Fourmis et plantes
Nectaires extrafloraux, myrmécophilie, myrmécochorie.

La Myrmécochorie
Il existe en France de nombreuses espèces de plantes, les plus courantes sont les violettes (Viola spp) [1] et la chélidoine (Chelidonium majus) [2], qui ont besoin ou peuvent utiliser des fourmis pour disperser leurs graines [3].

Les graines de ces plantes dites myrmécochores sont pourvues d’une partie charnue composée essentiellement de lipides [4] et appelée élaiosome (parfois orthographié "éléosome").

Cet élaiosome attire fortement les fourmis [5], qui prennent la graine et la ramènent directement au nid. Les fourmis ne mangent que l’élaiosome mou et laissent la graine intacte, protégée dans sa coque solide.

Les fourmis jettent ensuite la graine hors du nid, souvent sur une de leurs "décharges" ou dans une salle proche de la surface où elles accumulent les déchets. La graine aura alors profité de la protection des fourmis [6], aura été dispersée et éloignée de la plante mère [7], puis déposée sur un sol probablement remué et plein de nutriments favorable à sa germination et à sa croissance.

Cette technique de dispersion des graines par les fourmis s’appelle la myrmécochorie (la zoochorie étant le transport des graines par les animaux).
La Myrmécophilie

Pour voir des fourmis aller sur des plantes myrmécophiles, il n’y a pas forcément besoin de s’isoler dans la jungle amazonienne. Le pêcher de votre jardin est probablement myrmécophile : certaines plantes communes dans les jardins ont en effet coévolué avec les fourmis, ce qui leur permet d’être protégées [8] :

Ainsi, si vous observez la base des feuilles de certains arbres (pêcher [9], cerisier [10],...) et plantes du potager comme les fèves vous pourrez voir des petites excroissances vertes ou rouges qui sont des glandes à nectar, ou nectaires extrafloraux. Ces glandes produisent donc le même nectar que les fleurs, mais hors des fleurs.

Vidéo de fourmis Plagiolepis taurica, sur les nectaires extrafloraux du sureau Sambucus racemosa :
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Ces mêmes Plagiolepis taurica, sur les nectaires extrafloraux du sureau Sambucus racemosa en photo. Le nectaire est peu visible, situé sur les tiges au niveau de l’insertion des pétioles. Il est difficile de repérer ces nectaires extrafloraux verts et petits : une Plagiolepis taurica mesure environ 1mm !



Les fourmis sont attirées par le liquide sucré produit par ces glandes, et donc également attirées par la plante qui le produit.
Mais votre cerisier n’est pas insectivore, tout ce qu’il obtient des fourmis est une protection. En offrant le nectar sucré aux fourmis, il s’assure que celles-ci seront présentes en permanence sur ses branches et ses feuilles et le protégeront [11].
Sur la photo suivante, on peut observer Lasius neglectus, une espèce de fourmis invasives, qui se nourrit sur les nectaires extrafloraux de laurier cerise (Prunus laurocerasus) qui sont situés sous les feuilles.

Les fourmis ne laisseront pas cette source de nourriture se faire attaquer par un parasite. En effet, elles sont plus nombreuses sur la plante puisqu’elles sont attirées par le nectar. Et lorsqu’elles croisent une chenille ou un insecte phytophage, il est attaqué et éventuellement tué, puis ramené à la fourmilière.
Ci-dessous, une fourmi du genre Myrmica se nourrit du nectar produit par la balsamine (Impatiens glandulifera), une plante à fleurs roses considérée comme invasive dans certains endroits. Les nectaires se trouvent sur les bords des feuilles, sous forme de petits bâtonnets souvent plus nombreux à la base de la feuille. Ils peuvent être légèrement rouges à l’extrémité.

Pour certains, la présence des fourmis aurait pu n’être à la base qu’une conséquence des nectaires extrafloraux qui permettent également le développement d’une flore bactérienne jouant un rôle d’un autre niveau dans la protection des feuilles.

Les macrophotographies suivantes permettent donc de faire ressortir les associations entre fourmis et plantes, on voit en effet que les fourmis marquent une pose pour boire le nectar produit par la plante.

Une plante myrmécophile est une plante qui essaye d’attirer les fourmis. Visiblement, c’est réussit pour ce pêcher :

Un cerisier sauvage a attiré des fourmis du genre Formica, probablement Formica rufibarbis :


Les relations entre plantes et fourmis sont très vastes, les plus jardiniers d’entre vous seront aussi intéressés par l’article les fourmis sur les plantes au jardin ! Cet article est agrégé au site du Café des Sciences.
Références
[1] Culver, D. C., & Beattie, A. J. (1978). Myrmecochory in Viola : dynamics of seed-ant interactions in some West Virginia species. The journal of Ecology, 53-72.
[2] Gorb, E., & Gorb, S. (2000). Effects of seed aggregation on the removal rates of elaiosome-bearing Chelidonium majus and Viola odourata seeds carried by Formica polyctena ants. Ecological Research, 15(2), 187-192.
[4] Fokuhl, G., Heinze, J., & Poschlod, P. (2012). Myrmecochory by small ants : Beneficial effects through elaiosome nutrition and seed dispersal. Acta Oecologica, 38, 71-76.
[5] Giladi, I. (2006). Choosing benefits or partners : a review of the evidence for the evolution of myrmecochory. Oikos, 112(3), 481-492.
[6] Manzaneda, A. J., Fedriani, J. M., & Rey, P. J. (2005). Adaptive advantages of myrmecochory : the predator avoidance hypothesis tested over a wide geographic range. Ecography, 28(5), 583-592.
[7] Andersen, A. N. (1988). Dispersal distance as a benefit of myrmecochory. Oecologia, 75(4), 507-511.
[8] Rogers, C. E. (1985). Extrafloral nectar : entomological implications. Bulletin of the ESA, 31(3), 15-20.
[9] Mathews, C. R. (2004). Role of peach [Prunus persica (L.) Batcsh] extrafloral nectaries in mediating natural enemy-herbivore interactions (Doctoral dissertation).
[10] Tilman, D. (1978). Cherries, ants and tent caterpillars : timing of nectar production in relation in relation to susceptibility of catepillars to ant predation. Ecology, 59(4), 686-692.
[11] Mathews, C. R., Brown, M. W., & Bottrell, D. G. (2007). Leaf extrafloral nectaries enhance biological control of a key economic pest, Grapholita molesta (Lepidoptera : Tortricidae), in peach (Rosales : Rosaceae). Environmental entomology, 36(2), 383-389.