Quelle est l’origine des cerveaux chez les arthropodes ?
Le problème de la tête des (pan)arthropodes.
Accueil / Petits animaux, insectes / Les insectes dans l’actualité
Les arthropodes forment un embranchement des invertébrés qui comprennent entre autres, les araignées, crustacées, insectes et mille-pattes. Ils sont apparus durant le Cambrien, il y a au moins 521 millions d’années, date du premier fossil connu de trilobite [1]. Parmi les premiers arthropodes connus on retrouve les lobopodes, sortes de vers composés d’anneaux articulés qui ressemblent un peu à nos mille-pattes modernes et sont proches des onycophores (vers de velours). Les lobopodes sont éteints et n’existent aujourd’hui que sous la forme de fossiles.
Ces fossiles sont importants : pendant des années les scientifiques ont débattu de l’origine des cerveaux chez les arthropodes. Les lobopodes sont suspectés d’être les premiers arthropodes ayant un vrai cerveau. La plupart des invertébrés n’ont en effet que des ganglions, sortes d’amas de neurones, dispersés dans leur corps et dont la fonction est principalement de coordonner leurs mouvements et quelques réflexes. Ces ganglions sont séparés les uns des autres et font partie du système nerveux ventral. D’autres arthropodes, en particulier les insectes comme l’abeille, ont un vrai cerveau fait de différentes régions fusionnées entre elles et qui ont différentes fonctions. Les abeilles par exemple, ont une mémoire, des lobes visuels qui leurs permettent d’analyser les images complexes formées par leurs yeux, et un complexe central qui intègre toute cette information pour prendre de vraies décisions. Jusqu’à maintenant, on ne savait pas comment ce cerveau été apparu au cours de l’évolution.
La question de l’évolution des cerveaux chez les invertébrés est avant tout une question de science fondamentale, destinée à comprendre notre monde et l’évolution qui a menée aux animaux qui nous entourent aujourd’hui. Cela n’empêche pas que ce débat fasse rage (à la manière des universitaires qui ne se tapent généralement qu’avec des mots) chez une petite de la communauté scientifique qui s’intéressent à l’évolution. Le débat est en fait si important qu’il a même un nom : "le problème de la tête des arthropodes" et a été qualifié de dispute sans fin [2]. Les scientifiques essaient en particulier de déterminer si le cerveau est apparu à partir de segments du système nerveux ventral qui ont fusionné au cours de l’évolution, ou s’il est apparu indépendamment, au sein d’un segment qui s’est ensuite complexifié pour produire un cerveau. Un débat un peu niche, certes, mais qui les a encouragés à développer de nouvelles méthodes pour détecter des neurones dans les fossiles.
C’est exactement ce que Dr. Strausfeld, Dr Hou, Dr Sayre and Dr. Hirth ont fait [3]. Ils ont obtenu un fossile de lobopode vieux de 518 millions d’années, trouvé dans les années 1970. Ce fossile est extrêmement bien conservé.
En utilisant des méthodes complexes ces scientifiques ont réussi à révéler des parties du système nerveux de ce fossile qui sont suffisantes pour découvrir comment le système nerveux des lobopodes était organisé. Les scientifiques ont en effet réussit à révéler les neuropiles, qui sont des parties denses du cerveau faits d’axones et dendrites. Ils ont trouvé trois groupes de neuropiles non segmentés et regroupés dans une même structure.
L’absence de segmentation du cerveau de ce groupe suggère que le cerveau des arthropodes a évolué indépendamment du système nerveux ventral. Bien sur les lobopodes étant éteints il est impossible de tester la fonction des différentes parties de ce cerveau (encore que, qui aurait pensé que l’on ai pu compter les neurones d’un fossile ?). Cependant la présence de trois groupes de neurones fusionnés suggère aussi que ces régions étaient chargées de différentes fonctions. Cela est une indication que ces trois amas de neurones sont un vrai "cerveau", le premier connu sur l’échelle de l’évolution des invertébrés.
Articles liés
-
Les fourmis d’Argentine envahissent Nantes
La fourmi d’Argentine, Linepithema humile, a pour la première fois été recensée à Nantes, une ville bien plus au nord que son aire de répartition habituelle. déjà établie sur plus de trois hectares, cette colonie indique que l’aire d’expansion de la fourmi d’Argentine en Europe s’étend bien au-delà du bassin méditerranéen.
D’où vient la fourmi d’Argentine ? La fourmi d’Argentine est une fourmi invasive qui a envahi l’Europe au courant du 19ème siècle et a été identifiée en France pour la (…)
-
E120 ou rouge carmin : vous mangez des cochenilles broyées
Le colorant E120, aussi appelé rouge carmin ou rouge cochenille, provient des cochenilles, des insectes proches des pucerons. Fixées aux Opuntias, des cactus péruviens, mexicains et des Îles Canaries, les cochenilles sont élevées, broyées et l’acide carminique rouge qui en est extrait est ajouté à nos charcuteries, sodas et yaourts.
-
Comment les drosophiles restent éveillées lorsqu’elles dorment ?
En plein sommeil, l’activité du cerveau est réduite, mais il faut pourtant que le cerveau puisse se réveiller en sursaut en cas de danger. Comment cela fonctionne-t-il ?
Notes et références
[1] Giribet, G., & Edgecombe, G. D. (2019). The phylogeny and evolutionary history of arthropods. Current Biology, 29(12), R592-R602.
[2] Rempel, J. G. (1975), "The Evolution of the Insect Head : the Endless Dispute", Quaestiones Entomologicae, 11 : 7–25
[3] Strausfeld, N. J., Hou, X., Sayre, M. E., & Hirth, F. (2022). The lower Cambrian lobopodian Cardiodictyon resolves the origin of euarthropod brains. Science, 378(6622), 905-909.