Hesperomyces virescens, un champignon qui parasite la coccinelle asiatique
Coleoptera ; Coccinellidae ; Harmonia axyridis & Ascomycota ; Laboulbeniales ; Laboulbeniaceae ; Hesperomyces virescens
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La coccinelle asiatique, Harmonia axyridis, est un cas d’école d’introduction volontaire d’une espèce invasive. Importée en masse par des vendeurs peu scrupuleux [1] [2], cette coccinelle s’est cantonnée les premières années aux cultures envahies de pucerons des particuliers. Mais elle n’a pas tardé à quitter les jardins et à envahir l’ensemble de l’Europe et de l’Amérique du Nord.
La coccinelle asiatique a peu de prédateurs et de parasites en Europe, et c’est sans doute pourquoi elle a connu une expansion aussi fulgurante. Au point d’ailleurs de menacer les espèces locales de coccinelles, comme la coccinelle à sept points ou la coccinelle à deux points [3]. Présente en grand nombre dans les vignes, elle pose des problèmes aux viticulteurs lorsqu’elle se cache dans les grappes de raisin. Broyées avec les fruits, une dizaine de coccinelles par litre de vin pourraient à elles seules ruiner la production d’un vignoble, rendant le vin amer et pauvre en arômes... [4] [5] [6]
Alors lorsqu’un parasite est découvert, il ne passe pas inaperçu. Surtout lorsqu’il est jaune fluo et forme de petits bâtonnets sur la cuticule rouge et noire des coccinelles asiatiques.
Ce champignon s’appelle Hesperomyces virescens et fait partie de la grande famille des laboulbeniales, des champignons qui ont une dent contre les insectes. Mais les laboulbeniales ne sont pas vraiment des parasites très vindicatifs. Presque aucune des 50000 espèces appartenant à cette famille de champignons (oui vous avez bien lu, cinquante mille !) ne tue son hôte [7]. Et les scientifiques ont souvent beaucoup de mal à mettre en évidence les effets négatifs de ces champignons sur la vie de l’insecte qui se les coltine sur le dos [8]. Pourtant il est difficile d’imaginer que ces champignons sont complètement inoffensifs : ils alourdissent l’insecte, le rendent plus visible, abiment sa cuticule, le rendent probablement moins aérodynamique et augmentent l’encombrement de la bestiole infectée. En plus, la présence du champignon n’empêche pas d’autres parasites, comme certains acariens qui se fixent sur les coccinelles, de venir s’inviter sur la pauvre "bête à bon dieu" qui a décidément bon dos [9].
Hesperomyces virescens était déjà connu pour être un parasite de plusieurs espèces de coccinelles, mais il n’a été observé sur la coccinelle asiatique que dans les années 2000 [10]. Il semble s’être rapidement répandu, puisque dans certaines localités, la prévalence (c’est à dire le nombre de coccinelles infectées par notre ascomycète) du champignon parasite est de 80% ! Et ce goujat se fixe principalement sur les coccinelles asiatiques femelles. Il se transmettrait aux individus sains pendant la période de reproduction et surtout durant l’hiver, quand les coccinelles asiatiques se regroupent dans les maisons pour passer la mauvaise saison à l’abri du gel [11].
Notre champignon jaune fluo a été très étudié il y a quelques années, car il se fixe sur une coccinelle du nom de Chilocorus bipustulatus utilisée en lutte biologique. Cette coccinelle est en effet une grande spécialiste de la prédation des cochenilles farineuses qui s’en prennent aux plantations de citronniers en Palestine [12] [13]. Les scientifiques ont étudié l’impact que pouvait avoir ce petit champignon solidement sur les auxiliaires biologiques que les arboriculteurs s’évertuent à implanter dans leurs vergers. Et celui-ci n’est pas nul : les coccinelles infectées vivent moins longtemps, et pondent donc moins d’oeufs [14].
Le malheur des arboriculteurs palestiniens pourrait bien faire le bonheur des vignerons français. Infectées par les champignons, les populations de coccinelles asiatiques pourraient commencer à chuter sensiblement. Elles pourraient donc être de moins en moins nombreuses à se cacher dans les grappes de raisin et il pourrait être possible de développer pour encourager le champignon à infecter les coccinelles.
Mais le champignon parasite aussi Adelia bipunctata, la coccinelle à deux points [15] et utiliser ce champignon pour contrôler la coccinelle asiatique pourrait achever les populations de nos coccinelles indigènes. Heureusement pour le moment, les scientifiques pensent que la transmission du champignons est plus facile entre des coccinelles de la même espèce qu’entre des coccinelles d’espèces différentes [16].
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Notes et références
[1] Roy, H., Brown, P., & Majerus, M. (2006). Harmonia axyridis : A Successful Biocontrol Agent or an Invasive Threat ?. In An Ecological and Societal Approach to Biological Control (pp. 295-309). Springer Netherlands.
[2] Roy, H., & Wajnberg, E. (2008). From biological control to invasion : the ladybird Harmonia axyridis as a model species (pp. 1-4). Springer Netherlands.
[3] Adriaens, T., Branquart, E., & Maes, D. (2003). The multicoloured Asian ladybird Harmonia axyridis Pallas (Coleoptera : Coccinellidae), a threat for native aphid predators in Belgium ?. Belgian Journal of Zoology, 133(2), 195-196.
[4] Pickering, G., Lin, J., Riesen, R., Reynolds, A., Brindle, I., & Soleas, G. (2004). Influence of Harmonia axyridis on the sensory properties of white and red wine. American Journal of Enology and Viticulture, 55(2), 153-159.
[5] Pickering, G., Lin, J., Reynolds, A., Soleas, G., & Riesen, R. (2006). The evaluation of remedial treatments for wine affected by Harmonia axyridis. International journal of food science & technology, 41(1), 77-86.
[6] Pickering, G. J., Lin, Y., Reynolds, A., Soleas, G., Riesen, R., & Brindle, I. (2005). The influence of Harmonia axyridis on wine composition and aging. Journal of food science, 70(2), S128-S135.
[7] Harwood, J. D., Ricci, C., Romani, R., Pitz, K. M., Weir, A., & Obrycki, J. J. (2006). Prevalence and association of the laboulbenialean fungus Hesperomyces virescens (Laboulbeniales : Laboulbeniaceae) on coccinellid hosts (Coleoptera : Coccinellidae) in Kentucky, USA. European Journal of Entomology, 103(4), 799-804.
[8] Ceryngier, P., & Twardowska, K. (2013). Harmonia axyridis (Coleoptera : Coccinellidae) as a host of the parasitic fungus Hesperomyces virescens (Ascomycota : Laboulbeniales, Laboulbeniaceae) : A case report and short review. Eur. J. Entomol, 110(4), 549-557.
[9] Riddick, E. W. (2010). Ectoparasitic mite and fungus on an invasive lady beetle : parasite coexistence and influence on host survival. Bull Insectol, 63, 13-20.
[10] Garcés, S., & Williams, R. (2004). First record of Hesperomyces virescens Thaxter (Laboulbeniales : Ascomycetes) on Harmonia axyridis (Pallas)(Coleoptera : Coccinellidae). Journal of the Kansas Entomological Society, 77(2), 156-158.
[11] Nalepa, C. A., & Weir, A. (2007). Infection of Harmonia axyridis (Coleoptera : Coccinellidae) by Hesperomyces virescens (Ascomycetes : Laboulbeniales) : role of mating status and aggregation behavior. Journal of invertebrate pathology, 94(3), 196-203.
[12] Applebaum, S. W., Kfir, R., Gerson, U., & Tadmor, U. (1971). Studies on the summer decline ofChilocorus bipustulatus in citrus groves of Israel. Entomophaga, 16(4), 433-444.
[13] Kamburov, S. S., D. J. Nadel, and R. Kenneth. 1967. Observations on Hesperomyces virescens Thaxter (Laboulbeniales), a fungus associated with premature mortality of Chilocorus bipustulatus L. in Israel. Israel Journal of Agricultural Research 17(2):131-134.
[14] Voir la référence précédente
[15] Welch, V. L., Sloggett, J. J., Webberley, K. M., & Hurst, G. D. (2001). Short-range clinal variation in the prevalence of a sexually transmitted fungus associated with urbanisation. Ecological Entomology, 26(5), 547-550.
[16] Cottrell, T. E., & Riddick, E. W. (2012). Limited transmission of the ectoparasitic fungus Hesperomyces virescens between lady beetles. Psyche : A Journal of Entomology, 2012.