Une larve de mouche en forme de limace qui se nourrit d’oeufs de fourmis
Diptera ; Syrphidae ; Microdon analis, Microdon myrmicae
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Les Microdon adultes ressemblent à de simples mouches, même si leur aspect général rappelle de loin un bourdon ou une abeille. Mais ce n’est pas aussi simple avec leurs larves : celles-ci sont en forme de dômes, ce qui est plutôt inhabituel chez les insectes. D’ailleurs, les premiers scientifiques qui ont trouvé ces larves les ont décrites comme étant des mollusques, à cause de leur ressemblance avec les limaces [1].

Pourquoi ne trouve-t-on des larves de Microdon que dans les fourmilières ? Car celles-ci ont un cycle un peu particulier : comme les chenilles de certains papillons, elles se nourrissent de larves de fourmis.

Les femelles adultes de Microdon repèrent les colonies de fourmis hôtes grâce à des molécules que ces fourmis émettent [2], puis pondent leurs oeufs à l’entrée des nids de fourmis. Les oeufs sont probablement recouverts d’un camouflage chimique qui leur évite de se faire attaquer par les fourmis. Ce camouflage serait extrêmement spécifique : si les oeufs pondus à un endroit sont déplacés à l’entrée d’une colonie de fourmis de la même espèce, mais plus éloignée du lieu de ponte, le camouflage ne fonctionne plus et les oeufs se font attaquer par les fourmis [3] ! Les larves éclosent au bout de quelques jours et s’infiltrent dans le nid des fourmis hôtes, jusqu’aux salles contenant du couvain. Elles dévorent alors les oeufs et les jeunes larves des fourmis, et se développent ainsi durant deux années au sein de la colonie hôte [4].

De manière surprenante, des scientifiques ont récemment montré que la présence de ces mouches parasites au sein des colonies de fourmis pouvait, à court terme, être bénéfique... aux fourmis [5] ! Et aussi aux microdons qui favoriseraient ainsi leurs hôtes les plus vulnérables... [4] En effet, pour produire des fourmis "princesses" capables de fonder de nouvelles colonies, les fourmis nourrissent de manière différente certaines larves. Cette observation repose sur l’hypothèse que le développement d’une larve de fourmi, soit en ouvrière, soit en princesse, repose sur la quantité de nourriture qu’elle reçoit. Si les Microdon dévorent les jeunes larves de fourmis pour se nourrir, alors la quantité de nourriture disponible pour les larves restantes augmente : plus de larves sont mieux nourries et finissent par se développer en princesses.
Mais ce manque d’ouvrières pourrait bien avoir des conséquences négatives au long terme : le développement de la fourmilière est ralentit et la colonie pourrait finir par disparaître. Il est donc possible qu’une colonie de fourmis parasitée produise globalement moins de princesses qu’une colonie non parasitée.

L’appendice brun-orangé que l’on distingue sur la larve est un organe respiratoire, la tête se trouve de l’autre côté, cachée sous le corps (voir photo ci-dessus). Il existe quelques espèces du genre Microdon en France [6], dont Microdon myrmicae et Microdon analis qui sont présentés en photo dans cet article. Ces insectes sont rares, et comme les autres espèces parasites, sont difficiles à conserver [7].
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Notes et références
[1] Wheeler, W. M. (1908). Studies on myrmecophiles. III. Microdon. Journal of the New York Entomological Society, 202-213.
[2] Schanrogge, K., Napper, E. K., Birkett, M. A., Woodcock, C. M., Pickett, J. A., Wadhams, L. J., & Thomas, J. A. (2008). Host recognition by the specialist hoverfly Microdon mutabilis, a social parasite of the ant Formica lemani. Journal of chemical ecology, 34(2), 168-178.
[3] Elmes, G. W., Barr, B., Thomas, J. A., & Clarke, R. T. (1999). Extreme host specificity by Microdon mutabilis (Diptera : Syrphiae), a social parasite of ants. Proceedings of the Royal Society of London. Series B : Biological Sciences, 266(1418), 447-453.
[4] Schanrogge, K., Wardlaw, J. C., Thomas, J. A., & Thomas, G. W. (2000). Polymorphic growth rates in myrmecophilous insects. Proceedings of the Royal Society of London. Series B : Biological Sciences, 267(1445), 771-777.
[5] Thomas Hovestadt, Jeremy A. Thomas, Oliver Mitesser, Graham W. Elmes, Karsten Schanrogge (2012) Unexpected Benefit of a Social Parasite for a Key Fitness Component of Its Ant Host. The American Naturalist 179 : 110-123.
[6] Voir Dussaix C., 2014 - Syrphidae européennses (DIPTERA, SYRPHIDAE), sur le site de Cyrile Dussaix.
[7] Schanrogge, K., Barr, B., Wardlaw, J. C., Napper, E., Gardner, M. G., Breen, J., ... & Thomas, J. A. (2002). When rare species become endangered : cryptic speciation in myrmecophilous hoverflies. Biological Journal of the linnean Society, 75(3), 291-300.