Pourquoi les éphippigères échangent-elles parfois les rôles ?
Orthoptera ; Bradyporidae ; Ephippiger ephippiger ou Ephippiger diurnus
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Où trouve-t-on les éphippigères ?
L’éphippigère des vignes, ou Ephippiger ephippiger, est une grosse sauterelle de couleurs variables (du vert uniforme au noir zébré de jaune en passant par le brun et le beige) qui vit dans les prairies et buissons. Elle est largement répartie en France, on la trouve principalement dans le Sud mais sa répartition s’étend jusqu’aux Alpes et à l’Alsace [1].
Elle appartient à la famille des Bradyporidae. Ses noms vernaculaires sont aussi variables que ses couleurs, puisque l’on appelle aussi cette sauterelle "porte-selle", "porte-hotte", "porte-croix", "jeudi", "patangane", "boudrague" ou "tizi" dans le Sud de la France. Le nom de porte-selle est dû à la forme du thorax des éphippigères qui est incurvé et ressemble à une selle de cheval. Sa grande taille et ses ailes atrophiées, réduites à un petit disque visible en haut de l’abdomen, participent à son aspect original et en font un insecte très connu du grand public.
Photographie d’une éphippigère des vignes (Ephippiger ephippiger) observée au parc des Ecrins, (Alpes françaises) :
De quoi se nourrissent les éphippigères ?
Les éphippigères sont phytophages : elles se nourrissent de végétaux. Leur régime alimentaire se compose en particulier de pollen, de fruits tombés au sol et de feuilles fraîches de nombreux végétaux comme les feuilles des vignes, des pissenlits, ou des chênes. Elles sont également insectivores de manière occasionelle [2]. Les éphippigères souffrent actuellement des traitements insecticides particulièrement intenses dans les vignobles, et de la disparition de leurs habitats à cause de l’urbanisation et de la déprise pastorale.
Photographie d’une femelle d’éphippigère des vignes vue de dessus :
Comment les éphippigères se reproduisent-elles ?
On distingue facilement les femelles adultes et les mâles, car les femelles possèdent un très long ovipositeur qui leur sert à pondre leurs oeufs directement dans le sol. Chez les mâles, il n’y a pas d’ovipositeurs et seulement deux petits cerques à l’extrémité de l’abdomen.
On peut entendre les mâles chanter pour attirer les femelles en été. Ils utilisent leurs ailes atrophiées pour émettre des stridulations. Les ailes sont très réduites et sont cachées sous le thorax en temps normal. Mais pour se faire entendre de loin, ils relèvent le pronotum (la "selle" de leur thorax) vers le haut, ce qui laisse apparaître les ailes et forme une caisse de résonnance juste au-dessus [3] !
Les éphippigères se reproduisent en utilisant des spermatophores. Les spermatophores sont des capsules produites par les mâles chez certaines espèces d’animaux. Elles contiennent les spermatozoïdes, et, dans le cas des sauterelles du genre Ephippiger, de la nourriture [4].
Pourquoi les spermatophores contiennent-ils de la nourriture ?
Parce que comme les mâles sont souvent plus nombreux que les femelles, et qu’ils ne doivent pas porter les oeufs pendant plusieurs jours avant de pouvoir se reproduire à nouveau, ils rentrent en compétition pour accéder à la reproduction. La qualité du spermatophore, qui est donc une sorte de "cadeau nuptial", est une manière pour le mâle de gagner la compétition avec les autres mâles et d’accéder à la reproduction.
Mais quand il n’y a plus assez de nourriture disponible, la production des spermatophores est donc très longue et les mâles se reproduisent très peu souvent. Le coût du spermatophore s’ajoute en plus à celui des chants, qui sont également couteux en énergie et augmentent le risque d’être repéré par un prédateur.
Dans ces conditions, les femelles peuvent alors se reproduire plus souvent que les mâles ne le peuvent. Les éphippigères changent alors de rôle. La reproduction est très couteuse pour les mâles, qui deviennent beaucoup plus exigeants vis à vis des femelles qu’ils choisissent. Ce ne sont alors plus les mâles mais les femelles qui rentrent en compétition pour accéder à la reproduction [5] !
Il existe neuf espèces de sauterelles de la famille des Bradyporidae en France [6].
- L’Ephippigère des vignes (Ephippiger ephippiger, anciennement appelée Ephippiger diurnus, avec les formes "cunii", "cruciger", "vitium" et "bitterensis" peu claires au niveau taxonomique [7])
- L’éphippigère carénée (Uromenus rugosicollis). Cette dernière possède un prothorax rugueux, avec une forte "carène", une sorte de bosse que l’on peut observer de profil, et des yeux blancs ponctués d’un point noir, ce qui n’est pas le cas chez l’éphippigère des vignes [8].
- L’éphippigère terrestre (Ephippiger terrestris),
- L’éphippigère provençale (Ephippiger provincialis, pourtour méditerranéen)
- L’éphippigère gascone (Callicrania ramburii, uniquement présente dans le Sud-Ouest de la France)
- L’éphippigère corse (Corsteropleurus chopardi, uniquement en Corse ou plus au Sud)
- L’éphippigère catalane (Sorapagus catalaunicus, Sud de la France ou plus au Sud)
- L’éphippigère d’Algérie (Uromenus brevicollis)
- L’éphippigère à bords noirs (Lucasia nigromarginata) (présente uniquement au bord de la méditerranée, très localisé [9])
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Notes et références
[2] Fiche sur l’éphippigère des vignes sur le site de la ville de la Roche-sur-Yon
[3] Les Ephippigères sur le site d’aramel
[4] Reproduction via le spermatophore chez les Ephippigère, avec photos, sur le site du jardin de Lucie.
[5] Ritchie, M. G., Sunter, D., & Hockham, L. R. (1998). Behavioral components of sex role reversal in the tettigoniid bushcricket Ephippiger ephippiger. Journal of Insect Behavior, 11(4), 481-491.
[6] Liste des orthoptères de France sur insecte.org.
[7] Les sous-espèces d’Ephippiger ephippiger sur le forum insecte.org
[8] Olivier ROQUES & Nature Environnement 17. 2003. Clé des Orthoptères de Poitou—Charentes. 96p.
[9] Voir la répartition et l’identification de l’éphippigère à bords noirs sur le forum insecte.org