Pourquoi certains mille-pattes sont-ils fluorescents ?
Myriapoda, Julida, Julidae, Ommatoiulus moreleti, Mille-pattes bleus fluorescents
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De nombreuses espèces végétales et animales sont fluorescentes, c’est à dire qu’elles changent de couleur lorsqu’elles sont exposées à la lumière ultra-violette du soleil ou de lampes à UVs [1]. De jour, cela ne fait pas forcément une grosse différence, mais la nuit les plantes et animaux fluorescents s’illuminent, émettant de la lumière, tandis que la plupart des autres objets et organismes restent sombres.
La plupart des espèces fluorescentes sont marines. De nombreux coraux, comme vous l’avez peut-être déjà vu dans les aquariums marins, s’illuminent de rouge, bleu et vert flashy sous les lampes à UVs ou le soleil. D’autres espèces d’eau douce sont légèrement fluorescentes, comme certaines algues ou encore l’ornithorynque qui émet de très faibles couleurs fluorescentes. Cela n’a rien de surprenant en réalité pour l’ornithorynque, la fourrure de nombreux animaux est un peu fluorescente.
Du côté des insectes et invertébrés, c’est sous les tropiques que le plus grand nombre d’espèces réfléchissent les UVs. Il y a des araignées, des criquets, des opilions, et bien sûr les plus connus sont les scorpions. En France et un peu partout dans le monde où ils ont été déplacés et introduits, certains mille-pattes deviennent bleu ou bleu-vert lorsqu’ils sont éclairés la nuit avec une lampe à UV. Le jour, il est possible de voir de faible reflets bleutés si la lumière du soleil les éclaire.
Sur la courte vidéo ci-dessous vous pouvez voir un de ces mille-pattes s’illuminer la nuit sous l’éclairage d’une lampe UV :
Pourquoi les mille-pattes sont-ils fluorescents ?
Pour certains animaux fluorescents, il s’agirait d’un moyen de trouver un partenaire. Pour d’autres animaux et plantes, la fluorescence n’aurait aucun rôle particulier, certaines molécules de leur corps produisant des couleurs fluorescentes n’étant pas particulièrement destinées à l’être. Pour d’autres petites bêtes, y compris les mille-pattes, il s’agirait d’un moyen de défense [2]. Lorsqu’ils sont embêtés, la plupart des mille-pattes (iules, polydésmides, géophiles et scolopendres) peuvent émettre des substances très toxiques ou désagréables si elles sont ingérées. Généralement, un mille-pattes stressé émet un liquide d’une odeur particulièrement nauséabonde qui repousse directement le prédateur ou prévient du danger qu’il y aurait à l’ingérer. Un prédateur qui aurait essayé de manger un mille-pattes se souviendra toujours de l’horrible goût ou d’être tombé malade après, et la couleur très particulière, bleu fluorescent, l’aidera à associer cette mauvaise expérience aux autres mille-pattes bleus. Le premier mille-pattes sera peut-être mangé, mais l’oiseau ne s’y reprendra pas de si tôt.
Plusieurs molécules sont responsables de la fluorescence des mille-pattes, et de nouvelles sont régulièrement identifiées [3] [4] [5] [6].
Comment la fluorescence fonctionne-t-elle ?
La lumière peut être absorbée ou réfléchie. C’est ce qui donne la couleur aux pigments et objets qui nous entourent. Par exemple, une feuille d’arbre absorbe le bleu et le rouge, et réfléchit la lumière verte. C’est pour cela que les feuilles nous apparaissent vertes : seul le vert est réfléchi, les autres couleurs sont absorbées.
Dans le cas des pigments fluorescents aux ultra-violets, la lumière UV est d’abord absorbée par une molécule fluorescente, ce qui excite les électrons de cette molécule et cause une émission de lumière. C’est cette émission de lumière qui fait ressortir les objets fluorescents, simplement parce qu’ils émettent plus de lumière que ce qui les entoure. La lumière émise par les animaux et plantes fluorescentes est généralement dans le spectre visible pour les humains. En quelque sorte, les objets fluorescents convertissent la lumière UV en lumière visible qui est émise sur une couleur particulière. Par exemple, les pigments d’un mille-pattes fluorescent absorbent la lumière UV invisible pour les humains et émettent de la lumière bleue.
Pour mieux comprendre pourquoi certaines couleurs sont fluo, vous pouvez visiter la page sur la fluorescence de Couleur Science.
La fluorescence, est-ce la même chose que phosphorescence ou bioluminescence ?
Non, la fluorescence est l’émission immédiate de lumière en réponse à une stimulation lumineuse. Dans le cas de la phosphorescence, l’émission n’est pas immédiate mais lente : la lumière est d’abord absorbée par une molécule qui certes réagit en émettant de la lumière, mais très lentement !
La bioluminescence est très différente à la fois de la fluorescence et de la phosphorescence. C’est un sujet complexe mais voici un court résumé. Les animaux, algues, plantes ou champignons bioluminescent n’ont pas besoin d’absorber de la lumière pour en produire, contrairement aux organismes fluorescents ou phosphorescents. Ils produisent leur propre lumière même dans le noir complet. La lumière des organismes luminescents est produite par une réaction chimique : plusieurs molécules réagissent ensemble et produisent de l’énergie sous forme de lumière [7].
La confusion entre fluorescence, phosphorescence et bioluminescence vient probablement du fait que les organismes fluorescents sont aussi parfois bioluminescents [8], et fluorescence, phosphorescence et bioluminescence ont tendance à émettre les mêmes couleurs vertes ou bleues principalement...
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Notes et références
[1] Lagorio, M. G., Cordon, G. B., & Iriel, A. (2015). Reviewing the relevance of fluorescence in biological systems. Photochemical & Photobiological Sciences, 14(9), 1538-1559.
[2] Marek, P., Papaj, D., Yeager, J., Molina, S., & Moore, W. (2011). Bioluminescent aposematism in millipedes. Current Biology, 21(18), R680-R681.
[3] Needham, A. E. (1968). Integumental pigments of the millipede, Polydesmus angustus (Latzel). Nature, 217(5132), 975-977.
[4] Kuse, M., Yanagi, M., Tanaka, E., Tani, N., & Nishikawa, T. (2010). Identification of a fluorescent compound in the cuticle of the train millipede Parafontaria laminata armigera. Bioscience, biotechnology, and biochemistry, 74(11), 2307-2309.
[5] Marek, P. (2017). Ultraviolet-induced fluorescent imaging for millipede taxonomy. Research Ideas and Outcomes, 3.
[6] Lagorio, M. G., Cordon, G. B., & Iriel, A. (2015). Reviewing the relevance of fluorescence in biological systems. Photochemical & Photobiological Sciences, 14(9), 1538-1559.
[7] En savoir plus sur la phosphorescence sur le blog Quoi Dans Mon Assiette
[8] Comme les mille-pattes polydesmidés du genre Motyxia : Marek, P. E., & Moore, W. (2015). Discovery of a glowing millipede in California and the gradual evolution of bioluminescence in Diplopoda. Proceedings of the National Academy of Sciences, 112(20), 6419-6424.