L’entomophagie : manger des insectes pour sauver la planète ?

Les insectes comestibles sont-ils la nourriture du futur ?

Cela peut sembler étrange ou peu appétissant, mais l’entomophagie est une pratique ancienne et largement répandue dans de nombreuses cultures. D’ailleurs, nous mangeons tous des cochenilles. Les insectes et certains autres invertébrés comme les araignées et scorpions sont une source de nourriture qui a été utilisée depuis des siècles. Aujourd’hui, les insectes comestibles suscitent un regain d’intérêt en raison de leur potentiel comme alternative durable et écologique à la viande traditionnelle.

Origines de l’entomophagie

L’entomophagie remonte à plusieurs milliers d’années [1]. Ce n’est pas étonnant étant donné que les insectes sont une source de nourriture facilement disponible, riche en protéines et en nutriments essentiels. Ils sont généralement faciles à trouver, surtout pour des humains capables d’utiliser des outils.

Aujourd’hui, l’entomophagie est pratiquée dans de nombreuses régions du monde, notamment en Asie, en Afrique, en Amérique latine et en Océanie. Certaines espèces d’insectes sont même considérées comme des mets de choix dans ces régions, et sont souvent consommées grillées, frites, ou encore cuisinées dans des plats traditionnels.

Avantages de l’entomophagie

L’entomophagie présente plusieurs avantages par rapport à la consommation de viande traditionnelle. Tout d’abord, les insectes sont une source de protéines de haute qualité. En fait, certains insectes contiennent jusqu’à 80% de protéines, ce qui en fait une alternative viable à la viande.

La consommation d’insectes peut être bénéfique d’un point de vue environnemental, car elle est souvent considérée comme une alternative plus durable et écologique aux protéines animales traditionnelles. Les insectes nécessitent moins d’eau, d’aliments et d’espace pour leur élevage que les animaux d’élevage traditionnels tels que les bovins, les porcs ou les poulets. De plus, les insectes produisent moins de gaz à effet de serre et génèrent moins de déchets que les animaux d’élevage.

L’entomophagie peut également être considérée comme une alternative plus durable à la viande traditionnelle, car elle produit moins de gaz à effet de serre et nécessite moins de ressources naturelles pour être produite.

Les insectes sont riches en protéines, en fibres, en vitamines et en minéraux. Leur production nécessite beaucoup moins de ressources que l’élevage de bétail et prennent beaucoup moins de place. Les insectes convertissent plus efficacement leur nourriture en masse corporelle, ce qui signifie que leur production génère moins de déchets et d’émissions de gaz à effet de serre que l’élevage traditionnel.

Quels insectes sont consommables ?

Il existe des centaines d’espèces d’insectes comestibles à travers le monde, mais tous ne sont pas consommables ou bon à manger. Les insectes comestibles les plus courants sont certains criquets, les sauterelles, les grillons, les scarabées, les vers de farine et les chenilles. D’autres espèces d’insectes, comme les fourmis et les abeilles, sont également consommées dans certaines cultures.

Attention cependant, toutes les espèces de ces différents groupes ne sont pas mangeables. Mieux vaut suivre les indications de personnes habituées à consommer ces insectes. Un grand nombre d’insectes et invertébrés sont toxiques pour les humains. Certains insectes peuvent aussi être hôtes de parasites qui peuvent potentiellement être transmis aux humains, comme la petite douve du foie qui infecte les fourmis [2].

Des cas de réactions allergiques à la consommation d’insectes ont également été rapportés dans la littérature médicale [3].

Préparation des insectes

La plupart des insectes sont simplement grillés ou frits, tandis que d’autres sont cuits dans des plats traditionnels. Les insectes peuvent également être séchés ou transformés en farine pour une utilisation dans des recettes. C’est l’usage le plus moderne et on peut généralement commander des cookies à la farine de grillon ou de blattes assez facilement même si les prix restent élevés. Voici quelques recettes :

Hachinoko - larves d’abeilles
Au Japon, les larves d’abeilles sont une spécialité culinaire connue sous le nom de "hachinoko" ou "miel d’abeille gélatineux". Les hachinoko sont généralement servis en apéritif ou comme accompagnement pour le riz ou les nouilles.

Les larves d’abeilles sont d’abord extraites des ruches et nettoyées pour éliminer les débris. Elles sont ensuite marinées dans une sauce soja sucrée ou dans un mélange de mirin (vin de riz sucré) et de sauce soja pendant plusieurs heures pour absorber les saveurs. Les larves sont ensuite frites dans l’huile chaude jusqu’à ce qu’elles soient dorées et croustillantes et servies avec un peu de sel, de poivre et de citron.

En Amérique centrale et amérique latine, ce sont les larves de fourmis qui sont souvent consommée.

La photo montre une vue rapprochée de chapulines, une collation populaire dans l'État mexicain d'Oaxaca. Les chapulines sont des sauterelles ou des criquets grillés ou frits.
Chapulines : grillons, criquets et sauterelles grillés ou frits
Nanahuatl - CC BY-SA 4.0

Chapulines - grillons grillés
Au Mexique, les grillons, criquets et sauterelles grillés ou frits sont une spécialité culinaire populaire connue sous le nom de "chapulines". Les chapulines sont souvent consommés sous forme d’en-cas, de garniture pour les tacos ou les quesadillas, ou comme ingrédient pour les sauces.

En premier, les grillons sont collectés à la main ou à l’aide d’un filet dans les champs et prairies ou élevés. Ils sont ensuite nettoyés pour éliminer la saleté et les débris. Les grillons sont grillés à sec sur une poêle chaude pendant environ 10 minutes jusqu’à ce qu’ils soient croustillants. Pendant la cuisson, les grillons sont assaisonnés avec du sel, du jus de citron vert, du piment, de l’ail et des épices pour leur donner une saveur épicée et salée.

Les punaises d’eau géantes
Les punaises aquatiques, également connues sous le nom de "water bugs" ou "insectes géants d’eau", sont une spécialité culinaire dans plusieurs pays d’Asie, notamment en Thaïlande, au Cambodge et au Laos. Elles sont similaires à certaines punaises aquatiques que l’on rencontre en France comme les nèpes ou les corises.

Les punaises aquatiques sont collectées dans les rivières et les étangs, puis lavées puis blanchies dans de l’eau bouillante pendant quelques minutes pour enlever les rendre plus faciles à manger. Les punaises sont ensuite frites dans l’huile chaude jusqu’à ce qu’elles soient croustillantes et dorées et assaisonnées avec du sel, du poivre et des épices.

Les punaises aquatiques ont une texture croquante à l’extérieur et une chair juteuse à l’intérieur, avec un goût similaire à celui du crabe ou du homard. Elles sont également riches en protéines, en acides aminés et en minéraux, ce qui en fait une source de nourriture nutritive. Cependant, la surpêche et la collecte excessive peuvent avoir des effets néfastes sur les populations de punaises aquatiques et leur écosystème, il est donc important de consommer ces insectes de manière responsable et durable.

Une photo en gros plan d'un belastome ou punaise d'eau géante similaire à celles parfois consommées en Asie. Ces insectes ont un goût de crustacés ou de bananes, d'après les gens qui ont essayés !
Punaise d’eau géante
Jhou5, CC BY-SA 4.0

Insectes en poudre, farine de blattes
Les grillons ou les blattes sont élevés dans une ferme d’insectes spécialement conçue à cet effet. Les insectes sont nourris avec des aliments de qualité supérieure pour garantir leur santé et leur croissance. Une fois que les insectes ont atteint la taille et le poids désirés, ils sont récoltés et tués. Les insectes sont ensuite nettoyés et séchés à l’aide d’un déshydrateur ou d’un four pour éliminer toute trace d’humidité. Cette étape est importante car elle empêche les insectes de moisir et prolonge leur durée de conservation.

Les insectes séchés sont broyés en une fine poudre à l’aide d’un moulin à café ou d’un broyeur industriel. Cette poudre est alors tamisée pour éliminer les gros morceaux et obtenir une texture fine et homogène.

La poudre de protéines d’insectes peut être utilisée dans une variété de produits alimentaires, notamment les barres énergétiques, les smoothies, les pâtes et les produits de boulangerie. Elle est souvent considérée comme une alternative plus durable et écologique aux protéines animales traditionnelles.

Problèmes éthiques

La question de l’élevage et de la consommation d’insectes soulève des questions éthiques [4]. La croyance commune selon laquelle les insectes ne ressentent pas la douleur ou le stress est régulièrement remise en question [5]. Des recherches montrent que certains insectes ont une vie complexe et des capacités cognitives similaires à celles de certains animaux vertébrés. Ainsi, l’élevage et l’exploitation d’insectes pour notre propre bénéfice soulèvent des questions morales relatives au bien-être animal, comme l’élevage de bovins par example.

Il est important de considérer les pratiques d’élevage d’insectes. Les éleveurs doivent garantir le bien-être des insectes élevés pour la consommation, et ne pas utiliser de pratiques cruelles. Les consommateurs doivent être conscients des pratiques d’élevage avant d’acheter des produits à base d’insectes.

Manger des insectes ne sera jamais aussi éthique que de se tourner vers une alimentation basée sur les plantes, qui permettrait aussi de réduire l’impact environnemental de l’agriculture tout en garantissant une alimentation saine. Un régime à base d’animaux expose toujours les consommateurs et éleveurs à des risques sanitaires, comme nous l’avons vu lors de la crise du Covid-19.

De la même manière, élever des insectes sert souvent à nourrir des animaux qui contribuent au réchauffement climatique, car les poudres à bases d’insectes sont notamment données aux poissons et pourraient être utilisées pour nourrir d’autres animaux polluants comme les cochons dans le futur [4].

Limitations

Un autre problème lié à l’entomophagie est la réticence à consommer des insectes. De nombreux consommateurs peuvent trouver l’idée de manger des insectes répugnante, ce qui limite l’adoption de l’entomophagie à grande échelle en particulier dans les pays Européens.

De plus, la production d’insectes pour la consommation nécessite des installations et des processus de production spécialisés, ce qui peut être coûteux et exigeant en termes de ressources.

Enfin, les réglementations en matière d’entomophagie varient considérablement d’un pays à l’autre, ce qui peut rendre difficile la commercialisation des insectes comestibles dans certains pays.

Est ce que la consommation d insectes en Europe est juste un effet de mode ?

La consommation d’insectes est souvent présentée comme une tendance alimentaire émergente en Europe, mais en réalité le marché peine à augmenter. D’autres alternatives moins chères existent pour les poudres et farines protéinées, comme celles à base de protéine de soja qui sont aussi vegan.

La production et la commercialisation d’insectes pour la consommation sont relativement limitées en Europe, et la disponibilité de ces produits est généralement faible et limiter à des magasins ou producteurs spécialisés.

Il est difficile de prévoir si la consommation d’insectes en Europe sera simplement une tendance passagère, cyclique, ou si elle deviendra une pratique courante à long terme. Toutefois, la demande croissante pour des sources alternatives de protéines et les préoccupations environnementales pourraient encourager une plus grande adoption des insectes comme aliment dans les années à venir.


Partager cet article pour soutenir Myrmecofourmis.fr:


Articles liés

Notes et références

[1Capinera, John L. (2004). Encyclopedia of Entomology. Kluwer Academic Publishers.

[2Tohmé, H., & Tohmé, G. (1977). Les hôtes intermédiaires du cycle évolutif de la petite Douve du foie du Mouton au Liban et en Syrie. Annales de Parasitologie Humaine et Comparée, 52(1), 1-5.

[3Phillips, Joel ; Burkholder, Wendell (1995). "Allergies Related to Food Insect Production and Consumption". Food Insect Allergies. 8 (2).

[4"N’élevez pas d’insectes", article en anglais : Don’t farm bugs.

[5Gibbons, M., Crump, A., Barrett, M., Sarlak, S., Birch, J., & Chittka, L. (2022). Can insects feel pain ? A review of the neural and behavioural evidence. Advances in Insect Physiology, 63, 155-229.



Poser une question:

Votre message
Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.