Le dragon bleu des mers accumule les toxines de ses proies

Glaucus atlanticus, Glaucus marginatus

Les dragons bleus ou hirondelles des mers (plusieurs espèces dont Glaucus atlanticus et Glaucus marginatus [1]) sont de très surprenantes limaces marines. On les trouve principalement le long des côtes australiennes et néozélandaises où ces dragons s’échouent par grand vent, mais aussi de manière anecdotiques dans d’autres parties du monde [2] [3]. Très petits, 3cm au plus, ils passent souvent inaperçus.

Photographie macro d'un Glaucus atlanticus, dragon bleu des mers, ou hirondelle des mers qui est en réalité une limace bleue marine qui flotte à la surface des océans.
Hirondelle des mers

Pourtant, il est facile de savoir quand les chercher. Les Glaucus atlanticus se nourrissent d’un animal qui terrorise les baigneurs et surfeurs. Le dragon des bleus se trouve en effet sur les plages en même temps que les siphonophores dont il se nourrit. Les siphonophores sont des sortes de méduses bleues flottantes qui sont aussi appelées vessies de mer ou galère portugaise. Composés de dizaines d’organismes qui flottent ensemble, les siphonophores peuvent infliger de très douloureuses piqûres aux poissons et humains. Pour cette raison, les habitants de l’Australie et de la Nouvelle Zélande connaissent très bien les siphonophores et les appellent "bouteilles bleues" et les gardes côtes parcourent les plages pour empêcher les gens de se baigner lorsqu’il y en a trop… Mais le dragon bleu ne semblent pas s’inquiéter de leurs piqûres. Il se nourrit des siphonophores et on peut souvent le trouver sur les plages lorsque les siphonophores sont présents.

Sur la vidéo ci-dessous vous pouvez voir un dragon bleu et un siphonophore :

Pour pouvoir manger les siphonophores sans lui-même se faire piquer, le dragon bleu des mers a plusieurs techniques. Premièrement, il a une bouche avec une mâchoire cornée très rigide et il peut se coller au siphonophore de son choix par suction. Une fois le dragon bleu attaché, il est beaucoup plus difficile pour les siphonophores de le piquer. Deuxième, il se recouvre d’un épais mucus que les nématocystes, les organes urticants des siphonophores, ne peuvent pas traverser [4]. En plus de ne pas se laisser piquer par le siphonophore, le dragon bleu des mers stocke les nématocystes urticants dans son corps pour se protéger lui-même contre ses propres prédateurs ! Cette défense est très efficace : pour un humain, toucher un dragon bleu est tout aussi douloureux et dangereux que toucher un siphonophore [5].

Photographie macro d'un dragon bleu des mers sur fond blanc. Cet étrange animal aquatique marin se retrouve sur les côtes des océans, c'est une limace marine flottante. Glaucus marginatus.
Dragon bleu des mers

En plus d’être toxique sans faire donc le moindre effort, le dragon bleu est aussi très bien camouflé. C’est un animal que les scientifiques décrivent comme "pélagique" : il flotte à la surface de l’eau. Pour cela, il avale une petite bulle d’air dans son estomac et flotte le ventre en l’air [6]. Difficile de ne pas se faire remarquer lorsque l’on flotte à la surface de l’eau. C’est pour ça que le camouflage du dragon bleu est double-face, ou en "ombre inversée" comme disent les scientifiques : son ventre, exposé à la surface de l’eau, est principalement bleu ce qui le rend difficile à voir depuis les airs. Son dos est gris et très réfléchissant, ce qui le rend difficile à voir d’en dessous.

Vous l’aurez aussi sans doutes remarqué, le dragon bleu semble avoir des doigts ou des nageoires allongées disposées comme sur des plateformes. Elles sont appelées cerata. Ce sont des organes complexes, qui semble jouer un rôle dans la reproduction, la digestion, la respiration mais aussi dans la défense car le dragon bleu peut les détacher sur commande s’il est attaqué et elles contiennent les toxines urticantes des siphonophores [7].

Enfin, étant bien des limaces de mers, tous les dragons bleus possèdent à la fois des organes mâles et femelles. Après l’accouplement, chacun des partenaires pond des oeufs entourés de mucus qui flottent à la surface de l’eau ou semblent parfois être accrochés au siphonophores [8].

Cet article est agrégé au café des sciences, un site qui regroupe l’actualité scientifique.


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Notes et références

[1Valdés, A., & Campillo, O. A. (2004). Systematics of pelagic aeolid nudibranchs of the family Glaucidae (Mollusca, Gastropoda). Bulletin of Marine Science, 75(3), 381-389.

[2Landa, J. V., Saucedo, L. M., & Michel, M. J. E. (2018). First records of blue dragon Glaucus atlanticus Forster, 1777 (Gastropoda : Nudibranchia) in locations of Central Mexican Pacific. Biodiversity Int J, 2(4), 335-336.

[3Pinotti, R. M., Bom, F. C., & Muxagata, E. (2019). On the occurrence and ecology of Glaucus atlanticus Forster, 1777 (Mollusca : Nudibranchia) along the Southwestern Atlantic coast. Anais da Academia Brasileira de Ciências, 91(1).

[4Greenwood, P. G., Garry, K., Hunter, A., & Jennings, M. (2004). Adaptable defense : a nudibranch mucus inhibits nematocyst discharge and changes with prey type. The Biological Bulletin, 206(2), 113-120.

[5Ottuso, P. T. (2009). Aquatic antagonists : indirect nematocyst envenomation and acute allergic contact dermatitis due to nudibranchs. Cutis, 83(5), 237-239.

[6Miller, M. C. (1974). Aeolid nudibranchs (Gastropoda : Opisthobranchia) of the family Glaucidae from New Zealand waters. Zoological Journal of the Linnean Society, 54(1), 31-61.

[7Thompson, T. E., & McFarlane, I. D. (1967, July). Observations on a collection of Glaucus from the Gulf of Aden with a critical review of published records of Glaucidae (Gastropoda, Opisthobranchia). In Proceedings of the Linnean Society of London (Vol. 178, No. 2, pp. 107-123). Oxford University Press.

[8Robin M. Ross et Langdon B. Quetin, « Mating behaviour and spawning in two neustonic nudibranchs in the family Glaucidae », American Malacological Bulletin, vol. 8, no 1, 1990, p. 61-66.



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