Guêpes parasitoïdes de Drosophila suzukii : la lutte biologique contre les drosophiles invasives

Hymenoptera ; Braconidae ; Asobara tabida, Asobara japonica, Trichopria cf drosophilae, Pachycrepoideus vindemmiae, Leptopilina heterotoma, Leptopilina boulardi

Une espèce de drosophiles invasives récemment arrivées en France, appelées drosophiles japonaises ou Drosophila suzukii, possède un organe de ponte (l’ovipositeur) capable de percer la peau des fruits (ce qui n’est pas le cas chez les espèces de drosophiles locales comme Drosophila melanogaster). Elle pose de sérieux problèmes dans certains vergers, vignobles et jardins puisqu’elle pond ses oeufs dans des fruits en maturation, encore attachés à l’arbre, favorisant ainsi leur contamination par diverses bactéries, levures et autres champignons. En particulier, les fraisiers et les framboisiers attirent fortement ces petites mouches.

Photographie macro d'une drosophile asiatique de l'espèce Drosophila suzukii, femelle en train de pondre un oeuf dans un fruit (une fraise).
Drosophila suzukii : femelle en train de pondre dans une fraise

La lutte chimique par l’utilisation d’insecticides s’est révélée être peu efficace pour de nombreuses raisons [1]. Mais comme ce moucheron est susceptible de causer des dégâts importants sur la production de vin (lorsqu’il pond dans le raisin), ainsi que sur la production de divers fruits rouges, les scientifiques ont décidé de creuser plus loin. Ils se sont donc intéressés à des méthodes de lutte biologique qui pourraient permettre de contrôler les populations de cette espèce de drosophiles invasives.

Une guêpe solitaire femelle en train de pondre dans une pupe de drosophile invasive japonaise (Drosophila suzukii).
Pachycrepoideus vindemmiae, une guêpe parasitoïde de drosophiles qui pourrait être utilisée en lutte biologique contre Drosophila suzukii
Photographie macro d'une minuscule guêpe solitaire en train de pondre un oeuf dans une pupe de drosophile japonaise.
Trichopria drosophilae, une guêpe solitaire capable de tuer et de parasiter Drosophila suzukii

Les chercheurs d’un laboratoire situé à Lyon ont ainsi testé la capacité de différentes minuscules guêpes parasitoïdes de la famille des Braconidae [2] de drosophiles à tuer les larves et nymphes (ou "pupes") de Drosophila suzukii [3]. Ils ont d’abord collecté cinq espèces de guêpes parasitoïdes communes capables de parasiter les espèces de drosophiles locales [4] puis leur ont fourni des larves et pupes de drosophiles invasives. Cela leur a permis de déterminer si ces guêpes étaient capables de parasiter et de tuer Drosophila suzukii.

Parmi ces cinq espèces, Leptopilina boulardi, Leptopilina heterotoma et Asobara tabida pondent leurs oeufs dans les larves de drosophiles, et les deux autres, Trichopria cf drosophilae et Pachycrepoideus vindemmiae, pondent leurs oeufs dans les pupes des drosophiles.

Macrophotographie d'Asobara tabida, une espèce de guêpe solitaire parasite de drosophiles qui pourrait être utilisée en lutte biologique.
Asobara tabida, une guêpe parasitoïde de drosophiles européennes

Trichopria cf drosophilae et Pachycrepoideus vindemmiae parviennent à détecter et à reconnaître les pupes des drosophiles, et après les avoir brièvement inspectées, elles percent la pupe avec leur ovipositeur et y pondent un oeuf qui se développe à l’intérieur. Quand l’oeuf d’une de ces deux espèces de guêpes parasitoïdes éclot dans la pupe, il dévore la nymphe de la drosophile et la remplace, avant de se transformer lui aussi en nymphe puis en une nouvelle guêpe adulte.

Cette femelle de guêpe solitaire parasite de la drosophile japonaise, Drosophila suzukii, est en train de sonder un fruit avec son ovipositeur pour trouver une larve de drosophile.
Leptopilina boulardi, une guêpe parasitoïdes de larves de drosophiles

Mais face aux trois autres espèces de guêpes, les larves de drosophiles ne se laissent pas faire [5]. Ainsi, les guêpes de l’espèce Asobara tabida sont incapables de pondre dans les drosophiles [6], et malgré le fait que Leptopilina boulardi et Leptopilina heterotoma parviennent à pondre leurs oeufs dans les larves de drosophiles, les larves de ces deux espèces de guêpes n’arrivent pas à s’y développer correctement. Les oeufs des guêpes sont en effet bloqués par un mécanisme dit d’encapsulation : le système immunitaire des larves de drosophiles entoure et isole les oeufs des guêpes parasitoïdes qui ne peuvent donc plus se développer correctement. Ce mécanisme de défense est courant chez les animaux hôtes d’espèces parasitoïdes. Mais certains parasitoïdes ont trouvé le moyen de s’y adapter et injectent un virus détruisant le système immunitaire de l’hôte en même temps qu’ils injectent leur oeuf.

Photographie d'une femelle de guêpe solitaire parasite de Drosophila suzukii.
Leptopilina heterotoma, femelle à la recherche de larves de drosophiles à parasiter

Deux espèces de guêpes parasitoïdes de Drosophila suzukii, Trichopria cf drosophilae et Pachycrepoideus vindemmiae, sont donc présentes en France et sont capables de tuer et de se développer dans cette espèce de drosophile invasive. Même si ces guêpes ne seraient attirées dans les vergers et jardins que par la présence de fruits déjà abimés (donc lorsqu’il est déjà trop tard pour les fruits en question), elles pourraient tout de même parasiter les pupes formées sur les fruits pourris et permettre de contrôler et de limiter la génération de drosophiles suivante.

Dans les maisons, il est toujours possible de se débarrasser des drosophiles en suivant quelques astuces pour ne pas les attirer ou pour fabriquer un piège fait maison.


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Notes et références

[1Weydert, C., & Bourgouin, B. (2012). Drosophila suzukii menace l’arboriculture fruitière et les petits fruits : Point de situation sur cette mouche, ravageur nouveau et déjà très nuisible, et ce qu’on peut faire contre elle. Phytoma-La Défense des végétaux, (650), 16-20.

[2Ce terme désigne les parasites qui tuent leurs hôtes

[3Chabert, S., Allemand, R., Poyet, M., Eslin, P., & Gibert, P. (2012). Ability of European parasitoids (Hymenoptera) to control a new invasive Asiatic pest, Drosophila suzukii. Biological Control, 63(1), 40-47.

[4Fleury, F., Ris, N., Allemand, R., Fouillet, P., Carton, Y., & Bouletreau, M. (2004). Ecological and genetic interactions in Drosophila-parasitoids communities : a case study with D. melanogaster, D. simulans and their common Leptopilina parasitoids in south-eastern France. Genetica, 120:181-194.

[5Chabert, S., Allemand, R., Poyet, M., Ris, N., & Gibert, P. (2013). Drosophila suzukii, vers une lutte biologique contre ce ravageur des fruits rouges. Phytoma-La Défense des végétaux, (660), 34-38.

[6Alors qu’une espèce proche originaire d’Asie, Asobara japonica, se développe correctement dans Drosophila suzukii



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