Cette abeille tropicale est capable de voler la nuit
Abeille nocturne
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La plupart des abeilles, guêpes et fourmis ont des nids ou des dortoirs où les elles reviennent régulièrement, une fois qu’elles ont trouvé de la nourriture. Par exemple l’abeille sociale Apis mellifera peut voler à plusieurs kilomètres de la ruche et quand même retrouver son chemin.
Une abeille mémorise la direction du nid par rapport à la position du soleil et mesure les ’changements optiques’ sur son chemin pour estimer la distance qu’elle a parcouru. Lorsqu’elle se rapproche du nid, l’abeille utilise ensuite des repères visuels situés aux alentours du nid, qu’elle a mémorisé lors de ses premiers vols. Même les guêpes et abeilles solitaires qui ont souvent de plus petits nids apprennent comment retrouver leur nid ou leur dortoir. Les fourmis aussi peuvent naviguer, en se servant parfois de pistes de phéromones, mais aussi de leur vision. Lorsqu’elles s’éloignent de leur nid pour trouver des insectes, elles apprennent le chemin qui les ramènera chez elles, souvent en comptant leurs pas ou même seulement à l’aide de repères visuels.
Les deux points communs entre tous ces insectes, c’est qu’ils ont besoin de retourner à un endroit fixe à la fin de la journée et qu’ils se repèrent visuellement. Pour cette raison, une grande partie de ces insectes sont diurnes, c’est à dire qu’ils vivent la journée. Attention, si cela est vrai en règle générale, il y a bien sur quelques exceptions. Certaines espèces de fourmis collectent aussi de la nourriture de nuit : soit ce sont des espèces qui laissent derrière elles des pistes de phéromones et se servent peu de leurs yeux, soit se sont des espèces qui ont des yeux très sensibles et développés qui leur permettent de voir dans la nuit. Les plus souvent ces fourmis sont en fait crépusculaires, cherchant de la nourriture durant les quelques heures qui suivent ou précèdent le coucher et le lever du soleil [1].
La plupart des insectes nocturnes, au contraire, sont des papillons de nuits et coléoptères qui n’ont généralement pas de points fixe et suivent souvent des odeurs lorsqu’ils se dirigent. C’est pour cela que beaucoup de coléoptères et de papillons de nuits ont d’énormes antennes. Ils peuvent généralement voir dans la nuit. Certains se repèrent grâce aux étoiles, mais souvent leur vision est réduite. Seules certaines espèces de coléoptères ont des nids, comme par exemple les bousiers qui marchent la nuit et ramènent des déjections animales dans un tunnel qu’ils ont creusé pour abriter leurs larves. Ils se repèrent grâce à la position de la voie lactée ou de la lune [2].
Peu d’exemples d’insectes volants qui doivent effectuer des vols allers retours entre une source de nourriture et un point fixe sont connus à ce jour. Il faut dire que voler la nuit est dangereux : les araignées tissent des toiles entre les arbres, souvent là où le traffic aérien est le plus important. Et pour chercher de la nourriture de nuit, il faut s’approcher des plantes auxquelles ces toiles sont attachées. En plus, il faut être capable d’apprendre son chemin de retour avec très peu de lumière, en particulier si le nid est sous la canopée des arbres ou si le ciel est nuageux.
Quelques espèces d’abeilles crépusculaires sont connues des scientifiques en Amérique du Sud [3]. Elles se trouvent dans les forêts tropicales pluviales où la canopée des arbres rend le sol de la forêt encore plus sombre. Les scientifiques pensent que malgré la difficulté à naviguer de nuit, cela permet à ces abeilles d’éviter la compétition avec d’autres abeilles et par exemple, d’être les premières à visiter les fleurs qui s’ouvrent au petit matin [4]. Cela pourrait aussi permettre à ces abeilles de mieux garder leur nid pendant la journée, quand les autres insectes qui pourraient s’y attaquer sont le plus actifs [5]. Et peut-être aussi d’éviter des prédateurs spécialisés, par exemple les araignées crabes qui se positionnent sur les fleurs, car ceux-ci sont probablement moins actifs la nuit.
Les scientifiques ne savent pas encore exactement comment ces abeilles parviennent à se repérer avec si peu de lumière. Les chercheurs pensent que ces abeilles apprennent probablement les formes des arbres au-dessus d’elles, car ils devraient apparaître comme sombre contre le ciel étoilé plus clair. Ce serait le repère le plus facile à distinguer la nuit pour les insectes nocturnes dans les forêts, car c’est celui qui a le plus de contraste la nuit [6] [7] [8].
Le problème avec cette théorie est que la plupart des abeilles diurnes ne semblent pas capables d’apprendre avec succès les repères situés au dessus de leur tête.
Alors pour mieux comprendre comment ces abeilles parviennent à se repérer de nuit et sous la canopée des forêts pluviales, des scientifiques ont placé plusieurs nids côte à côte, équipés de repères placés au dessus des entrées et faits de différentes formes [9]. Ils ont placé le vrai nid d’une de ces abeilles parmi quatre faux nids. Pour le retrouver, l’abeille a du apprendre la forme unique située au dessus du nid, le seul repère qui le différentiait des faux nids.
Les scientifiques ont trouvé que les abeilles étaient capables d’apprendre une forme située au dessus de leur tête, peu importe la forme. Contrairement aux abeilles sociales diurnes, il semble donc que cette espèce d’abeille soit capable d’apprendre à reconnaître des formes situées au-dessus de leur tête, et pourrait donc se servir de la forme sombre de la canopée sur fond de ciel étoilé pour retrouver son nid.
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Notes et références
[1] Narendra, A., Greiner, B., Ribi, W. A., & Zeil, J. (2016). Light and dark adaptation mechanisms in the compound eyes of Myrmecia ants that occupy discrete temporal niches. Journal of Experimental Biology, 219(16), 2435-2442.
[2] Dacke, M., Baird, E., Byrne, M., Scholtz, C. H., & Warrant, E. J. (2013). Dung beetles use the Milky Way for orientation. Current biology, 23(4), 298-300. https://doi.org/10.1016/j.cub.2012.12.034.
[3] Kelber, A., Warrant, E. J., Pfaff, M., Wallén, R., Theobald, J. C., Wcislo, W. T., & Raguso, R. A. (2006). Light intensity limits foraging activity in nocturnal and crepuscular bees. Behavioral Ecology, 17(1), 63-72.
[4] Linsley, E. G., MacSwain, J. W., & Smith, R. F. (2020). Biological observations on Xenoglossa fulva Smith with some generalizations on biological characters of other eucerine bees (Hymenoptera, Anthophoridae). Bull South Calif Acad Sci54:128-141.
[5] Bohart GE, Youssef NN, 1976. The biology and behaviour of Evylaeus galpinsiae Cockerell (Hymenoptera : Halictidae). Wasmann J Biol 34:185-234.
[6] Rodrigues, P. A., & Oliveira, P. S. (2014). Visual navigation in the Neotropical ant Odontomachus hastatus (Formicidae, Ponerinae), a predominantly nocturnal, canopy-dwelling predator of the Atlantic rainforest. Behavioural processes, 109, 48-57.
[7] Oliveira, P. S., & Holldobler, B. (1989). Orientation and communication in the neotropical ant Odontomachus bauri Emery (Hymenoptera, Formicidae, Ponerinae). Ethology, 83(2), 154-166.
[8] Klotz, J. H., & Reid, B. L. (1993). Nocturnal orientation in the black carpenter ant Camponotus pennsylvanicus (DeGeer) (Hymenoptera : Formicidae). Insectes Sociaux, 40(1), 95-106.
[9] Chaib, S., Dacke, M., Wcislo, W., & Warrant, E. (2021). Dorsal landmark navigation in a Neotropical nocturnal bee. Current Biology.