Hôtels à insectes : une mauvaise idée ?

Les hôtels à insectes peuvent-ils être néfastes à l’environnement ?

Depuis quelques années, les hôtels à insectes se multiplient dans les jardins, parcs et communes. Certains commencent à se demander si installer autant d’hôtels à insectes pourrait être une mauvaise idée. Alors ces abris sont-ils toujours bénéfiques aux insectes ? Voici le pour et le contre et leurs limitations.

Les hôtels à insectes trop peu profonds pourraient empêcher certaines abeilles de pondre des femelles

Certaines abeilles solitaires pondent en premier, et donc au fond des nids, des oeufs qui donneront des femelles. Au fur et à mesurent qu’elles remplissent la cavité, elles commencent à pondre des mâles. Des hôtels à insectes avec des cavités trop peu profondes pourraient donc biaiser le sex-ratio des populations d’abeilles en faveur de la population de mâles. En théorie, cela pourrait poser problème si les abeilles d’une population finissent par ne produire que des mâles. En pratique, il est peu probable que toutes les abeilles nichent dans des hôtels à insectes et il devrait donc toujours y avoir le même nombre de femelles à un endroit. Bien sûr, cela pourrait tout de même arriver si les hôtels à insectes attirent toutes les abeilles d’une même population, mais cela ne semble jamais avoir été observé. Cependant, il est bien plus facile pour résoudre ce problème de suivre les bonnes pratiques pour créer des hôtels à insectes.

En plus, très peu de données sont disponibles sur le sex-ratio dans les populations d’abeilles sauvages [1], mais généralement dans la nature, il y a naturellement plus de mâles que de femelles. Donc il est même possible que les hôtels à insectes augmentent en fait la quantité de femelle au-delà de ce que l’on pourrait observer dans des populations sauvages.

Les hôtels à insectes attirent beaucoup de parasites et pourraient avoir un effet négatif sur les abeilles

Oui, il est possible que les hôtels à insectes, souvent bien exposés dans des lieux ouverts, avec leur myriade de trous percés, facilitent la vie aux parasites [2]. Les abeilles et guêpes solitaires qui y nichent en premier peuvent donc être parasitées et perdre une partie de leur descendance. Cependant, il faut bien noter que ces parasites sont parfois aussi des abeilles solitaires, des petites guêpes solitaires et parfois des mouches. Ces insectes participent aussi à la pollinisation et sont très intéressants à observer (ce qui est souvent le but pédagogique des hôtels).

À ce jour, personne ne semble avoir documenté une diminution des populations d’abeilles à un endroit donné suite à l’introduction d’hôtels à insectes. Et en observant le nombre d’abeille grandir dans ces hôtels années après années, il est difficile de croire qu’ils ont un effet négatif sur ces insectes.

Cependant, une bonne pratique pour éviter de causer des problèmes est de fabriquer des abris à insectes moins denses et plus variés. Par exemple en alternant des buches percées et non percées, en perçant les côtés qui ont encore de l’écorce au lieu de la tranche, et en incluant différents types d’habitats (parois en argile, coquilles vides d’escargot, buches, bambous de différents diamètres). Il pourrait aussi être utile de fabriquer plusieurs petits hôtels à insectes dispersés dans les jardins et parcs plutôt qu’un seul grand hôtel à insectes.

Les hôtels à insectes pourraient faciliter la vie à certaines espèces d’abeilles, augmentant la compétition avec les autres espèces

Certaines abeilles et guêpes solitaires ne nichent pas du tout dans le bois et les tiges creuses. Certaines préfèrent les coquilles d’escargots, maçonner leurs propres nids en argile, ou creuser des galeries dans des parois ou des sols argileux ou sableux. Le problème, c’est que la plupart des hôtels à insectes fournissent principalement des bûches creuses et des tiges de bambous.

La bonne nouvelle est que ce problème est facile à résoudre. Il est possible d’accommoder les besoins de ces espèces en laissant son jardin devenir un peu plus sauvage, ou en fabriquant des abris à insectes de formes, tailles et contenances variées. Vous pouvez commencer par ne pas maintenir un gazon parfait, cela laissera de la place aux abeilles pour nicher dans le sol. Et laisser quelques branches mortes sur les arbres et au sol lorsqu’elles ne sont pas un danger. Les coléoptères y creuseront des galeries que les abeilles pourront occuper par la suite. Pour fabriquer un hôtel qui convient à différentes abeilles, il suffit de varier les matériaux utilisés pour remplir un hôtel à insectes. Ajouter des coquilles vides de petits escargots, des trous de différents diamètres, des briques de boue, d’argile et de sable de différentes concentrations, et laisser un petit carré de sol nu à proximité, où les andrènes pourront creuser leurs nids.

Les hôtels à insectes peuvent rendre la navigation compliquée pour les abeilles

Les abeilles et guêpes solitaires qui vivent dans les hôtels à insectes doivent être capables de retourner plusieurs fois dans le même nid pour y apporter des proies, du nectar, du pollen, ou des matériaux pour fermer les cellules et le nid. Comme nous, elles apprennent à reconnaître les alentours du nid pour retrouver son entrée. Les hôtels à insectes trop répétitifs, avec des entrées placées les unes à côté des autres sur des paternes rectilignes rendent cela très difficile. Ce serait l’équivalent pour nous de retrouver une maison dans un quartier où toutes les maisons sont identiques les unes aux autres.

La solution ici encore, est de construire un hôtel à insecte varié avec des cavités placées avec une faible densité. Vous pouvez aussi placer des petits repères visuels pour les abeilles, comme des gravures dans le bois ou des formes peintes avec différentes couleurs [3]. L’important est de penser à ce que les abeilles voient lorsqu’elles s’approchent de leur entrée.

Les abris à insectes pourraient avantager certaines espèces invasives

Certains scientifiques suggèrent que les hôtels à insectes peuvent avantager les abeilles invasives face aux abeilles autochtones [4]. Ces abeilles invasives ne sont pas présentes partout et si vous devez vous en préoccuper ou non dépend donc de votre pays et de votre région.

Dans le sud de la France, à Marseille, l’espèce invasive Megachile sculpturalis, de grande taille, préfère les cavités plus larges que la plupart des espèces de la faune indigène couramment trouvées dans les hôtels à abeilles. Les femelles déposent leurs œufs dans des cavités importantes d’environ 12 mm de diamètre. Afin de limiter la propagation de cette espèce, il est possible d’opter pour des diamètres de nid inférieurs, plus favorables à la reproduction des abeilles indigènes. Celles-ci préfèrent des cavités de 4 à 8 mm de diamètre [4]. Ce n’est cependant pas le cas partout, et peu de données sont disponibles sur le sujet. Il vous faudra donc observer quelles abeilles nichent dans vos abris à insectes pour identifier les habitats préférés des abeilles invasives de votre région, s’il y en a, et modifier un peu vos nids suivants pour favoriser les abeilles natives de votre région.

Les hôtels à insectes peuvent être utilisés pour détourner l’attention des vrais problèmes environnementaux

Personne ne résoudra la crise écologique avec des hôtels à insectes. Ces animaux sont confrontés à la perte de leurs habitats sur de bien plus grandes surfaces que celles jamais couvertes par les hôtels à insectes. Les abeilles et guêpes solitaires qui pollinisent les plantes sauvages, et bien d’autres insectes, font face à l’augmentation de la toxicité des pesticides auxquels ils sont exposés, à la perte de fleurs due à la croissance des zones agricoles et urbaines intensives, à la fragmentation de leurs habitats et au réchauffement climatique. Avoir un hôtel à insectes dans son jardin est une bonne idée pour pouvoir observer ces insectes et en avoir un peu plus dans son jardin, mais il ne faut pas oublier les menaces plus importantes qui pèsent sur les abeilles.

Alors, faut-il être pour ou contre les hôtels à insectes ?

De manière générale, on sait trop peu sur la biologie des abeilles solitaires pour dire si oui ou non les hôtels à insectes peuvent poser problème [5], mais certaines inquiétudes sont fondées et peuvent déjà être adressées en adoptant des bonnes pratiques lors de la fabrication d’hôtels à insectes.

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Notes et références

[1Fitch, G., Glaum, P., Simao, M. C., Vaidya, C., Matthijs, J., Iuliano, B., & Perfecto, I. (2019). Changes in adult sex ratio in wild bee communities are linked to urbanization. Scientific reports, 9(1), 3767.

[2Straffon-Díaz, S., Carisio, L., Manino, A., Biella, P., & Porporato, M. (2021). Nesting, sex ratio and natural enemies of the giant resin bee in relation to native species in Europe. Insects, 12(6), 545.

[3Ostwald, M. M., Shaffer, Z., Pratt, S. C., & Fewell, J. H. (2019). Multimodal cues facilitate nest recognition in carpenter bee aggregations. Animal behaviour, 155, 45-51.

[4Geslin, B., Gachet, S., Deschamps-Cottin, M., Flacher, F., Ignace, B., Knoploch, C., ... & Le Féon, V. (2020). Bee hotels host a high abundance of exotic bees in an urban context. Acta Oecologica, 105, 103556.

[5Harmon-Threatt, A. (2020). Influence of nesting characteristics on health of wild bee communities. Annual Review of Entomology, 65, 39-56.



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