La loque américaine : maladie grave de l’abeille

Paenibacillus larvae, détection, contrôle, traitement et prévention

La loque américaine est une maladie grave du couvain des abeilles domestiques. Cette maladie est soumise à des règlementations strictes dans la plupart des pays, y compris en France.

Qu’est-ce que la loque américaine ?

La loque américaine est une maladie causée par la bactérie Paenibacillus larvae. Cette bactérie infecte les larves d’abeilles et fabriquent de nombreuses spores extrêmement infectieuses.

Les larves sont contaminées par des abeilles nourricières ayant au préalable été au contact de spores. Il suffit de quelques spores pour infecter les jeunes larves qui sont les plus vulnérables. Celles-ci ingèrent les spores, qui germent dans leur intestin [1]. La bactérie se multiplie rapidement après que l’operculation des cellules. Les larves mortes deviennent des écailles sèches que les abeilles ne peuvent généralement pas retirer car elles sont collées aux cellules. Ces écailles produisent des milliards de spores qui contaminent la ruche [2].

Le couvain meurt généralement au stade pré-nymphal ou nymphal, lorsque les larves commencent leur transition en abeille adultes et ferment l’opercule de leur cellule. Ces infections finissent par affecter la plupart des larves, affaiblissant considérablement la colonie et finalement la tuant. La maladie ne peut pas être guérie, ce qui signifie que la destruction des colonies et des ruches infectées ou l’irradiation du matériel infecté sont les seules façons de gérer la loque américaine.

Le cycle de la maladie implique une propagation rapide des spores dans la ruche. La maladie affaiblit la colonie, la rendant vulnérable au pillage. Les abeilles pilleuses transportent les spores vers leur propre colonie qui finit aussi par mourir, et ainsi de suite.

Comment diagnostiquer la loque américaine ?

Les ruches avec des infections très avancées ont généralement de nombreuses cellules dont les opercules sont grignotés par les abeilles, qui essaient de les vider pour les nettoyer. Les opercules prennent aussi une forme concave ou affaissée, avec parfois une apparence mouillée ou huileuse. Des restes de larves s’accumulent contre la paroi basse des cellules et une "langue d’abeille" est parfois visible en travers de la cellule [3]. La loque américaine émet parfois une très mauvaise odeur de soufre qui peut vous aider à la repérer rapidement (cependant, du couvain plâtré humide sur la planche de vol peut aussi émettre une odeur nauséabonde dans la ruche), mais ce n’est pas toujours le cas.

Un des meilleurs diagnostic et le test de la brindille ou test de l’allumette [4]. Lors de votre inspection, repérez un cadre avec du couvain de couleur brune ou blanc jaunâtre et des cellules aux opercules grignotés. Sélectionnez une cellule avec une larve morte ou suspecte et plongez-y une petite brindille ou le bout en bois d’une allumette. Touillez quelques secondes puis retirez doucement la brindille : si un filament brun se forme et dure jusqu’à 3-5cm de distance depuis la cellule infectée, vous avez probablement affaire à la loque américaine.

Des tests diagnostiques assez similaires à ceux utilisés pour le covid sont également parfois disponibles en magasin d’apiculture. Des échantillons peuvent aussi être prélevés pour analyses en laboratoire, la bactérie étant reconnaissable au microscope, ou par identification génétique [3].

La loque américaine peut être confondue avec ces maladies :

  • La loque Européenne : elle tue généralement les larves avant qu’elles ne soient operculées. Parfois la loque Européenne produit aussi des filaments lors du test de la brindille mais ils ne s’étirent pas sur plus de 1,5cm depuis la cellule infectée et sont généralement de couleur gris-jaune. Seul un diagnostic dans un laboratoire agrée pourra vous aider à distinguer ces deux maladies à coup sûr.
  • Le virus du couvain sacciforme : la larve meurt avec sa tête relevée de manière caractéristique vers le haut de la cellule et étirée sur le dos dans la cellule (en forme de banane). Les larves ne se décomposent pas et forment un sac translucide qui semble être rempli d’eau
  • Le couvain plâtré : les larves deviennent plâtreuses, blanches ou noires et dures à la fin de l’infection.

Comment protéger ses ruches contre la loque américaine ?

La prévention est la seule défense disponible en Europe pour la protection des colonies. Les spores de la loque américaine peuvent rester viables pendant plus de 50 ans et sont très résistantes au gel et aux températures élevées. Par conséquent, la seule façon de gérer la maladie est d’empêcher les infections en adoptant les meilleures pratiques de gestion apicole, et si une épidémie de loque américaine se produit, il est crucial de la traiter rapidement avant que d’autres colonies ne soient infectées. Maintenez de bonnes pratiques apicoles, telles que la désinfection du matériel apicole entre les ruches, l’inspection minutieuse des ruches avant d’effectuer des transferts de cadres ou de matériel, et avant la création d’essaims.

Le pillage est la principale raison pour laquelle les colonies attrapent la loque américaine : si vos ruches ont faim, elles vont chercher à voler le miel d’autres ruches. Les ruches ou les colonies sauvages contaminées par la loque américaine sont souvent faibles et sont des cibles parfaites pour le pillage des ruches. Suivez les bonnes pratiques contre le pillage des ruches pour éviter la contamination de vos ruches.

La transmission entre ruches est aussi souvent due aux comportements de dérive des abeilles [2]. Espacez vos ruches et donnez des repères aux abeilles pour éviter qu’elles ne rentrent dans une ruche qui n’est pas la leur, cela évitera les contaminations.

Que faire en cas de loque américaine ?

Il n’existe pas de traitement autorisé en Europe pour traiter la loque américaine. Aux États-Unis, des traitements antibiotiques sont parfois autorisés mais ils ne tuent pas les spores et ces pratiques augmentent la contamination et les réservoirs de la maladie.

Contactez un syndicat d’apiculture ou un rucher école pour demander des conseils sur les bonnes pratiques pour éliminer la colonie et traiter ou détruire l’équipement contaminé. Généralement, les ruches sont fermées le soir une fois que toutes les abeilles y sont rentrées et euthanasiées (en utilisant par exemple du dioxyde de soufre). Les ruches, cadres, corps, hausses, abeilles mortes et parfois le matériel apicole sont ensuite incinérées.

Les colonies avec de faibles infections et assez fortes pour pouvoir guérir, sont parfois transvasées [5] et survivent parfois [6]. Cela doit se faire sous supervision et avec l’accord des services vétérinaires. En France, la loque américaine est une maladie soumise à réglementation, faisant partie des maladies réputées contagieuses (MRC) énumérées à l’article D223-21 du code rural. Il est obligatoire de remplir une déclaration pour les autorités sanitaires et vétérinaires. Il faut alerter la Direction Départementale en charge de la Protection des populations (DDecPP) et envoyer des échantillons du couvain suspect à un laboratoire agrée pour analyse de confirmation. Cette déclaration entraîne normalement la mise en place de mesures visant à assainir et à contenir la propagation de la maladie y compris généralement la visite d’un inspecteur apicole. La réglementation peut être difficile à comprendre et les services sanitaires français changent malheureusement régulièrement de nom. Vous rapprocher d’un apiculteur expérimenté ou d’un rucher école vous évitera probablement de vous arracher les cheveux face à votre ordinateur. L’inspecteur sanitaire apicole pourra vérifier les ruches environnantes et suggérer des mesures à prendre pour contrôler l’infection. En Belgique, cette déclaration se fait auprès de l’ULC.

Lors d’un transvasement de colonie, tout le matériel, et en particulier les cadres y compris les cadres de couvain, doivent être détruits (généralement incinérés [2]). L’ensemble du matériel qui était en contact avec les colonies doit être désinfecté ou détruit (hausses, corps, grille à reine, réducteur, planche de vol, toits, vareuse, lève-cadre, etc...). La désinfection de l’équipement ne contenant pas de cire peut être faite en brulant la surface du matériel avec un chalumeau ou par nettoyage à la soude caustique (6%). Bien sûr, la destruction du matériel ou sa décontamination présente des risques liés à la manipulation du feu et de liquide caustique, assurez-vous d’opérer avec beaucoup de précautions et en suivant les réglementations de votre département.

Un apiculteur brûle ou incinère des corps de ruches et des cadres de couvain infectés par la loque américaine.
Un apiculteur brûle ses ruches après avoir euthanasié ses abeilles, infectées par la loque américaine
Jrmgkia CC BY-SA 3.0 DEED

Le miel peut être extrait avant que les cadres ne soient brûlés mais assurez-vous que les abeilles ne puissent avoir aucun contact avec le matériel, le miel et les eaux de lavage. Le miel peut être consommé par les humains mais ne doit pas être donné aux abeilles. Le matériel d’extraction doit ensuite être complètement lavé et décontaminé.

Contacter un rucher école local ou suivre les conseils d’un apiculteur expérimenté est toujours la meilleure décision en cas de loque américaine.

Dans certains pays, l’irradiation aux rayons gammas peut être utilisée pour irradier les spores et conserver l’équipement [7], mais cette méthode semble être peu ou pas développée en France.


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Notes et références

[1Genersch, E. (2010). American Foulbrood in honeybees and its causative agent, Paenibacillus larvae. Journal of invertebrate pathology, 103, S10-S19.

[2Ratnieks, F. L. (1992). American foulbrood : the spread and control of an important disease of the honey bee. Bee World, 73(4), 177-191.

[3De Graaf, D. C., Alippi, A. M., Brown, M., Evans, J. D., Feldlaufer, M., Gregorc, A., ... & Ritter, W. (2006). Diagnosis of American foulbrood in honey bees : a synthesis and proposed analytical protocols. Letters in applied microbiology, 43(6), 583-590.

[4Photo d’en-tête Tanarus CC BY-SA 3.0 DEED

[5Fiche ANSES La loque américaine, consulté le 10/01/2024.

[6Pernal, S. F., Albright, R. L., & Melathopoulos, A. P. (2008). Evaluation of the shaking technique for the economic management of American foulbrood disease of honey bees (Hymenoptera : Apidae). Journal of economic entomology, 101(4), 1095-1104.

[7Simone-Finstrom, M., Aronstein, K., Goblirsch, M., Rinkevich, F., & de Guzman, L. (2018). Gamma irradiation inactivates honey bee fungal, microsporidian, and viral pathogens and parasites. Journal of invertebrate pathology, 153, 57-64.



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