Les fourmis Dracula : le genre Mystrium
Hymenoptera ; Formicidae ; Amblyoponinae ; Mystrium rogeri & Mystrium oberturi
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Les Mystrium sont des fourmis de la sous-famille des Amblyoponinae, et sont comme les autres espèces de cette famille appelées fourmis Dracula.
Que sont les fourmis Dracula et pourquoi portent-elles ce nom ?
Ce nom vient du fait que les amblyopones, dont les Mystrium, percent la peau de leurs propres larves pour se nourrir de leur hémolymphes (le "sang" des insectes qui contient des nutriments mais pas d’oxygène). Les larves survivent et cicatrisent puis poursuivent leur croissance et deviennent ensuite des ouvrières tout à fait normales.
Cela a été démontré chez Amblyopone silvestrii. Les reines ne se nourrissent que de l’hémolymphe de leurs propres larves. Il semblerait que cela soit du au fait que ces fourmis se nourrissent exclusivement de mille-pattes. Ces proies sont très grandes, mais capturées de manière peu fréquente. Aussi les ouvrières n’échangent pas la nourriture entre elles chez ces espèces. Les larves sont donc utilisées comme réserves de nourriture entre deux captures de mille-pattes, un peu comme si ces fourmis utilisaient leurs bébés comme des frigos vivants. Lorsqu’elles capturent un mille-pattes par contre, les ouvrières se nourrissent préférentiellement du mille-pattes, les larves cicatrices et grandissent et deviennent des ouvrières [1].
Distribution des fourmis Dracula
Le genre Mystrium contient 14 espèces, toutes présentes dans les forêts tropicales d’Afrique, Asie et d’Australie avec plus de la moitié des espèces endémiques de Madagascar et des îles aux alentours. Presques toutes les espèces sont en fait originaires des forêts tropicales humides d’Afrique : dix d’entre elles sont limitées à Madagascar (et ses îles adjacentes) et une seul autre espèce est présente sur le reste du continent Africain (Mystrium silvestrii). Mystrium camillae vit dans le Sud de l’Asie et le nord de l’Australie, tandis que Mystrium leonie et Mystrium maren se trouvent uniquement en Indonésie [2].
Quel sont les traits distinctifs des fourmis du genre Mystrium ?
Les fourmis de ce genre sont tout à fait uniques et très faciles à reconnaître. Elles sont très différentes des autres espèces de fourmis, et ont en particulier une tête très large, des poils en forme de spatules et surtout des mandibules gigantesques avec une double rangée de dents.
Les Mystrium possèdent aussi le record de vitesse du mouvement chez les animaux
Les fourmis de l’espèce Mystrium camillae, espèce Australienne, peuvent claquer leurs mâchoires à des vitesses allant jusqu’à 324 km/h (90 m/s), ce qui en fait le mouvement animal enregistré le plus rapide [3]. Cette vitesse est probablement possible grâce à leur énorme tête, et au fait que ces fourmis possèdent un mécanisme fonctionnant un peu comme lorsque l’on claque des doigts. Elles accumulent la pression sans fermer leurs mandibules jusqu’à ce que la pression soit assez forte pour se relâcher et claquer leurs mandibules à cette vitesse incroyable.
Ce claquement de mandibules leur permet d’assommer ou de tuer leurs proies juste avec leurs mandibules [4]. Il est vrai que ces fourmis possèdent un aiguillon et produisent du venin, mais elles passent presque toute leur vie sous terre et chassent aussi leurs proies sous terre (généralement, des mille-pattes ou géophiles). Sous terre, il y a rarement la place pour se recourber et piquer une proie avec son abdomen, il est donc possible que cette rapidité extrême permette de compenser cela durant la chasse, ou pour se défendre.
Quelle est la biologie des fourmis du genre Mystrium ?
Chez les Mystrium, deux types très différents de biologies sont connus. Certaines espèces ont des colonies avec des reines normales, qui s’envolent et possèdent un thorax large (pour voler). Chez d’autres espèces par contre, les reines sont remplacées par des reproductrices sans ailes plus petites que les ouvrières (ces "reines" sont alors appelées des ergatoides) [5] [6]. Ce sont les plus petites fourmis que l’on peut voir sur les photos de cet article, et ces Mystrium vivent à Madagascar.
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Notes et références
[1] Masuko, K. (1986). Larval hemolymph feeding : a nondestructive parental cannibalism in the primitive ant Amblyopone silvestrii Wheeler (Hymenoptera : Formicidae). Behavioral Ecology and Sociobiology, 19, 249-255.
[2] Données AntMaps.org, consultées le 14 Mai 2023.
[3] Larabee, F. J., Smith, A. A., & Suarez, A. V. (2018). Snap-jaw morphology is specialized for high-speed power amplification in the Dracula ant, Mystrium camillae. Royal Society open science, 5(12), 181447.
[4] Moffett, M. W. (1986). Mandibles that snap : Notes on the ant Mystrium camillae Emery. Biotropica, 16(4), 361-362.
[5] Molet, M., Peeters, C., & Fisher, B. L. (2007). Winged queens replaced by reproductives smaller than workers in Mystrium ants. Naturwissenschaften, 94, 280-287.
[6] Molet, M., Fisher, B. L., Ito, F., & Peeters, C. (2009). Shift from independent to dependent colony foundation and evolution of ‘multi-purpose’ergatoid queens in Mystrium ants (subfamily Amblyoponinae). Biological journal of the Linnean Society, 98(1), 198-207.