Le défi de l’Hydrophile : être adapté à la course, au vol et à la nage en apnée !
Coleoptera ; Hydrophilidae ; Hydrophilus pistaceus & Berosus signaticollis
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Qu’est-ce qu’un hydrophile ?
Les hydrophiles sont des insectes aquatiques de l’ordre des coléoptères. Ils forment la famille des Hydrophilidae. Ils sont aquatiques tant à l’état larvaire (où ils sont prédateurs) qu’à l’état adulte où ils peuvent toutefois marcher sur la terre ferme et s’envoler pour trouver d’autres mares ou des partenaires. On les distingue des autres coléoptères aquatiques car ils n’ont qu’une paire d’yeux (contrairement aux gyrins ou gyrinidae), qu’ils possèdent une massue antennaire (les derniers segments de l’antenne sont globalement plus large que les premiers, souvent avec des poils ; contrairement aux Chrysomelidae, Scirtidae, Elmidae, Haliplidae, Hygrobiidae, Dytiscidae et Noteridae), qu’ils n’ont pas de rostre devant la tête (contrairement à certains Curculionidae aquatiques), que leurs élytres sont glabres, dépourvues de poils (contrairement aux Dryopidae et Heteroceridae) et qu’ils ont des palpes longs et bien visibles (contrairement aux Limnichidae) [1].
Les hydrophiles ne se contentent pas de compter dans leurs rangs certaines des plus grandes espèces de coléoptères présentes en Europe (genre Hydrophilus), ils sont aussi capables de marcher sur la terre ferme, de voler dans les airs et de nager sous l’eau. Moins rapide dans l’eau que les dytiques, les hydrophiles sont plutôt herbivores (ils mangent des algues) et détritivores (les dytiques sont prédateurs), ils n’ont donc pas besoin de se propulser rapidement. Ils ont cependant une stratégie toute aussi étonnante que celle des dytiques pour stocker l’air et respirer sous l’eau... La différenciation des espèces du genre Hydrophilus (anciennement appelé Hydrous) présentés dans l’article est difficile car elle repose sur des critères peu visibles, par exemple une petite "dent" au bout des élytres... Ici, il s’agit de Hydrophilus pistaceus pour les photos sur fond blanc et peut-être de la même espèce ou de l’espèce Hydrophilus piceus pour les photos sur le terrain, les deux espèces étant très difficiles à distinguer.
Comment les hydrophiles respirent-ils sous l’eau ?
La manière les hydrophiles respirent leur vaut le nom anglais de great silver beetles ou "grand scarabée argenté" en français. En effet, les hydrophiles ont le ventre recouvert de poils hydrophobes qui piègent et retiennent une bulle d’air sous leur corps, ce qui produit un reflet argenté lorsqu’ils sont sous l’eau. Pour charger leur réserve en oxygène, ces insectes attrapent des bulles d’air à la surface à l’aide de leurs antennes couvertes de poils hydrophobes et les placent sous leur corps [2]. Les pattes de ces coléoptères sont également adaptées à la nage, comme celles des dytiques, et on observe facilement les soies qui servent de rames au bout des pattes.
Un des plus grands hydrophile présent en Europe, Hydrophilus pistaceus, photographié dans un aquarium puis relâché (il a été capturé à Toulouse, Haute-Garonne, Midi-Pyrénées) :
Quelles menaces pèsent sur les hydrophiles ?
De nombreux insectes partageant l’habitat des hydrophiles sont aujourd’hui en déclin. La disparition des zones humides qui souvent remplacées par des cultures ou des parkings et autres habitations, est un problème majeur pour les coléoptères dont les larves sont aquatiques. La création d’étangs de pêche, dans lesquels sont introduits des poissons qui dévorent les insectes et leurs larves est aussi une menace qui pèse sur de nombreuses espèces. L’espèce Hydrophilus piceus est même considéré comme rare et menacée au Royaume-Uni [3]. Les hydrophiles utilisent le vol, surtout au printemps, pour se disperser et voler de mares en mares. Si leur habitat est trop fragmenté, par exemple si une route passe au milieu d’une zone comportant des mares, la mortalité de ces coléoptères peut fortement augmenter. Il est donc nécessaire, pour protéger ces insectes, de garder de grands espaces continus rassemblant de nombreuses mares sans poissons [4]. Il est également possible que les éclairages publics attirent ces insectes, augmentant les risques de mortalité et de prédation pour les chauve-souris.
Quel est le régime alimentaire des hydrophiles ?
Si la larve de l’hydrophile est largement reconnue comme étant prédatrice, il n’y a à notre connaissance pas de preuves que les adultes soient dans la nature des prédateurs, même occasionels, contrairement à ce qui a été mentionné dans la littérature il y a de nombreuses années [5]. Par ailleurs, l’appareil buccal (les mandibules etc...) des adultes ne ressemble pas à celui d’autres coléoptères prédateurs comme les carabes par exemple. Il est donc plus probable que ces insectes soient détritivores et herbivores (ou "algivores") une fois adultes.
Quelques espèces d’hydrophiles présents en France
- Hydrophilus pistaceus, un grand hydrophile noir présent dans les mares ou les milieux aquatiques à faible courant :
- Hydrophilus cf piceus, un grand hydrophile brun ou noir qui ne possède pas de "dent" ou de "crochet" au bout des élytres :
- Berosus signaticollis, un petit hydrophilidae qui a une allure semblable aux coléoptères de la famille des Haliplidae. Plusieurs espèces présentes en France qui se différencient principalement par la forme des deux taches présentes sur le pronotum :
- Helophorus grandis [6], un autre coléoptère aquatique de la famille des Hydrophilidae. Ces coléoptères étaient autrefois séparés des Hydrophilidae et étaient classés dans la famille des Helophoridae. Comme les autres hydrophiles, on voit sur les photos ci-dessous qu’ils stockent l’air sous leur abdomen ce qui leur donne une coloration argentée et brillante. Les deux individus sont un couple formé en période de reproduction, récupérés dans une ornière eutrophisée d’une écurie de Seine-et-Marne (Île-de-France) :
Vidéo d’un accouplement d’Helophorus grandis :
- Hydrobius fuscipes, très difficile à déterminer. Ce petit hydrophile a un corps ovale, une dizaine de stries faites de ponctuations sur chaque élytre, des pattes orangées et le bout des pédipalpes assombris. Confusion possible en Europe avec H. arctus (limité au Nord de l’Europe ?) et H. convexus (Est de l’Europe, Asie et Moyen-Orient uniquement ?) [7]. Plusieurs espèces cryptiques (c’est à dire que l’on ne peut pas déterminer morphologiquement) ont été détectées à l’aide d’outils génétiques [8] :
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Notes et références
[1] Friday, L. E. (1988). A key to the adults of British water beetles. Field studies, 7(1), 151.
[3] Beebee, T. J. (2007). Population structure and its implications for conservation of the great silver beetle Hydrophilus piceus in Britain. Freshwater biology, 52(11), 2101-2111.
[4] Beebee, T. J. (2007). Population structure and its implications for conservation of the great silver beetle Hydrophilus piceus in Britain. Freshwater biology, 52(11), 2101-2111.
[5] Wilson, C. B. (1923). Life history of the scavenger water beetle Hydrous (Hydrophilus) triangularis, and its economic relation to fish breeding. US Government Printing Office.
[6] Identifié avec la clé Kafer-Europes pour les Helophoridae
[7] Clé d’identification des hydrophiles du genre Hydrobius sur Kafer Europas.
[8] Fossen, E. I., Ekrem, T., Nilsson, A. N., & Bergsten, J. (2016). Species delimitation in northern European water scavenger beetles of the genus Hydrobius (Coleoptera, Hydrophilidae). ZooKeys, (564), 71.