilles mâles qui mettent 24 jours à éclore (ceux-ci peuvent être régulièrement découpés des cadres et retirés de la ruche). La reine est déplacée dans une petite cage au 20ème jour et au 25ème jour, lorsque toutes les abeilles y compris les mâles ont éclot, la reine est libérée un traitement à l’acide oxalique est effectué (5mL à 4.2% par cadre occupé par les abeilles).

Laquelle de ces méthodes pour contrôler le varroa est-elle la meilleure ?

Les chercheurs suggèrent que toutes ces méthodes sont aussi efficaces les unes que les autres. Les apiculteurs ont donc le choix entre des méthodes plus ou moins rapides et utilisant ou non de l’acide oxalique. Le choix doit se faire principalement en fonction du temps que l’apiculteur ou l’apicultrice peut passer sur ses ruches, et de la volonté ou non d’utiliser un traitement chimique.

Les méthodes 1 et 2, consistant à enlever tout le couvain ou à piéger les varroas sur trois cadres n’utilisent pas de traitement chimique, contrairement aux méthodes 3 du piégeage sur un cadre avec traitement, ou à la méthode 4 de l’encagement de la reine avec traitement.

La méthode 1 qui consiste à enlever tout le couvain, ne nécessite pas de trouver la reine mais tout le couvain doit être détruit. La méthode 3 de l’encagement de la reine nécessite seulement de trouver la reine. Ces deux méthodes sont plus rapides et ne nécessitent pas de cages à cadres qui peuvent être difficiles à installer.

Les méthodes plus rapides seront probablement préférées par de nombreux apiculteurs car elles évitent de laisser les ruches ouvertes trop longtemps, ce qui peut attirer les abeilles d’autres ruches aux alentours qui en profitent pour voler du miel.

Ce qui est rassurant, c’est que toutes ces méthodes semblent être efficaces et sans danger particulier pour les reines, sauf en cas de mauvaises manipulations. Les scientifiques indiquent qu’aucune des reines qu’ils avaient placé dans les cages n’est morte durant leur expérience et que toutes les reines se sont remises à pondre normalement après le traitement. Les pertes en couvain dues à ces méthodes seraient compensées par les ruches après deux mois, car en l’absence de varroas les colonies d’abeilles se développent plus rapidement. Ces méthodes sont plus efficace si elles sont appliquées au printemps ou au début de l’été [1]. La seule impasse de leur étude est sur la production de miel, les chercheurs et chercheuses n’ont pas pu mesurer avec précision l’effet de ces méthodes sur la production de miel. Il faut dire que cela semble difficile à faire avec 370 ruches réparties dans 10 pays !

Les apiculteurs et apicultrices qui souhaiteraient utiliser ces techniques doivent donc ouvrir l’œil et surveiller la production de miel lorsqu’ils utilisent ces différentes méthodes. En attendant que d’autres techniques comme le traitement des varroas à la chaleur (hyperthermie) ou que des souches d’abeilles résistantes au varroa soient développées, il existe d’autres bonnes pratiques apicoles pour améliorer la santé des abeilles.


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Notes et références

[1Buchler, R., Uzunov, A., Kovaic, M., Pre¡ern, J., Pietropaoli, M., Hatjina, F., ... & Nanetti, A. (2020). Summer brood interruption as integrated management strategy for effective Varroa control in Europe. Journal of Apicultural Research, 59(5), 764-773.

[2Rami­rez B, W., & Otis, G. W. (1986). Developmental phases in the life cycle of Varroa jacobsoni, an ectoparasitic mite on honeybees. Bee world, 67(3), 92-97.

[3Rademacher, E., & Harz, M. (2006). Oxalic acid for the control of varroosis in honey bee colonies:a review. Apidologie, 37(1), 98-120.



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